Ce n'est pas aux hommes au pouvoir d'écrire les règles du pouvoir.
Les membres de l'Assemblée constituante doivent être tirés au sort
et, bien sûr, inéligibles aux fonctions qu'ils instituent eux-mêmes.
Vous n'êtes pas identifié.
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L’éventuel Conseil Constitutionnel devrait débattre publiquement et motiver ses décisions.
Il devrait pouvoir en appeler à l'arbitrage des citoyens, mais il ne devrait pas avoir le pouvoir de contredire seul le Parlement.
Il devrait être ouvert à l’alternance.
--------------------------------------------------------------------------------
L’institution « Conseil Constitutionnel » (ou Cour Suprême) s’est généralisée dans les « démocraties » (avec des guillemets), mais on peut précisément douter du caractère démocratique de cette institution : sa légitimité face au Parlement est plus que douteuse, son pouvoir est fortement suspect.
On peut facilement y voir un outil de caste politicienne pour ligoter la volonté populaire, en cas de besoin.
Si on retient son existence, par inertie ou par raisonnement, le Conseil Constitutionnel veille au respect de la Constitution et arbitre les litiges entre les institutions.
Plutôt qu'une injustifiable et dangereuse prééminence d'une poignée d'hommes sur le Parlement, on devrait lui donner un simple droit d'en appeler aux citoyens pour trancher un litige avec le Parlement,
• soit par référendum général,
• soit par référendum restreint au sein d'une 'assemblée' de 10 000 citoyens tirés au sort (idée intéressante pour consulter largement à moindre frais).
(...)
Voir argumentation dans la partie IID des "Grands principes".
(Nota : ce point IID concerne uniquement le pouvoir du CC. Son nécessaire contrôle est traité dans un autre point : IIIF.)
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TRANSFERT DES MESSAGES DU BLOG
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Merci pour ces éclaircissements J Roman.
Au début (lors de la sortie du livre pour... une 6ème république), j'étais pour le maintien de cet organe.
À présent, me voilà éclairé de son inutilité autre que le dévoiement des lois votées au parlement et, de temps à autre, pour passer une loi à la trappe sans avoir l'air de céder, avec des annulations d'articles dérangeants de lois votées par des représentants du peuple.
Quant à la transformation en organe judiciaire : comment "sur le long terme" sera interprété le fait que des décisions de justice viennent contredire le parlement, et surtout à quoi va aboutir la jurisprudence, car en définitive le conseil n'a d'utilité que si ses jugements sont contraignants ?
La solution risque d'être pire que le mal.
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Pour le conseil constitutionnel, vu que son rôle est d'interpréter la constitution et donc des lois, vu que son rôle est de faire contre-pouvoir au pouvoir législatif, ne faudrait-il pas que ce conseil constitutionnel soit issu du pouvoir judiciaire ?
Par exemple, il pourrait être constitué de 6 juges, élus pour 6 ans par l'ensemble des juges, renouvellés par moitié tous les 3 ans
En cas de régime parlementaire où le président n'aurait plus aucun lien avec le gouvernement, pourquoi ne pas faire siéger le président censé etre garant de la constitution à ce conseil constitutionnel aussi ?
Ce conseil constitutionnel ne serait plus alors politique
L'arbitrage des citoyens pouvant être demandé si jamais le pouvoir législatif conteste la décision du conseil
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Il faut sans doute éviter que tout acteur soit à la fois juge et partie
Bonjour Sandy,
C'est une idée. Ce serait déjà mieux que l'institution actuelle, carrément politicienne et foncièrement antidémocratique.
Je vous signale pourtant quelques effets secondaires — vraiment très indésirables — qu'on peut prévoir avec une telle composition car les juges sont à la fois juges et parties en matière institutionnelle : en effet, les institutions fixent, entre autres, le pouvoir des juges, le contrôle de leur action et la mise en oeuvre de leur responsabilité.
Comment garantir leur honnêteté si, en cette occurrence précise, ils ne sont pas parfaitement désintéressés ?
Pour ma part (et pour le moment), j'ai une préférence pour l'idée de garder l'Assemblée constituante mobilisée (après le référendum validant la Constitution), en lui donnant le nom (par exemple) d'"Assemblée constitutionnelle" et en la chargeant à la fois de contrôler l'application des institutions qu'elle a elle-même établies et éventuellement de les réviser.
Mais je redoute "l'effet de gel" — phénomène psychologique important dans la réflexion sur l'exercice du pouvoir — qui gêne profondément tous ceux qui ont pris une décision (ça concerne tout le monde) au moment d'éventuellement la remettre publiquement en question (autrement dit, les décideurs publics ont viscéralement du mal à réviser leurs propres décisions). Dans notre cas, il n'est donc pas sûr que les constituants originels soient les mieux placés pour constater une erreur de conception et réviser leur propre texte. Pourtant, d'un autre côté, ce sont assurément les mieux placés pour savoir et indiquer ce que les constituants originels voulaient vraiment
On pourrait donc penser à "couper la poire en deux" et composer une Assemblée constitutionnelle mixte avec, d'une part, un partie (la moitié ? les deux tiers ?) des constituants d'origine et, d'autre part, de nouveaux tirés au sort (si l'Assemblée constituante originelle avait été tirée au sort).
Ce complément de membres pourrait peut-être comporter des juges élus, comme vous le suggérez.
Avec le risque considérable, comme je le dis partout depuis quelques années, qu'ils s'écrivent à nouveau des règles pour eux-mêmes.
Mais, je suis peut-être exagérément méfiant
Amicalement.
Étienne.
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Je vous signale pourtant quelques effets secondaires — vraiment très indésirables — qu'on peut prévoir avec une telle composition car les juges sont à la fois juges et parties en matière institutionnelle : en effet, les institutions fixent, entre autres, le pouvoir des juges, le contrôle de leur action et la mise en oeuvre de leur responsabilité.
En effet, mais ce conseil constitutionnel n'ayant pour rôle que le contrôle des lois issues du pouvoir législatif, et considérant qu'une décision de ce conseil nécessite un arbitrage des citoyens ensuite, je trouve que les risques sont vraiment limités ^^
Sinon pour votre idée de garder l'assemblée constituante mobilisée est bien dans un 1er temps, mais il se pose le problème de son renouvellement ?
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Contrôle de la constitutionnalité des lois
(À propos des derniers messages de Sandy et d'Étienne.)
