Forum du plan C : pour une Constitution écrite par et pour les Citoyens

Ce n'est pas aux hommes au pouvoir d'écrire les règles du pouvoir.
Les membres de l'Assemblée constituante doivent être tirés au sort
et, bien sûr, inéligibles aux fonctions qu'ils instituent eux-mêmes.

Vous n'êtes pas identifié.

Bienvenue :o)

Bonjour :o)
Ici, depuis le 1er janvier 2006, nous parlons d'un sujet que les politiciens de métier voudraient bien garder pour eux : nous parlons de la Constitution, de ce texte absolument fondamental pour tous les citoyens (et pourtant complètement négligé par eux), de ce texte qui pourrait nous protéger tous contre les abus de pouvoir si nous le faisions nôtre au lieu d'en abandonner la maîtrise à ceux-là mêmes qu'il est censé contrôler.
Nous discutons principe par principe, méthodiquement. Nous avons d'abord suivi le plan de mon document "Les grands principes d'une bonne Constitution", mais nous avons ensuite élargi nos thèmes à partir de vos réflexions, critiques et suggestions. C'est simplement passionnant. Ce que nous avons mis au clair sur la monnaie, sur le vote blanc, sur les vertus méconnues du tirage au sort et sur le référendum d’initiative populaire, par exemple, est enthousiasmant.
Le prolongement de cette réflexion constituante, c’est d’écrire enfin nous-mêmes un exemple de constitution, article par article. C’est ce qui se passe sur la partie wiki-constitution de ce site. Je vous invite à venir y participer également, ne serait-ce que sur un article ou deux. Vous verrez, c’est passionnant ; on sent vite qu’on est là sur l’essentiel, sur la seule vraie cause (et aussi la solution !) de nos impuissances politiques.
C’est un projet pédagogique en quelque sorte, un objet concret, réel, qui montre que 1) c'est possible : des hommes dont ce n'est pas le métier peuvent écrire une Constitution, et 2) c'est beaucoup mieux : quand ils n'écrivent pas des règles pour eux-mêmes, quand ils n'ont pas un intérêt personnel à l'impuissance des citoyens, les délégués constituants écrivent les règles d'une authentique démocratie. Merci à tous pour ce travail formidable.
Amitiés. Étienne.
[19 août 2012 : ATTENTION : pour cause de spam ultra-actif mi 2012, je FERME la possibilité aux nouveaux venus de créer un compte sans moi : il faut m'écrire à etienne.chouard@free.fr (EN ME DONNANT LE PSEUDO QUE VOUS VOULEZ) et je créerai votre compte à votre place. Il faudra ensuite venir ici pour définir un nouveau mot de passe. Désolé, mais les spammeurs deviennent infects et je n'ai pas le temps de gérer les spams (je préfère vous aider un à un à nous rejoindre). Au plaisir de vous lire. ÉC]

#481 19-11-2008 21:58:16

Zolko
Membre
Message n°5407
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

orbi a écrit:

Article 1

Toute création de monnaie, hormis certaines monnaies localement autorisées de type « SEL »,  doit relever de l'État et de l'État seul, par l’intermédiaire de la Banque Centrale qui la prête aux banques privées chargées de financer les divers agents économiques.

Pour être franc, je suis perdu dès ce 1er article. Mais c'est vrai que je ne comprends pas le système de création de monnaie actuel. Quand on imprimait l'argent pour de vrai, je comprends.

Car si la création se fait quand une banque privée demande un prêt à la banque centrale... je ne vois pas en quoi la création de la monnaie en devient à la charge d'une institution publique. Cette institution publique est certes au courant que de la monnaie a été créée, mais elle n'en est pas à l'origine. Car si aucune banque privée n'en fait la demande ? La monnaie n'est plus créée ? Si la banque centrale baisse alors ses taux pour favoriser cet emprunt, mais que aucune banque privée ne demande de prêt pour autant ? Si une entreprise à besoin d'un prêt et qu'elle est saine et que son projet d'investissement est bon, mais qu'aucune banque privée ne veut prêter pour cause de "credit crunch" (vous voyez ce que je veux dire), en quoi cela devient une création de monnaie "publique" ? Ou si, malgré des taux élevés, les banques privées demandent des prêts (chers) car cela est rentable, comment les freiner ?

Et si l'état lui-même a besoin d'argent, il fait un prêt avec intérêts auprès de la banque centrale ? Ou d'une banque privée ?

Je suis d'accord avec vous sur l'objectif de la création de la monnaie par un organisme public, mais je ne comprends pas comment le système que vous proposez, et qui me semble identique au système actuel, donnerait ce résultat. Mais je n'ai pas non-plus de solution de rechange : je crois bien que sur ce coup, le lavage de cerveau, la pensée unique, a bien fonctionné sur moi.