Le Conseil constitutionnel actuel n'est pas un organe de juges mais un organe politique spécial. Michel Debré, en présentant le projet de la constitution actuelle, dont il était largement l'auteur, l'avait lui-même qualifié d' "organe sui generis" (je reconnais toutefois que les juristes ne sont pas unanimes sur ce point).
L'idée d'Étienne (une assemblée constitutionnelle qui se substituerait au Conseil constitutionnel actuel) est intéressante. Cependant, quiconque a parcouru les décisions du Conseil constitutionnel tombera vite d'accord que si un organe représentatif élu directement par les citoyens peut valablement édicter la loi, expression de la volonté générale, on ne peut pas attendre qu'il ait les compétences voulues pour interpréter et appliquer les principes de l'état de Droit - sauf à risquer la dictature démocratique, ce qui n'est certainement pas le but recherché ici.
Par contre, un organe directement élu par le peuple aura tout pouvoir pour modifier la constitution de manière à éviter les problèmes d'état de Droit éventuellement relevés par le Conseil : mais c'est une autre affaire.
Il est entendu qu'aucun organe d'interprétation de la constitution ne sera parfaitement objectif. Reste qu'il faut pouvoir interpréter la constitution, ce qui amène à choisir le meilleur système humainement possible.
Partons donc du principe qu'une constitution a pour objet de régler le fonctionnement des pouvoirs publics, c'est-à-dire des trois grands pouvoirs - exécutif, législatif et judiciaire - et des pouvoirs qui en dérivent.
Cela étant, un conseil composé des représentants des trois grands pouvoirs, comme c'est actuellement le cas, me paraît la solution à la fois la plus équitable et la plus pratique. Au sein du Conseil, les trois pouvoirs s'entendent pour arriver au meilleur équilibre. Cela est pleinement conforme à la logique constitutionnelle.
Pour ces raisons, je conserverais le système actuel, mais avec une modification : les anciens présidents de la République ne devraient plus siéger d'office au Conseil (rien ne devant du reste s'opposer à ce qu'un des trois pouvoirs désigne un ancien président pour le représenter). JR
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Bonjour,
Pour comprendre ma vision des choses à ce sujet, voir mon message ici: http://etienne.chouard.free.fr/forum/vi … 2912#p2912
En gros, je vois une solution intermédiaire: une Assemblée Constituante Permanente, qui juge non pas de la constitutionnalité des lois par rapport à toute la Constitution, mais seulement de leur conformité aux Principes Fondamentaux universels. Dans la mesure où l'on admet qu'une Constituante tirée au sort parmi les citoyens est capable d'écrire une Constitution, pourquoi une Assemblée Constituante Permanente formée de la même manière ne serait-elle pas capable de vérifier la conformité des lois aux seuls principes fondamentaux?
Une telle assemblée serait bel et bien au dessus du Parlement, mais aussi au-dessus du Peuple, en tant que gardienne de l'ordre supérieur auquel les Constituants originels ont fait voeu de soumission. Cet ordre supérieur est, selon Alain Touraine (in "Qu'est-ce que la Démocratie") ce qui DOIT guider en dernier recours le choix du législateur. Sans ces principes supérieurs librement acceptés, ce sont d'autres principes, imposés par des minorités au pouvoir, qui vont se substituer, pour le plus grand malheur du Peuple (principes religieux, raciaux, économiques comme pour nos nations aujourd'hui, etc). Bref, la Démocratie, qui est par essence exprimée à travers la protection des faibles et des minorités contre les abus des forts et de la majorité, ne peut exister sans ces principes fondamentaux, qui garantissent à tous les citoyens un égal traitement en tout temps, sans condition.
Pour que vive et perdure la Démocratie, il faut donc une institution gardienne de ces même principes, et qui veille scrupuleusement à leur respect. Pour être elle-même démocratique, cette institution doit être issue du Peuple (qui s'est, rappelons-le, soumis de lui-même à leur respect), et en perpétuel changement, afin d'éviter la sclérose, le dogmatisme et la "mandarinisation". L'enseignement de ces principes dès l'école primaire serait d'ailleurs un plus pour le maintien de la Démocratie, car ainsi chaque citoyen, potentiellement appelé à les défendre et les conserver, serait apte à le faire, y compris sans être appelé à l'Assemblé Constituante Permanente.
Pour info, les deux autres piliers de la Démocratie, selon Alain Touraine toujours, sont d'être constituée majoritairement de citoyens (i.e. de personnes physiques engagées au quotidien dans la politique de la cité), et de disposer d'une classe politique indépendante, qui gouverne l'Etat au nom du Peuple. Par "indépendante", il entend "non soumise au ballotement permanent de l'opinion", mais pas pour autant irresponsable devant le Peuple. Autrement dit, la classe politique est un corps social qui doit en permanence naviguer entre la volonté générale (voir les messages au dessus de mon post http://etienne.chouard.free.fr/forum/vi … 2912#p2912) et les Principes Fondamentaux.
Sans cette indépendance par rapport au Peuple, la classe politique ne peut pas gouverner sereinement, et sans soumission aux principes, elle finira par faire n'importe quoi (et en particulier, par gouverner pour elle-même, c'est ce qui nous arrive en ce moment avec le TCE et sa suite, mais aussi les gouvernements nationaux).
Un mot encore, même si je m'éloigne du sujet: le Peuple, en Démocratie, se soumet de lui-même à ses représentants, qu'il désigne (par toute modalité constitutionnellement établie) pour gouverner. Donc, en Démocratie, il y a un Gouvernement, qui a autorité sur les citoyens, qui deviennent donc sujets (du latin "sub jectum", qui est dessous, qui est soumis). Par ailleurs, l'autorité n'existe que si elle est librement donnée, accordée, par celui qui la subit (ou plutôt, la respecte). Dans le cas contraire, c'est un pouvoir qui s'exerce. Et un pouvoir sans autorité n'est rien. Donc, le Peuple, volontairement soumis au Gouvernement, donne volontairement au Gouvernement autorité pour gouverner. Ce faisant, le Gouvernement lui-même est obligé d'abandonner une part de son pouvoir, puisque sans acceptation du Peuple, il ne peut trouver aucune légitimité, et, en Démocratie, sera destitué. Ce jeu d'aller retour entre autorité consentie et pouvoir abandonné se déroule donc sous l'égide des Principes Fondamentaux.
La Démocratie, c'est au moins tout cela ensemble.
Brieuc
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J'ai beau réfléchir je ne vois pas de meilleure solution en effet qu'une assemblée constituante permanente devenue conseil constitutionnel, mais il faut réfléchir à son renouvellement et à son mode de fonctionnement.