Hors ligne

 

#482 20-11-2008 10:19:10

Étienne
Message n°5409
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

« Peut-on se passer de la Bourse ? Entretiens croisés »

Un débat intéressant dans les colonnes de L’Humanité :
http://www.humanite.fr/popup_imprimer.h … le=1080680

Les avis de Michel Husson, comme d’habitude, sont éclairants :

Selon les cours de la Bourse, la valeur d’une entreprise peut s’effondrer du jour au lendemain. Est-il possible de s’émanciper de la Bourse ? Comment ?

Michel Husson : « Dans la logique d’une économie capitaliste régie par la loi de la valeur, le cours boursier reflète les anticipations de profit : c’est une sorte de droit de tirage sur la plus-value à venir.

Jusqu’au milieu des années 1990, les indices boursiers sont bien corrélés avec des indicateurs de profit. Le lien est ensuite rompu, et les cours boursiers se mettent à croître exponentiellement en décrochant complètement de la rentabilité réelle.

Cette « exubérance irrationnelle », pour reprendre l’expression de Greenspan, repose sur un socle objectif, qui est le flux permanent de capitaux « libres » à la recherche d’une hyperrentabilité engendrée par la croissance des profits non investis.

La déréglementation permet à ces capitaux de circuler et de fondre, tels des oiseaux de proie, sur les segments les plus rentables.

Ainsi naissent les bulles qui reposent sur une illusion fondamentale, celle que l’instrument qui leur permet de prétendre à une fraction de la plus-value est aussi un moyen de la produire effectivement.

Ce n’est qu’en tarissant la source qui approvisionne ces capitaux que l’on peut imaginer un retour (improbable) à un fonctionnement normal des Bourses. »

Les entreprises doivent-elles se soumettre aux normes comptables qui dépendent de la Bourse ?

Michel Husson : « Les nouvelles normes comptables (IFRS, international financial reporting standard) conduisent à réévaluer trimestriellement les actifs à leur valeur de marché, baptisée « juste valeur ».

Tout le monde, ou presque, s’accorde aujourd’hui à dire qu’elles accroissent la volatilité des cours et sont procycliques, notamment en raison de leur interaction avec les règles prudentielles (dites Bâle 2).

On se demande bien comment cette monstrueuse absurdité a pu s’imposer à l’échelle européenne. »

Est-on obligé de passer par la Bourse pour assurer le financement des entreprises ?

Michel Husson : « Non, et d’ailleurs la Bourse n’assure que très partiellement le financement des entreprises. Sa contribution a même pu être négative quand les entreprises pratiquaient à grande échelle le rachat de leurs propres actions. Jusqu’au début des années 1980, l’investissement était financé à 70 % ou 80 % par autofinancement, le reste étant fourni par le crédit, les marchés financiers jouant un rôle très marginal.

Revenir à cette configuration serait souhaitable, mais cela irait à l’encontre des intérêts des possédants, qui reposent sur une imbrication très étroite de la finance et des entreprises.

En France, les sociétés non financières ont ainsi versé 196 milliards d’euros de dividendes en 2007, mais elles en ont reçu 148 milliards. »

Est-ce que cette crise, qui a entraîné des nationalisations partielles de banques, ne plaide pas en faveur de la constitution d’un pôle financier public et de critères de gestion des banques distribuant le crédit, qui soient favorables à la création de richesses réelles et à l’emploi ?

Michel Husson : « Évidemment, parce qu’un pôle financier public permettrait d’orienter le crédit en fonction de priorités définies selon d’autres critères que la rentabilité : ce qui est le plus rentable n’est pas forcément le plus utile socialement.

Puisque les gouvernements, même les plus libéraux, sont contraints dans l’urgence de « nationaliser », il faut réhabiliter l’idée même de nationalisation, en disant que le crédit et l’assurance devraient être des services publics gérés démocratiquement.

Et si l’on veut être cohérent, il faudrait même avancer l’idée d’une nationalisation intégrale parce que ce serait le seul moyen de s’assurer que l’argent public injecté sert à autre chose qu’à éponger les dettes et à rétablir le profit des banques. »

Hors ligne

 

#483 20-11-2008 16:38:15

orbi
Membre
Message n°5413
Lieu: brest
Date d'inscription: 24-05-2006
Messages: 504
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Etienne,

  je relève le dernier passage.

Puisque les gouvernements, même les plus libéraux, sont contraints dans l’urgence de « nationaliser », il faut réhabiliter l’idée même de nationalisation, en disant que le crédit et l’assurance devraient être des services publics gérés démocratiquement.
Et si l’on veut être cohérent, il faudrait même avancer l’idée d’une nationalisation intégrale parce que ce serait le seul moyen de s’assurer que l’argent public injecté sert à autre chose qu’à éponger les dettes et à rétablir le profit des banques

Est-ce que ce n'est pas plus simple comme revendication que celle sur la monnaie,  car à quel niveau porter cette dernière (Europe ou ETat) en raison de l'existence de l'Euro. ? et lors de quels combats électoraux a t'elle le plus de chance de se faire entendre ? ( européennes, présidentielles et législatives françaises, ???).

Enfin ma problèmatique de réformes de la constitution nationale  n'a peut être pas sa place sur ce fil. je retourne sur le fil adéquat.

Hors ligne

 

#484 20-11-2008 22:45:41

Zolko
Membre
Message n°5416
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

orbi a écrit:

à quel niveau porter cette dernière (la monnaie) - Europe ou Etat - en raison de l'existence de l'Euro. ? et lors de quels combats électoraux a t'elle le plus de chance de se faire entendre ? (européennes, présidentielles et législatives françaises, ???).

L'Euro a été introduit avec le traité de Maastricht: donc, il me semble, soit le combat sur la monnaie doit se faire dans le cadre Européen, soit il faut se battre dans le cadre national pour sortir de l'Euro. Dans la crise actuelle, l'Euro a quand-même été protecteur, par la simple masse et puissance économique qu'il représente. Je pense donc qu'un combat pour sortir de l'Euro serait perdu. Il faut alors porter le combat au niveau Européen. Tiens, ça tombe bien, il y a des élections bientôt.

Hors ligne

 

#485 20-11-2008 22:55:43

Étienne
Message n°5417
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Orbi,

Le problème, avec "la nationalisation des banques sans avoir compris/envisagé l'enjeu et le piège de la création monétaire", c'est qu'il me semble qu'on l'a déjà essayée (en 1981 par exemple) et que ça n'a pas bien marché. Nationaliser ne suffit pas, dirait-on.

J'ai l'impression qu'il faut mieux comprendre le coeur de l'escroquerie pour s'en prémunir durablement.

Et cette protection doit figurer au plus haut niveau du droit (dans la constitution) pour résister à un changement de majorité parlementaire.

Non ?

Hors ligne

 

#486 21-11-2008 01:34:17

orbi
Membre
Message n°5418
Lieu: brest
Date d'inscription: 24-05-2006
Messages: 504
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Etienne et Zolko.

oui je suis d'accord avec vos deux remarques.

En gardant à l'esprit "l'enjeu et le piège de la création monétaire" ne pourrait 'on pas  établir une revendication au niveau européen sur la monnaie"  en reprenant les propositions d'AJH, et une autre au niveau national sur la revendication  du crédit et de l'assurance comme services publics gérés démocratiquement; de fait en nationalisant les banques de crédit  ? ?

Ne serait-ce pas cohérent ?

Hors ligne

 

#487 21-11-2008 03:15:37

Jacques Roman
Membre
Message n°5420
Date d'inscription: 06-02-2006
Messages: 4259

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Aucun de nous n'a connu le système du tirage au sort...

... pour la bonne raison qu'il n'a pas utilisé depuis plus de 2 000 ans en matière de gouvernement.

Alors, il me semble qu'Instit est aussi bien placé pour en dire du mal que d'autres pour en dire du bien.  JR

Hors ligne

 

#488 21-11-2008 11:02:31

Zolko
Membre
Message n°5424
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Jacques Roman a écrit:

Aucun de nous n'a connu le système du tirage au sort... pour la bonne raison qu'il n'a pas utilisé depuis plus de 2 000 ans en matière de gouvernement.

Si, dans les tribunaux, les jurés sont tirés au sort sur la liste électorale. Et ça a l'air de fonctionner bien. Donc le seul exemple moderne qu'on connaisse est bon.

Hors ligne

 

#489 21-11-2008 11:35:51

Étienne
Message n°5425
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Tirage au sort jamais testé ?

Jacques, avez-vous oublié cette expérience-là ?

« Colombie-Britannique : La démocratie mise à niveau par les citoyens »

http://etienne.chouard.free.fr/forum/vi … 3356#p3356



Je suis de plus en plus convaincu que
les hommes sont directement responsables de leur propre malheur.