Je ne pense pas que ce soit une bonne idée Jacques de garder un conseil constitutionnel juge et partie, même équilibré comme vous l'entendez, car ce ne sera pas toujours aussi équilibré qu'on l'imagine, le même parti politique pouvant détenir le pouvoir exécutif et législatif, il suffit que soient nommés des membres du corps judiciaire proches politiquement de ce parti, et on se retrouve dans une situation peu souhaitable.
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Sandy, la perfection n'est pas de ce monde, mais entre un conseil constitutionnel - dont on peut améliorer la composition dans le sens de l'indépendance - et des personnes tirées au sort, et s'agissant de questions juridiques, c'est sans l'ombre d'une hésitation que je m'en remettrais au Conseil constitutionnel. Comme Brieuc lui-même le reconnaît, la protection de l'état de Droit est à distinguer de la démocratie (en tout cas, le lien n'est pas automatique). Puisqu'il s'agit de droit, il faut s'en remettre à un organisme juridiquement compétent - ou alors accepter par avance l'éventualité d'un arbitraire ou d'une anarchie démocratiques auxquelles je suis opposé comme à toutes les autres.
J'en reviens à ce point essentiel que lorsque le peuple a décidé d'agir par des représentants, il a droit à ce que ces représentants aient la compétence maximale requise pour traiter des problèmes qui lui sont soumis. Je trouve insupportable l'idée qu'il puisse s'en remettre à des représentants de rencontre.
Le tirage au sort est proposé par ceux qui pensent que tous les pouvoirs sont corrompus dès le principe. Je ne suis pas de cet avis, et je pense que la corruption est présente à égalité chez l'individu (tiré au sort ou pas) et dans la collectivité. Le seul problème réel qui se pose en démocratie est celui de l'efficacité des contrôles que les citoyens et leurs représentants doivent exercer les uns sur les autres pour éviter la corruption. JR
Dernière modification par Jacques Roman (14-12-2007 06:18:05)
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Cher Jacques,
N'est-ce pas au peuple lui-même, par référendum, de décider s'il préfère des représentants plutôt compétents (choisis par élection) ou des représentants plutôt honnêtes (choisis par tirage au sort) ?
Selon vous, à qui devrait revenir finalement le choix entre élection et tirage au sort (ou une solution mixte) ?
Amicalement.
Étienne.
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Oui, Étienne, c'est au peuple qu'il appartient de choisir entre élection et tirage au sort. Mon message traduisait un point de vue personnel qui, je l'espère serait celui du peuple si on le consultait. JR
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Bonjour,
J'avais en fac un prof anglais qui avait coutume de dire (avec un fort sympathique accent british): "Vous avez deux 'end-members', et le vérité est probablement quelque part entre les deux".
Je pense donc que sans doute un système équilibré est bien le tirage au sort parmi les plus compétents (désignés par un suffrage proportionnel portant sur des non volontaires?). La solution mixte est souvent la meilleure à long terme, même si elle ne prend pas en compte en même temps tous les avantages de chaque solution "pure". C'est un équilibre qui permet da maximiser les gains/avantages et de minimiser les pertes/inconvénients.
Brieuc
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Solution mixte ?
Brieuc (2930).
Une solution mixte est envisageable, mais le système que vous semblez envisager soulève des difficultés :
1) "Tirage au sort parmi les plus compétents désignés par un suffrage proportionnel portant sur des non-volontaires" : de quels non-volontaires s'agirait-il (les électeurs inscrits sur la liste électorale) ?
2) Pourquoi écarter les volontaires ?
3) "Suffrage proportionnel" : il me semble que vous parlez d'une élection à deux tours - sauf qu'une élection ne désigne pas forcément les plus compétents, mais ceux qui recueillent le plus de voix (ce qui n'est pas la même chose). JR
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Le conseil constitutionnel doit juger des choix politiques, je pense que cela différe totalement d'un tribunal qui lui doit juger des faits, non ?
Alors pourquoi parlez-vous de compétents ? Ne s'agit-il pas plus d'idées que de compétences ?
Dernière modification par Sandy (15-12-2007 20:15:22)
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L'indignation des compétents
Cher Jacques,
1) Quel est, d'après vous, le meilleur moyen de déterminer les plus compétents ?
2) Que signifie "compétence" en matière politique, alors que toutes les démocraties du monde, que je sache, proclament haut et fort que "un homme = une voix", ce qui est l'incarnation du principe révolutionnaire de l'égalité politique. Cette égalité politique serait-elle, pour vous, compatible avec une inégalité des compétences politiques ? Par quelle ruse de l'esprit ?
Amicalement.
Étienne.
PS : je verse au débat (et je vous recommande chaleureusement la lecture de) ce billet savoureux (et peu commenté pour l'instant) où deux propos d'Alain, une sentence de Pareto et une étonnante pensée de Machiavel sont associés pour faire sens :
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/f … competents
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Compétence politique
Mon cher Étienne,
Le texte que vous citez concerne, il me semble, le contrôle des représentants (les députés) et des bureaucrates (l'administration) plutôt que le moyen de désigner des représentants et des bureaucrates compétents.
Pour répondre précisément à vos questions :
1) Tous les citoyens ont vocation à exercer des fonctions politiques, mais tous n'ont pas la même compétence pour le faire. Cela étant, le meilleur moyen de chosir les représentant les plus compétents est de mettre en concurrence ceux qui sont prêts à remplir une fonction publique : donc, d'organiser des élections (représentants) et des concours (bureaucrates) ;
2) La compétence politique repose sur deux choses : 1) l'adéquation des objectifs politiques du candidat avec la volonté de la majorité qui l'élira, et 2) un jugement de valeur sur l'aptitude du candidat à parvenir aux objectifs. Ce jugement de valeur portera essentiellement sur la sincérité du candidat et l'ensemble des qualités qu'il peut mettre au service des objectifs communs. Ce jugement, le tirage au sort ne permet pas - ou très mal - de le former.
Le principe "un homme, une voix" se rapporte au suffrage universel appliqué à la désignation de représentants (démocratie représentative) ou à l'approbation de certaines décisions directement par le peuple (démocratie directe). Il ne signifie pas que tout citoyen a automatiquement compétence pour exercer un pouvoir politique.
Cela dit, je suis d'accord que le tirage au sort peut être un bon moyen, dans certaines conditions, de contrôler l'activité des représentants désignés par l'élection et celle des bureaucrates.