Autrement dit,

il n'y a pas de mauvais pouvoirs
(puisque tous les pouvoirs abusent PAR NATURE*)

il n'y a que des pouvoirs mal limités
(mal limités par les autres**,
mal limités par ceux qui renoncent au pouvoir mais qui ne devraient JAMAIS renoncer à surveiller les pouvoirs).

Donc, si vous en avez marre des abus de pouvoir et de votre impuissance politique,
ne vous en prenez pas aux "autres",
pas même aux pouvoirs abusifs !

BIEN FAIT POUR VOUS.

sad



S'il vous plaît, chers mais, il faudrait arrêter de développer ici (sur le fil monnaie/finance) nos idées sur le tirage au sort : nous serions mieux sur le fil dédié au choix des réprésentants : http://etienne.chouard.free.fr/forum/vi … .php?id=20

hmm

Étienne

___________________
* C'est une expérience éternelle, tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ;
IL VA JUSQU'À CE QU'IL TROUVE DES LIMITES

Montesquieu, L'esprit des lois, 1748, Livre XI, Chapitre IV.

** puisqu'il semble ÉVIDENT, même pour un enfant, qu'il n'y a RIEN À ATTENDRE DES POUVOIRS EUX-MÊMES QUANT À LEUR PROPRE LIMITATION: c'est aux autres de prendre en charge cette limitation. Pas de démocratie en dehors de cette idée centrale. Mais je radote, il faut que je m'éloigne et que chacun se débrouille avec son impuissance, et avec cette graine d'idée, qui ne germera peut-être jamais.

Hors ligne

 

#490 24-11-2008 23:25:42

Étienne
Message n°5433
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

« Voyage au pays merveilleux de la finance »
Une synthèse riche et amusante signalée par Paul Jorion
concotée par Jean-Jacques Chiquelin pour le Nouvel’Obs :
http://tempsreel.nouvelobs.com/speciale … inance.htm

C'est un excellent article, à ne pas manquer...

Voyage au pays merveilleux de la finance
NOUVELOBS.COM | 20.11.2008 | 09:02

Gagner des centaines de milliards en prêtant à des pauvres incapables de rembourser? C’est fou. C’est moderne. C’est possible. La finance mondiale l’a fait. Suivez nous chez Walt Lehman et Morgan Dysney, au pays des contes et légendes de la stabilité financière. Par Jean-Jacques Chiquelin

Bienvenue au pays merveilleux de la finance, chez Walt Lehman, Morgan Dysney, dans les vertes vallées du crédit illimité où serpente fraîche et vivifiante la rivière liquidité. Bienvenue au pays ou l’on peut prêter l’argent que l’on n’a pas à des gens qui ne pourront pas rembourser et s’en mettre plein les fouilles. Bienvenue au pays ou les risques sortent couverts et n’ont jamais froid grâce aux nouveaux bas de laine en obligations synthétiques et à la couverture miraculeuse qui protège de la volatilité. Où les swaps-dou-ha swinguent avec les spreads.

Bienvenue sur la planète ou tout le monde à la dette solide, la dette de l’emploi, et personne la dette à claques. Bienvenue au pays des fonds, des fonds de fonds, des crédits default swap où il y a du spread à se faire sur les put et les call; où les Collateralized debt obligations (CDO) sont juteuses comme des tranches d’Asset-Backed securities regroupées. Bienvenue chez les Helocs, les Alt A, les subprime, les adjustable-rate mortgages et autres cadeaux pour les pauvres. Tu ne rembourses rien la première année, et après tu perds ta maison.

Bienvenue sur la grande roue des crédits à gogos, sur les montagnes russes des emprunts montés sur des hypothèques comme des drag Queens sur des talons hauts et maquillés tout pareil. Bienvenue dans la grande lessiveuse de la dispersion des risques où l’on fait bouillir le sous-jacent adossé à des tranches mezzanine equity et senior dans un special purpose vehicle qui tous les soirs passe ramasser les créances qui puent triées comme des déchets ménagers.


Bienvenue dans l’eldorado des hedge, de la private equity, chez les seigneurs des grands fonds alternatifs, les purs et durs de la performance absolue. Bienvenue dans le monde où il y a des milliards à gagner en prêtant à des gens insolvables. Tu vois un emprunt subprime dans l’herbe, tu le ramasses, tu fais comme la princesse avec le petit crapaud, tu l’embrasses, et il se transforme en tas d’or. Bienvenue dans le grand bonneteau mondial. Suivez le guide.

Pour cette plongée dans la SF, non, pas la science fiction, mais la stabilité financière, nous allons emporter avec nous une publication de référence, la RSF, la Revue de la stabilité financière, éditée par la Banque de France et consultable sur son site internet. Du lourd. Deux numéros ont particulièrement attiré notre attention, celui d’Avril 2007 consacré aux hedge funds, et celui de février 2008 consacré à la liquidité. A tout seigneur tout honneur, commençons par les hedge funds.


Depuis la fin 2006, le monde de la finance se pose une lancinante question : Comment réduire le risque que les relations de crédit entre prime brokers dealers, ( les banques) et Hedge Funds ne "se dénouent de façon désordonnées dans les périodes de fortes tensions sur les marchés". Autrement dit en risque systémique où la chute de l’un entraîne celle de tous les autres.

On connaît aujourd’hui la réponse, et elle coûte des milliers de milliards de dollars qui sont en train de partir en fumée au fur et a mesure que le prix des actions et autres produits financiers plongent de façon désordonnée. Autrefois on disait, c’est ici que les Athéniens s’atteignirent. Grâce à la mondialisation, nous sommes tous des Athéniens.

Depuis de début de la crise, les fonds spéculatifs sont souvent présentés comme les grands responsables de la tempête financière de ces dernières semaines. Ils seraient ainsi à l’origine de ce que les professionnels redoutaient depuis quelques années, une crise systémique. Sont ils les seuls coupables ? Il ne s’agit pas d’exonérer les fonds de leur part de responsabilité dans la crise actuelle mais de pointer aussi celles des autres intervenants : banques, agences de notations, autorité de contrôles et de surveillance des marchés, gouvernements. Sans l’idée prédominante, devenue un dogme, y compris dans les services de surveillance des marchés des bienfaits absolus de la déréglementation, certaines dérives auraient pu être évitées.

Sans les banques d’investissements à l’initiative de la multiplication des produits dérivés dont les hedge funds comptaient parmi les plus gros acheteurs, ces derniers n’auraient pu prendre une telle place dans la finance mondiale. D’autant que pour sortir des créances de leur bilan, et les vendre sous forme de titres, les banques étaient les premières à leur prêter ou à créer leurs propres fonds pour, elles aussi, échapper à la réglementation.

Elles y ont gagné beaucoup d’argent. Au prix de risques inconsidérés ? on le constate aujourd’hui : "Il semble que les investisseurs aient acquis des risques qu’ils ne maîtrisaient pas. Qui plus est, les grandes institutions financières n’ont pas tant réussi à se défaire des risques qu’à les transférer à d’autres lignes de métier dans le cadre de leurs propres activités, ce qui a entraîné une concentration non souhaitée des risques dans leurs propres bilans" résume parfaitement dans la RSF de février 2008 Peter R Fischer managing director de BlackRock, Inc un gestionnaire d’actifs.

Devenus le symbole des pires dérives du capitalisme financier (sic) les hedge funds étaient portés aux nues encore hier : "la santé et le dynamisme des marchés financiers modernes dépendent largement de la présence d’institutions et d’investisseurs innovants et disposés à prendre des risques. Les hedge funds contribuent fortement à favoriser l’efficience et la stabilité des marchés" écrivait parmi tant d’autres, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France en avril 2007. Ils incarnaient les habits neufs de la finance.

Les hedge funds sont des fonds d’investissement privés à effet de levier utilisant une large gamme de stratégies d’investissements dont l’objectif est de générer des taux de rendement absolu (alpha) supérieurs à la moyenne. En 1990, environ cinq cents hedge funds géraient quelque 40 milliards de dollars d’actifs. En 2006, ils étaient 9 500 hedge funds et les actifs sous gestion s’élevaient à 1 400 milliards de dollars.
On prévoyait alors que le secteur des hedge funds atteindrait 2 000 milliards de dollars d’actifs gérés (assets under management ou “AUM”) à la fin de 2008, avec un taux de croissance annuel prévisionnel d’environ 16 %.
En dépit d’une croissance exceptionnelle, la taille des hedge funds demeure modeste comparée aux marchés d’actions ( 50 000 milliards de dollars) et d’obligations internationaux (plus de 60 000 milliards de dollars).
Autre aspect qui n’est pas négligeable, c’est un euphémisme, les hedge ne sont pas soumis aux même contraintes que les établissements traditionnels.

"Les hedge funds se trouvent être peu réglementés car la réglementation de la gestion d’actifs classique n’autorisait pas la vente à découvert et l’effet de levier. Ces fonds ont donc été créés en dehors des limites de la réglementation traditionnelle, dans des juridictions offshore ou en recourant à des structures juridiques telles que les partnerships aux États-Unis. Comme ils n’étaient pas réglementés, ils se sont d’abord adressés à une population d’investisseurs autorisés à les acheter, principalement des particuliers. Les institutions financières, telles que les fonds de pension et les compagnies d’assurance. constituaient 2 % des investisseurs en 2000, 38 % en 2005 et cette part atteindra probablement 50 % en 2008. Ceci entraînera un doublement de la taille du secteur de la gestion alternative dans les trois à cinq ans à venir" écrivent Jean Pierre Mustier directeur général adjoint de la Société Générale, et Alain Dubois, président du directoire Lyxor asset management (In RSF special Hedhe Funds, avril 2007).