Amitiés. JR
Dernière modification par Jacques Roman (16-12-2007 03:22:14)
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Bonjour,
De mon point de vue, si la compétence est nécessaire pour le bureaucrate, qui doit le plus souvent accomplir une tâche précise dans un cadre donné, je ne vois pas ce qu'elle a à faire dans le politique. Dans la plupart des cas, la politique s'appuie sur du bon sens et une dose (plus ou moins massive selon le niveau de responsabilité) de culture générale. Etre maire ou député ne demande pas de sortir de la cuisse de Jupiter, ni d'avoir un cursus complet science-po - ENA.
Jacques Roman, vous parlez de compétence pour désigner ceci:
"2) un jugement de valeur sur l'aptitude du candidat à parvenir aux objectifs. Ce jugement de valeur portera essentiellement sur la sincérité du candidat et l'ensemble des qualités qu'il peut mettre au service des objectifs communs."
Comme vous le précisez dans cette même phrase, il s'agit là de qualités humaines, qui ont peu à voir avec l'instruction et la formation (=les moteurs de la compétence), mais avec la nature de la personne, et son éducation (=son aptitude à reconnaître et suivre les principes de la morale, qui me sont chers par ailleurs sous le vocable de "Principes Fondamentaux").
Je crois que le risque de chercher systématiquement la compétence présente deux dangers:
1) celui de tomber dans un gouvernement par le compétence, qui fait appel pour s'exprimer à des techniques apprises. C'est la technocratie dans toute sa splendeur.
2) celui de s'enfermer dans l'application systèmatique de recettes connues pour résoudre les questions rencontrées, sans plus chercher à découvrir d'autres solutions, et sans plus jamais trouver de questions inédites pour l'élu qui les rencontre (autrement dit, le risque de gouverner par un catalogue de réponses pré-formatées). C'est le dogme dans toute sa splendeur.
Dans les deux cas, la solution est de placer au moins de temps en temps, des "candides" à la tête de nos gouvernements, afin que leur regard neuf puisse apporter des idées nouvelles sur de vieux problèmes.
Par ailleurs, contrairement à ce qui pouvait être compris dans un de mes messages précédent, je n'écarte pas les volontaires à une fonction. J'aurais dû écrire "élection à la proportionnelle parmi les citoyens, sans déclaration de candidature obligatoire". Cela signifie que si une personne est volontaire pour une tâche, elle peut le déclarer, ça ne mange pas de pain. Par contre, une personne qui ne se déclare pas peut parfaitement être désignée par ses concitoyens, au motif de ses qualités et compétences. En ce cas, la personne désignée est inscrite sur une liste finale de "personnes pressenties pour la fonction"; les non-volontaires pourraient se rétracter, mais je pense que ce serait plutôt mal venu, car si tous les non-volontaires se retirent, il ne restent que les volontaires, donc ceux qui, peut-être, ont une idée derrière la tête. Or, il a été discuté ailleurs sur le forum je crois du fait que seuls ceux qui ne sont pas attachés à obtenir le pouvoir devraient avoir accès au pouvoir, en espérant ainsi qu'ils en partiront plus vite (mais le pouvoir corrompt, on le sait, donc cela n'empêche pas l'institution de règles sur la durée et le renouvellement des mandats).
Par la suite, un tirage au sort sur cette "liste finale" désigne le ou les mandatés. Cette étape est nécessaire pour briser les politiques de partis, et casser la machine à fabriquer l'opinion.
Une telle combinaison permet tout à la fois de profiter des meilleures compétences (puisque les personnes sont désignées a priori pour leur compétences), et du tirage au sort, briseur de stratégies d'accès au pouvoir pour le pouvoir.
Un dernier point: pour une élection à un poste à personne unique (députation, présidence,...), il serait possible de proposer aux citoyens de désigner, par ordre de préférence, x candidats (trois, cinq...). La liste finale comprendrait alors les x personnes les plus souvent citées. Imaginons ce système appliqué au premier tour de la présidentielle de 2007. Un tirage au sort entre Royal, Sarkozy et Bayrou, ça a plus de gueule qu'un deuxième tour Royal-Sarko, non?
Amicalement,
Brieuc
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Tirage au sort : liste finale
Bonjour Brieuc (2947).
Il y a quelque chose que je ne comprends toujours pas dans le système que vous proposez : à partir de quoi est établie la "liste finale" sur laquelle on tirera au sort ?
Ensuite, si un "non-volontaire" accepte le poste, ne devient-il pas "volontaire", et du même coup chercheur de pouvoir ? En toute logique, un vrai "non-volontaire" devrait refuser d'exercer la fonction même si on le désigne. JR
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Jacques Roman a écrit:
Tirage au sort : liste finale
Bonjour Brieuc (2947).
Il y a quelque chose que je ne comprends toujours pas dans le système que vous proposez : à partir de quoi est établie la "liste finale" sur laquelle on tirera au sort ?
La liste en question serait établie à partir des choix exprimés par les votants. Un exemple pour les législatives: l'électeur dispose de x noms (les volontaires ou candidats officiels) pour sa circonscription. Il peut donc choisir y noms, qui représentent pour lui des choix souhaitables parmi ceux des candidats, mais aussi placer d'autres noms, qui lui sont connus, et qui sont ceux de personnes pour lui au moins aussi souhaitables à ce poste (ce sont les fameux "non volontaires", qu'il serait sans doute préférable de désigner par "non candidats").
La liste établie, à partir donc des y noms les plus souvents cités, un tirage au sort est effectué, qui peut donc parfaitement désigner un non-candidat.
Jacques Roman a écrit:
Tirage au sort : liste finaleEnsuite, si un "non-volontaire" accepte le poste, ne devient-il pas "volontaire", et du même coup chercheur de pouvoir ? En toute logique, un vrai "non-volontaire" devrait refuser d'exercer la fonction même si on le désigne. JR
Ne jouons pas sur les mots, s'il vous plaît, la chose est déjà assez difficile comme cela ;-). Cela dit, vous avez raison sur le fond sémantique: Un "non candidat" (puisqu'il est préférable de les nommer ainsi, pour éviter les confusions) qui serait désigné par ses concitoyens, puis par le tirage au sort, pourrait accepter le mandat. Dans ce cas, il est bien devenu volontaire pour remplir la mission confiée par les électeurs. Si il refuse, alors il est tout à la fois non-candidat, et de fait, non-volontaire!
Brieuc
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L'élection parmi des personnes volontaires puis le tirage au sort parmi ces représentants élus ne vous plait pas ?
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"Non-volontaires"
J'avais en effet un peu joué sur les mots dans mon message 2948 (pardon Brieuc), mais je maintiens qu'il y a assez peu de différence, sur le plan du désintéressement personnel, entre un candidat élu et un non-candidat qui accepterait sa désignation.
Il me semblerait plus simple et plus conforme à la logique du tirage au sortd'établir la première liste en votant pour n'importe quel électeur inscrit sur la liste électorale. On s'assurerait ensuite que toute personne désignée pour figurer sur la liste de base est prête à assumer la fonction si le sort la désigne (attestation de "non-objection" ?).
Mais franchement, c'est toute la logique du tirage au sort qui me paraît contestable. JR
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Bonjour,
Le mode de sélection des représentants peut faire l'objet de longs débats très intéressants, mais qui ne trouvent pas leur place sur ce fil, consacré au départ à la place du "conseil constitutionnel". Peut-être pourrions-nous poursuivre ailleurs, sur un autre fil, si le coeur vous en dit?
Le débat existe déjà (3A1: Désignation des représentants politiques : élections (et avec quel mode de scrutin) ou tirage au sort ? sur le lien http://etienne.chouard.free.fr/forum/vi … .php?id=20)
Brieuc
Dernière modification par brieuc Le Fèvre (18-12-2007 08:44:16)
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C'est vrai, les fils s'emmêlent. JR
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Le Parlement et la souveraineté : affermir les prérogatives de la représentation nationale en matière de contrôle des normes européennes
par Michel Troper, professeur à l'Université de Paris X :
http://www.fondation-res-publica.org/Le … _a252.html
Merci, Monsieur le Président.
Je crains de vous décevoir par un propos un peu décentré par rapport à tout ce qu'il s'est dit jusqu'à maintenant, qui était fort intéressant, sur les notions de régime présidentiel ou sur la suprématie de la constitution européenne. En effet, j'avais prévu de parler plus précisément du contrôle de constitutionnalité. Ce n'est pas sans rapport mais ce n'est pas exactement le centre de mon propos.
Ce n'est pas sans rapport : comme Anne-Marie Le Pourhiet l'a très justement rappelé tout à l'heure, le Conseil constitutionnel est actuellement le seul contrepouvoir au bloc que forment le Président, le Premier ministre et la majorité homogène.
Le contrôle de constitutionnalité, néanmoins, souffre, notamment, d'un défaut essentiel, c'est qu'il est assorti d'un contrôle de conventionalité qui donne aux juges le pouvoir de mettre en cause la loi, pas seulement au Conseil constitutionnel, pas seulement au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation mais à tous les juges.
Cependant, les contrôles, actuellement extrêmement développés, ne sont pas répartis comme il le faudrait.
Je distinguerai trois points :
1. Les inconvénients de la situation actuelle,
2. les remèdes, extrêmement partiels suggérés par le Comité Balladur,
3. enfin, d'autres remèdes auxquels nous pourrions songer ici.
1. La situation actuelle du contrôle de constitutionnalité n'est pas satisfaisante.
Elle souffre de tous les défauts qui affectent le contrôle de constitutionnalité des lois en général, auxquels s'ajoutent les défauts spécifiques à la manière dont le contrôle est pratiqué en France.
Les nombreux défauts généraux du principe de contrôle de constitutionnalité des lois peuvent être mis en lumière en examinant les arguments qui sont d'habitude fournis à l'appui de l'institution du contrôle de constitutionnalité des lois.
On dit, c'est devenu aujourd'hui un lieu commun, qu'il faut absolument exercer un contrôle de constitutionnalité des lois parce que la Constitution est par nature supérieure aux lois et que la supériorité signifie qu'une loi contraire à la Constitution ne doit pas pouvoir être appliquée ou qu'elle doit pouvoir être annulée ou encore, dans le contexte français, qu'il est interdit de la promulguer.En réalité cet argument repose sur une équivoque et résulte de l'ambiguïté du concept même de supériorité. Ce mot désigne en effet deux choses très différentes : il peut vouloir dire que c'est la Constitution qui détermine les compétences et les pouvoirs de tous les organes de l'Etat et le mode de production des lois, des décrets, de toutes les normes de la République ; mais il peut signifier aussi qu'une loi — ou une autre norme — contraire à la Constitution est annulable.
Or ces deux concepts de supériorité ne se confondent pas. La meilleure preuve en est que, si toutes les constitutions sont bien supérieures dans le premier sens, si elles déterminent les compétences des autorités de l'Etat, elles ne prévoient pas toutes un mécanisme de contrôle. La supériorité, dans le second sens, c'est la nullité de la loi contraire et si l'on prétend faire découler de cette définition de la supériorité l'idée que la loi contraire doit être annulée, le raisonnement est tautologique : « Puisque la Constitution est supérieure à la loi, alors la Constitution doit être supérieure à la loi ».Un autre argument est avancé selon lequel le contrôle de la constitutionnalité des lois serait une opération purement technique, consistant à comparer le texte de la Constitution au texte de la loi et à constater, en cas de contradiction, que la loi doit être annulée.
Cet argument repose sur l'idée totalement fausse que la comparaison est une opération neutre. En réalité, tout le monde sait bien que le texte de la Constitution doit être interprété et que le texte de la loi qu'on soumet au juge, doit lui même être interprété. Or l'interprétation n'est pas une opération purement technique : c'est un acte de volonté qui implique des préférences politiques et la mise en jeu de ces préférences politiques. Si le juge de la constitutionnalité des lois peut interpréter librement et si son interprétation n'est pas contrôlée, il peut imposer n'importe quelle interprétation et c'est lui qui devient non seulement le législateur mais le constituant.
Le Conseil constitutionnel, en France, a modifié la norme constitutionnelle (et non le texte de la Constitution) à plusieurs reprises. Par exemple, c'est lui qui a décidé que les juges ordinaires pouvaient faire prévaloir les règles internationales, notamment européennes, sur la loi nationale. Cette modification de la Constitution est donc le résultat d'une interprétation donnée par le Conseil constitutionnel. Ceci n'est évidemment qu'un exemple parmi beaucoup d'autres.Un troisième argument classique en faveur du contrôle de constitutionnalité des lois, c'est qu'il est nécessaire de protéger les droits fondamentaux, notamment parce qu'une majorité parlementaire malveillante pourrait leur porter atteinte et opprimer la minorité.
Mais, cet argument ne permet pas d'expliquer pourquoi le juge serait un meilleur protecteur des droits fondamentaux qu'un parlement et il néglige le fait que ce juge n'est pas moins déterminé par des préférences politiques qu'un parlement.