En général, les investisseurs des hedge funds sont des particuliers fortunés et, de plus en plus, des fondations, des conseillers en gestion de patrimoine et des investisseurs institutionnels plus traditionnels.

L’investisseur paie une commission de gestion de 1 % à 5 %. En outre, ces fonds facturent généralement des commissions de performance sur les plus-values, généralement de 20 % à 30 %, voire 50 % dans des cas exceptionnels.

"Les commissions liées aux résultats sont la principale source de revenus pour le gérant. La norme est de 2 % des AUM (asset under management) et de 20 % des gains. On dit que cette norme a été instaurée par le premier gérant de hedge funds, A. W. Jones. Son raisonnement était que "lorsque les marchands vénitiens revenaient d’un voyage fructueux, ils prenaient 20 % des profits de leurs commanditaires". Cette structure de commissions a généré de la création de richesse d’un montant de l’ordre de 40 milliards de dollars par an. Cela a permis aux gérants de devenir des sociétés bien établies, concurrentes des gestionnaires d’actifs traditionnels et des banques d’investissement dans le recrutement des meilleurs personnels".
Jean Pierre Mustier, directeur général adjoint de la Société Générale, Alain Dubois, président du directoire Lyxor asset management In RSF special Hedhe Funds, avril 2007.

Autant prévenir les âmes sensibles : le monde de la finance n’est pas indifférent à l’argent.

"Dynamisés par leurs excellentes performances, les hedge funds ont vu leurs rendements absolus passer de 15 % par an (contre 10 % pour un indice global équilibré) dans les années quatre-vingt à 19 % (contre 9 %) sur la décennie suivante. En termes de rendements ajustés du risque, les rendements absolus ont été quatre fois supérieurs aux rendements relatifs, contrairement à l’opinion communément admise."
Patrick Stevenson, directeur général, Atlas Capital Limited in RSF avril 2007.

Sur le plan fiscal, pardon, sur celui de l’organisation pratique, le plus simple est de faire simple comme le souligne Andrew Crockett, président de JP Morgan chase international. " Les hedge funds sont généralement immatriculés dans un pays et le plus souvent gérés dans un autre. Cette stratégie permet de simplifier les conséquences fiscales de leurs activités".

Faire simple, c’est simplifier les conséquences. C’est ce que disait toujours Al Capone. Je ne supprime personne, je simplifie les conséquences. Nuance.

Les hedge funds et les banques d’investissement ont toujours été des partenaires étroitement liés. De nombreux gérants de hedge funds sont d’anciens traders. Les deux métiers partagent la même culture technique, une culture faite de produits dérivés et de gestion des risques.

Selon certaines études, les hedge funds génèrent, pour les grandes banques d’investissement, 40 % du total des transactions sur actions, et 80 % de l’ensemble des transactions sur les marchés des dettes des entreprises en restructuration (distressed debt). Selon un rapport de Greenwich Associâtes (2006), les hedge funds représentent actuellement plus de 50 % de l’ensemble des transactions sur les marchés américains des titres à revenu fixe. En 2005, les hedge funds ont procuré 25,8 milliards de dollars de recettes aux grandes banques d’investissement.

De nombreuses banques d’investissement possède leur propres hedge funds, comme le montre l’acquisition récente par Fortis de Hedge Fund Services (HFS), le plus grand administrateur de fonds situés aux Îles Vierges britanniques (mars 2006).

Jean Pierre Mustier (Société générale) et Alain Dubois (Lyxor asset management) estiment que les différences entre gestion classique et hedge funds sont en train de s’estomper au point que les deux sont de plus en plus en "concurrence frontale". La réglementation de la gestion d’actifs tend à devenir de plus en plus flexible et à permettre à la gestion d’actifs "classique" d’utiliser les mêmes techniques que les hedge funds. Nous verrons plus loin, que Michel Prada, le président de l’autorité des marchés financiers (AMF) pense exactement le contraire. Pour lui, l’activité des hedge est de plus en plus régulée.