Aux États-Unis, la cour suprême protège très bien la liberté d'expression mais beaucoup moins bien le droit à la santé auquel, en raison de ses préférences politiques, elle est moins sensible.
En Europe, il existe une conception, largement répandue depuis la Révolution française selon laquelle les droits et libertés ne se définissent pas contre l'État ou malgré l'État mais grâce ou par l'intervention de la loi, c'est la loi qui protège et non pas qui opprime.
Dès lors qu'on écarte ces arguments classiques, on pourrait parfaitement se passer du contrôle de constitutionnalité des lois. On s'en est d'ailleurs longtemps passé : en France, le contrôle de constitutionnalité des lois est survenu par accident. Mais il en est probablement du contrôle de la constitutionnalité des lois comme de l'élection du Président de la République au suffrage universel : Quelle que soit l'opinion que l'on en a, il est aujourd'hui difficile d'y renoncer.On peut alors tenter de l'aménager et de remédier aux défauts spécifiques du système français. Ces défauts spécifiques tiennent à plusieurs éléments :
Le premier est la composition, le statut, le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel. Les nominations se font sans aucun contrôle. Le comité Balladur suggère une amélioration partielle sur ce point. On n'exige des membres du Conseil aucune compétence juridique particulière, d'où le rôle excessif au sein du Conseil du service juridique et surtout du secrétaire général.
Le deuxième défaut est que le contrôle est seulement a priori. Comme il s'exerce principalement dans les quinze jours qui séparent le vote d'une loi par le Parlement de sa promulgation par le Président de la République, le conseil constitutionnel apparaît beaucoup plus comme une troisième chambre qui peut exercer un droit de veto sur les lois votées par le Parlement. Une fois la loi promulguée, plus rien : même dans l'hypothèse où la loi serait véritablement oppressive, il n'y a plus rien à faire, sauf le fameux contrôle de conventionalité.Le contrôle de conventionalité s'est développé en France après la fameuse décision du Conseil constitutionnel de 1975 sur l'IVG. L'article 55 de la Constitution a été interprété comme autorisant n'importe quel juge à faire prévaloir n'importe quelle règle internationale, y compris du droit dérivé, mais aussi un traité de commerce, sur la loi parlementaire. Ces règles sont donc mieux protégées que la Constitution nationale. Il est même possible qu'elles soient elles-mêmes contraires à la Constitution française. Même dans ce cas, elles ne peuvent être écartées.
Sur le plan des principes de notre République démocratique, cela signifie qu'il devient donc impossible de continuer de présenter la loi comme l'expression de la volonté générale, dès lors que la règle qui prévaut sur la loi parlementaire n'a pas été adoptée par les représentants du peuple français.
Ce système ne permet donc pas de faire prévaloir la volonté générale mais au contraire conduit à la faire céder devant d'autres règles.
2. Face à cela, quelles sont les propositions du comité Balladur ?
Le comité Balladur a écarté une proposition tendant à transférer le contrôle de conventionalité au Conseil constitutionnel.
Il invoque une raison qui ne me paraît pas suffisante : le risque de divergences de jurisprudence avec la Cour de Cassation et le Conseil d'État d'une part, la CJCE d'autre part. Le risque n'est pas nul, mais de telles divergences existent de toute façon et surtout leur possibilité conduit les cours à modifier leurs stratégies. Chacune en réalité tient compte des réactions possibles des autres.
Sur la composition du Conseil constitutionnel il a fait une suggestion qui paraît bonne mais insuffisante. Elle consiste à encadrer le pouvoir de nomination et à permettre à une commission mixte de l'Assemblée nationale et du Sénat d'auditionner les personnalités dont la nomination est envisagée et d'émettre un avis public.
Cela concerne toute une série d'emplois et notamment les membres du Conseil constitutionnel.
Ce n'est qu'un avis et l'on n'exige toujours pas que les membres possèdent une quelconque compétence juridique. On peut cependant penser que cette procédure est de nature à inciter les autorités de nomination à la prudence et que les nominations de personnalités sans compétence juridique seraient plus rares. En tout cas, tel était, semble-t-il, l'espoir du comité.
La troisième suggestion du comité Balladur, sa mesure phare en cette matière est l'introduction d'une exception d'inconstitutionnalité.
Le comité Balladur reprend une proposition du comité Vedel de 1993, faite à peu près dans les mêmes termes, mais laissant à la loi organique le soin de préciser un point extrêmement important celui de savoir si le Conseil d'État ou la Cour de Cassation serviraient de filtre.
Il y a en effet deux systèmes possibles :
Une juridiction ordinaire doit appliquer une loi ; l'une des parties soulève une exception d'inconstitutionnalité devant le juge ordinaire et celui-ci doit alors renvoyer directement au Conseil constitutionnel. C'est le système italien.
Selon le second système, celui qui était proposé par le comité Vedel, chaque juridiction ne peut pas saisir directement le Conseil constitutionnel mais les renvois sont filtrés par la juridiction suprême de chaque ordre de juridiction.
Il me semble que les deux systèmes ont leurs inconvénients. Le second, notamment, ferait que les recours effectivement transmis au Conseil constitutionnel seraient probablement très rares. Les juridictions suprêmes ne renverraient au Conseil constitutionnel que lorsqu'elles auraient la certitude que la loi est contraire à la Constitution. Le pouvoir du Conseil constitutionnel serait donc extrêmement réduit, d'autant plus réduit que, comme il est arrivé en Espagne, le contrôle a priori finirait par s'étioler.
En tout cas le comité ne tranche pas.
3. Peut-on songer à d'autres remèdes ?
Ces remèdes peuvent être de trois ordres.
En effet, si l'on ne peut pas renoncer au contrôle de constitutionnalité des lois ni au conseil constitutionnel, il faut remédier aux inconvénients du contrôle de conventionalité diffus que nous connaissons aujourd'hui. Or, si l'une des possibilités envisagées par le comité Balladur était retenue par la loi organique, il serait étendu au contrôle de la constitutionnalité des lois.
L'inconvénient de ce contrôle diffus est qu'il donne beaucoup trop de pouvoir à des juges (qui n'ont ni le prestige ni l'autorité des juges américains) dont on ne connaît pas la compétence et qui pourraient juger de manière très différente selon leurs préférences idéologiques de sorte que, non seulement la loi ne serait plus l'expression de la volonté générale, mais qu'elle ne serait pas non plus la même pour tous puisque les juges du Sud ou de l'Est pourraient juger différemment des juges du Nord ou de l'Ouest et que l'harmonisation par les cours suprêmes serait extrêmement longue.
D'un autre côté, il est difficile, pour toutes sortes de raisons, de transformer le Conseil constitutionnel en cour suprême, comme certains l'ont proposé. La plus importante est qu'une telle réforme ne pourrait se faire indépendamment d'une refonte complète de l'ensemble des juridictions françaises et d'une réflexion approfondie sur la nature même de la fonction juridictionnelle et ses rapports avec les autres pouvoirsCela dit, on peut envisager de le transformer non en cour suprême, mais en véritable cour constitutionnelle, et de le soumettre à un contrôle sérieux et efficace, c'est-à-dire, d'organiser un contre-pouvoir au contre-pouvoir :
• Dans un premier temps, renforcer les pouvoirs du Conseil constitutionnel en le transformant en véritable cour constitutionnelle; développer le contrôle par voie d'exception, à l'italienne, et conduire chaque juge à renvoyer au Conseil constitutionnel en cas de difficulté sérieuse sur la constitutionnalité d'une loi.
• Mais d'autre part, étendre le pouvoir du Conseil constitutionnel en matière de contrôle de conventionalité, c'est-à-dire le conduire à assurer la primauté de la Constitution plutôt que la primauté des traités. Le Conseil constitutionnel, comme le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, se sont déjà engagés dans cette voie lorsqu'ils ont décidé que le droit international pouvait prévaloir sur les lois mais pas sur les principes constitutionnels et que la suprématie du droit international n'avait son fondement que dans la Constitution.En se fondant sur cette idée, on pourrait dans un premier temps renforcer le pouvoir du Conseil constitutionnel de deux façons :
a) tout d'abord modifier l'article 54 de la Constitution et permettre au Conseil constitutionnel non seulement d'examiner la conformité à la Constitution d'un engagement international avant sa ratification, mais étendre cette possibilité à tout projet de règle internationale susceptible de prévaloir sur les lois.
- le Conseil constitutionnel pourrait être saisi a priori d'un projet de règle internationale dans les mêmes conditions que pour les traités. Il pourrait alors attirer l'attention du gouvernement sur une éventuelle incompatibilité avec la Constitution. Cette décision aurait pour conséquence que, dans l'hypothèse où la règle internationale serait malgré tout adoptée, il serait interdit au juge ordinaire de la faire prévaloir sur la loi nationale.
Ainsi le caractère d'expression de la volonté générale que revêt la Constitution pourrait être préservé par ce contrôle a priori.
- Un contrôle a posteriori pourrait être exercé par le Conseil constitutionnel en cas de contradiction entre une loi et une règle internationale ancienne, un juge ne pourrait faire prévaloir la règle internationale qu'après que le Conseil constitutionnel l'aurait examinée et déclaré qu'elle n'est pas elle-même contraire à la Constitution.
Dans les deux cas, ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui exercerait directement un contrôle de conventionalité, mais il contrôlerait son exercice. En effet, puisque le contrôle de conventionalité n'existe qu'en application de la Constitution, il ne faut pas qu'il s'exerce contre la Constitution.
b) On pourrait modifier le statut et l'organisation du Conseil constitutionnel.
Comme pour un certain nombre de cours constitutionnelles étrangères, on devrait, me semble-t-il, faire en sorte que le Conseil constitutionnel dans sa composition, reflète, non pas la majorité parlementaire mais la composition du Parlement dans son ensemble, ce qui lui confèrerait une légitimité pour exercer et pour participer à l'expression de la volonté générale.
Il faudrait donc que le juge constitutionnel soit élu par le Parlement à une majorité qualifiée de telle sorte qu'il représente aussi une partie de l'opposition.
Le système proposé tout à l'heure conduirait inévitablement à un accroissement considérable de la charge de travail. Il faudrait donc modifier l'organisation, notamment matérielle, du Conseil constitutionnel.
c) Le troisième remède, complément indispensable de tout ce que j'ai dit jusqu'à présent, consisterait à renforcer la légitimité du Conseil constitutionnel.Il paraît en effet difficile de concilier le contrôle de la constitutionnalité avec le principe démocratique, notamment si l'on reconnaît qu'il ne peut consister dans l'application mécanique de la Constitution et qu'il comporte une part considérable de pouvoir discrétionnaire.
Si dans l'exercice de ce pouvoir les juges sont inspirés par des préférences idéologiques, comment comprendre qu'ils puissent s'opposer à la volonté exprimée par les représentants du peuple souverain ?
Parmi les différentes théories qui visent à réaliser cette conciliation, la plus influente en France est celle exposée par Georges Vedel sous le titre de « théorie du lit de justice ». Il voulait dire par là que le pouvoir constituant, qui n'est autre que le peuple souverain, peut toujours apparaître en majesté et réviser la Constitution pour renverser une décision du juge constitutionnel. Ceci implique, selon Vedel, non seulement que le juge a le devoir de s'incliner devant la volonté du peuple, mais aussi, que le silence du pouvoir constituant signifie approbation de la décision du juge.
Cette ingénieuse théorie n'est acceptable qu'à une condition, que le doyen Vedel ne mentionnait pas : que la procédure de révision de la Constitution ne soit pas excessivement lourde et complexe. Cette condition n'est évidemment pas remplie dans le cas français. En revanche, dans certains pays, la révision de la Constitution est très facile, la Constitution autrichienne, à titre d'exemple, a été révisée plusieurs centaines de fois depuis 1945, notamment pour surmonter des décisions de la cour constitutionnelle.
Si la procédure de révision est trop lourde, comme c'est le cas en France, il faut envisager un remède intermédiaire : établir une procédure distincte de la procédure de révision constitutionnelle et permettre de donner au Parlement le pouvoir de délivrer une interprétation authentique de la Constitution qui s'imposera lorsque le juge constitutionnel aura rendu une décision contestable du point de vue de l'équilibre démocratique.
C'est le cas de la constitution roumaine : en Roumanie, le Parlement peut, à la majorité des deux tiers, renverser une décision du juge constitutionnel. On peut considérer que cette intervention du Parlement à la majorité des deux tiers constitue une interprétation authentique de la Constitution qui s'impose toutes les fois que la décision du juge constitutionnel elle-même constitue une interprétation relevant d'une idéologie que le Parlement n'approuve pas.
Enfin, dernière possibilité, permettre un référendum d'initiative populaire pour aboutir à cette interprétation authentique.Avec des pouvoirs renforcés, il me semble en effet indispensable de mieux contrôler le juge constitutionnel et voilà quelques moyens qui, me semble-t-il, permettent de le faire.