Modernes, faisant appel à des techniques sophistiquées, avec juste ce qu’il faut de réputation sulfureuse liée à leurs gains comme au secret qui entoure leur stratégie d’investissement, les hedge funds sont depuis quelques années devenus tendance, attirants, chics et sexy. En plus, on peut y gagner énormément d’argent pour parler poliment et au dessus de la ceinture.

"Ces dernières années, on a pu assister à un exode massif des meilleurs gérants de fonds traditionnels vers l'univers de la performance absolue motivé essentiellement par l'attrait d'une rémunération à la performance, ainsi que par le désir d'échapper aux carcans trop stricts des benchmarks et des indices. Loin d'être terminé, cet exode continue de plus belle et frappe maintenant les grandes banques d'investissement et leurs salles de marché. Pas un jour ne passe sans que l'on annonce le départ d'une équipe ou d'un managing director, au point que l'on peut se demander qui ne gère pas un fonds alternatif, et surtout, qui va rester aux commandes de ces établissements financiers. A méditer lorsque l'on voit qu'en parallèle, ces mêmes établissements financiers rachètent à prix d'or les groupes de hedge funds formés par des équipes qu'ils ont licenciées il y a quelques années".
François Serge Lhabitant, professeur de Finance à HEC Lausanne et à l’Edhec et responsable de la recherche et l’investissement chez Kedge Capital. "Le temps", le 26 janvier 2005

Cette tempête de sable chaud n’aurait pu embraser les places financières mondiales, griser les cerveaux des salles de marchés, des gestionnaires de fortunes, de Paul Paulson à l’anonyme courtier faisant du porte à porte pour fourguer du crédit à gogo sans un petit coup de pouce de la Fed.

La crise actuelle de crédit est la gueule de bois des années 1996 à 2006 de politique accommodante de la banque fédérale qui a stimulé les secteurs de l’économie américaine les plus sensibles aux taux d’intérêts : le logement et l’investissement à effet de levier. C’est à dire une bulle immobilière et un secteur hedge fund, qui ont prospéré de concert, Wall street et le bronx la main dans la main.

"Aux États-Unis, sur le marché des crédits hypothécaires à risque, lorsque les bilans augmentent suffisamment rapidement, on accorde des crédits même aux emprunteurs qui n’ont pas les moyens de rembourser, tant le désir d’utiliser les capitaux excédentaires est intense écrivaient en février 2008 dans la RSF Tobias Adrian, économiste à Federal Reserve Bank of NY et Hyun Song Shin, professeur d’Economie à Princeton qui concluent «Les germes du repli à venir du cycle du crédit sont ainsi semés".

Peter R Fischer, managing director Black Rock, Inc (in Revue de stabilité financière février 2008) ajoute un autre élément déterminant dans l’affaire, la titrisation. Un coup de génie.

"Cet ensemble de conditions, taux réels bas, vigueur de l’investissement en logements et de la demande de prêts hypothécaires, demande des investisseurs pour des produits obligataires, ont créé un contexte extraordinairement favorable, d’une part aux rachats d’entreprise financés par l’endettement et, d’autre part, à la titrisation et au packaging de produits de crédit.

On estime que, au total, l’émission nominale d’instruments de crédit a été multipliée par douze, passant de 250 milliards de dollars en 2000 à 3 000 milliards en 2006, ce qui correspond à la somme des titres adossés à des créances hypothécaires (mortgage-backed securities – MBS), des titres adossés à des actifs (asset backed securities – ABS), des titres adossés à des créances hypothécaires sur l’immobilier commercial (commercial mortgage-backed securities – CMBS) et des titres représentatifs de portefeuilles de créances bancaires (collateralised debt obligations – CDO) qui sont eux-mêmes des investissements à effet de levier en crédits hypothécaires et en titres de dette privée à haut rendement".


Bienvenue dans l’ère de la titrisation massive. Comparée à la titrisation, la rué vers l’or est une partie de billes. Plus tard, on s’en souviendrait comme d’une époque ou le fric ruisselait sur les murs, dégoulinait des écrans. On a les produits structurés, les sous jacents, les dérivés, les adossés, les collatéraux, les synthétiques. Que du frais, du jardin. Détail amusant, les plus impliqués dans les produits synthétiques complexes, les titrisés jusqu’aux yeux, ceux qui se distribuaient en fin d’année des dizaines de milliards de dollars de primes, sont au cœur du business avec les plus pauvres. On retrouve Bank of America, Coutrywide Financial, Jp Morgan Chase, National City Mortgage, Washington mutual, Wells Fargo.

J.P. Morgan Chase est la banque la plus impliquée dans la garantie des credits defaults swaps. Countrywide dans les Helocs (home equity line of credit). Des prêts accordés sur la valeur supplémentaire acquise par une maison depuis son achat. Il est facile de comprendre que si l’immobilier baisse, les ennuis vont commencer.