Passionnante intervention, n'est-ce pas ? (Si les couleurs vous gênent, il suffit de suivre le lien et d'imprimer l'original )
Étienne.
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Bonjour
Je ne comprends pas pourquoi la "dernière possibilité" n'est que "permettre" un référendum "d'initiative populaire". En cas de conflit entre le législateur et le contrôle constitutionnel il y a aussi la possibilité d'imposer constitutionnellement un référendum avec le choix entre la révision de la constitution et la révision de la loi.
Sinon ce texte est très intéressant. Il me paraît en effet (comme pour toute autre loi) inutile d'établir une constitution si on ne définit pas dans le même temps l'instance chargée de vérifier qu'elle est appliquée et la sanction de sa non application.
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Passionnant je ne sais pas mais c'est bien qu'ils prennent un peu conscience de l'illégitimité du conseil constitutionnel.
Par contre mis à part le référendum d'initiative citoyenne, toutes ses propositions sont une horreur je trouve ^^
Ma préférence reste donc le tirage au sort des membres du conseil constitutionnel parmi les membres de l'assemblée constituante.
Les membres du conseil constitutionnel ne sont pas des juges. La constitution n'est pas du domaine du droit mais du domaine de la philosophie politique.
Dernière modification par Sandy (21-10-2011 22:46:00)
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Bravo Sandy,
Mais pourquoi ressusciter dans votre troisième phrase un organisme dont vous soulignez l'illégitimité dans la première ?
J'ai parfois du mal à comprendre votre logique.
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ils n'est plus illégitime s'il est tiré au sort parmi les membres de l'assemblée constituante ...
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Sandy a écrit:
ils n'est plus illégitime s'il est tiré au sort parmi les membres de l'assemblée constituante ...
Encore pas d'accord.
Le terme de Conseil évoque un nombre limité de personnes.
Nombre qui ne remplit plus les conditions statistiques de représentativité.
Et qui laisse la porte ouverte à tous les lobbyings ad hoc.
Un point de constitutionnalité doit être voté par une assemblée suffisamment représentative, ou, s'il est de grande portée, par un référendum général.
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Le référendum d'initiative populaire n'a rien à faire ici (il a d'autres fonctions : initier une modification de la constitution, initier un projet de loi, ...). Un citoyen unique doit être en mesure de poser la question de constitutionnalité sur n'importe quelle loi, qu'elle lui soit applicable ou pas, qu'elle soit déjà applicable ou pas. Une cour spécialisée (ou pas, mais à quelle cour existante confieriez vous cette question ?) doit être en mesure de la juger. En cas de jugement d'inconstitutionnalité la sanction doit être automatique : le jugement d'inconstitutionnalité signifie conflit entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif et doit donc impliquer un arbitrage par le peuple (pas seulement à l'initiative hypothétique d'un groupe qualifié de citoyens).
(encore une fois : sinon ce n'est pas la peine de se fatiguer à écrire une constitution)
Dernière modification par lanredec (24-10-2011 10:24:21)
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bernarddo a écrit:
Sandy a écrit:
ils n'est plus illégitime s'il est tiré au sort parmi les membres de l'assemblée constituante ...
Encore pas d'accord.
Le terme de Conseil évoque un nombre limité de personnes.
Nombre qui ne remplit plus les conditions statistiques de représentativité.
Et qui laisse la porte ouverte à tous les lobbyings ad hoc.
Un point de constitutionnalité doit être voté par une assemblée suffisamment représentative, ou, s'il est de grande portée, par un référendum général.
on n'a pas besoin d'une représentativité parfaite, l'ensemble des représentants se succèdent grâce au roulement rapide permis par le tirage au sort
on a surtout besoin de l'honnêteté, c'est ce que garantie leur mode de désignation
c'est faire participer directement des citoyens, ce ne sont pas des professsionels
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Que de joies aujourd'hui!
Une fois de plus d'accord avec le 11311 de l'excellent lanredec.
Et je crois même halluciner en lisant Sandy: est-il maintenant partisant de la constituante tirée au sort ?
Puisque si pour obtenir des non professionnels pour le conseil constitutionnel on le tire au sort dans l'assemblée constituante, il est entendu que cette dernière ne doit pas être constituée de professionnels de la politique, bref elle doit être tirée au sort parmi les volontaires !
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non il suffit d'interdire les professionnels ( interdire tous ceux qui ont un mandat ou qui travaillent de près ou de loin pour les politiciens et rendre inéligibles les membres de la constituante )
le tirage au sort ne garantit absolument pas que les tirés au sort ne soient pas des professionnels, c'est justement du hasard, ça peut très bien tomber sur certains d'entre eux
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Interdire, interdire, toujours interdire. Y'en a marre.
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n'importe quoi
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Un exposé très intéressant de Charlotte Girard, enseignante et maître de conférence à l'Université de Rouen, spécialisée dans le droit constitutionnel (http://www.univ-rouen.fr/12645/0/fiche_annuaire/).
=> http://www.dailymotion.com/video/xheg50 … irard_news
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Tros classe une prof de ma fac, big up la famille !
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L’éventuel Conseil Constitutionnel ne domine pas le Parlement
@S-L
content pour toi S-L, et tu préfères le big mac ou le giant ?
@Béo
Interdire, interdire, toujours interdire. Y'en a marre.
@Sandy
Faut-il qu'un conseil des sages (conseil constitutionnel) existe ?
@Topic
Une constitution pour ma part si elle est juste, à terme, ne sera pas remise en question fréquemment. On peut donc penser qu'un défaut existant ou un élément manquant qui sera décelé demandera une grande pertinence à expliquer une fois mis en évidence. Ce sont les lois découlant de cette constitution qui seront bien plus discutables.
Il suffirait ainsi qu'une majorité de l'assemblée classique composée de membres de la population vote la question constitutionnelle pour la changer. Tout ça dépend évidemment de la constitution de départ écrite. La problématique aussi est de pouvoir porter cette question devant l'assemblée, vérifier la pertinence et la validité de la question avant de la faire débattre dans les ou l'assemblée changeant les lois et la constitution.
Dans le cas où un système de parlement est maintenu ou dans le cas d'une multitude d'assemblées, je crois que mettre un organe au dessus de tous spécifique à la constitution, fait plus office de censeur que de réformateur.
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Le conseil constitutionnel vient d'interdire la taxation à 75% des plus riches sous prétexte d'inégalité de traitement face à l'impôt.
On voit bien comment le conseil constitutionnel peut vite se transformer en organe de censure politique
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