"La titrisation consiste pour l’entreprise cherchant à se refinancer, à vendre à une entité ad hoc (dénommé "Special Purpose Vehicle" ou SPV) un ensemble d’actifs (dans le cas présent des créances hypothécaires subprime), le SPV émettant des titres (d’où le terme de "titrisation") pour se procurer les fonds nécessaires au paiement des actifs qu’il acquiert. Ces titres sont dénommés habituellement "Asset Backed Securities" (valeurs mobilières adossées à des actifs) et se déclinent en d’innombrables sous catégories ("Asset Backed Commercial Paper", "Collateralised Debt Obligations", "Residential Mortgage Backed Securities", etc.). Ils sont vendus à des investisseurs professionnels qui fournissent ainsi au SPV les liquidités dont il a besoin pour acquérir ses actifs.
Dominique Doise, avocat au barreau de Paris, in "Subprime le prix des transgressions"


Chez les "vehicles», on oublie trop souvent les SIV, "structured investments véhicles", les véhicules d’investissements structurés. Les SIV c’est comme des SPV mais en version timide. Discrète.

"Rares sont les acteurs du marché qui avaient même entendu parler de ces SIV et de ces conduits avant l’été 2007. C’est à cette époque qu’ils ont découvert du jour au lendemain que leurs propres perspectives financières, ainsi que la stabilité du système financier des États-Unis, étaient tributaires de la situation de ces véhicules". Barry Eichengreen, professeur d’économie et de sciences politiques à l’université de Californie, Berkeley, RSF numéro spécial liquidité, février 2008.


En général, ces SIV ne sont rien d’autres que des hedge funds sous un nom d’emprunt. Ils en possèdent toute la panoplie : Investissement dans des actifs à risque, parfois illiquides, effet de levier et d’emprunt maximum, et le goût prononcé pour la transparence d’une termite pour la lumière.

"Certains SIV sont entièrement détenus et exploités par une banque commerciale ou d’affaires. Des salariés de la banque gèrent le portefeuille et c’est la même banque qui accorde la ligne de crédit. Dans de tels cas, il suffit aux ingénieurs financiers de déguiser et de reconditionner les activités de banque traditionnelle, et la distinction entre la banque protégée par le filet de sécurité et le SIV livré à lui-même devient entièrement artificielle".

Barry, tu vois le mal partout. En plus, ne me dit dis pas que t’es contre les synergies. La vraie vérité, c’est que la où la titrisation passe, le risque trépasse, noyé dans la liquidité.

"Toutes les catégories imaginables de risques sont aujourd’hui couramment déconstruites, reconstituées puis transférées vers les intervenants disposés à les supporter au moindre coût possible. Les investisseurs trouvent ainsi de nouvelles opportunités de diversification. Les hedge funds et autres fonds d’investissement privés ont également joué un rôle prépondérant dans le processus de transformation d’actifs illiquides en actifs liquides et donc négociables."
Philipp M. Hildebrand, vice président de la Banque nationale suisse in RSF, avril 2007.

Tout cela est extrêmement simple pour peu que l’on veuille bien se donner un peu de mal. Prenons l’exemple du credit-default-swap ou CDS qui est une sorte d’assurance dans laquelle le vendeur joue le rôle de l’assureur et l’acheteur celui de l’assuré.

Sociologue, anthropologue, auteur de "l’implosion. la finance contre l’économie" (Fayard 2008). Paul Jorion a travaillé pendant dix ans aux Etats Unis dans les milieux bancaires comme spécialiste de la formation des prix.
Dans son excellent blog, il explique que "les CDS ont joué un rôle essentiel dans la constitution de produits financiers synthétiques". Il faut comprendre synthétique comme dans les tissus. La rayonne est un tissu synthétique, que l’on peut utiliser à la place du coton, produit naturel. Dans la finance, le produit synthétique est crée pour fonctionner sur le marché comme un produit naturel mais en mieux.

"C’est pourquoi, les CDS furent utilisés pour créer des collateralized-debt-obligations (CDO) synthétiques. Au lieu d’être constitués comme les CDO proprement dits de tranches d’Asset-backed securities (ABS) regroupés en un seul instrument, les CDO synthétiques étaient des CDS mimant le comportement des CDO. De même les "ABX" étaient des CDS qui assuraient leur acheteur contre des pertes hypothétiques subies par un indice représentant un panier d’ABS adossées à des prêts subprimes". Il suffisait de le dire.

Autre exemple, un des acteurs clés de la vie à crédit, l’assureur monoligne, qui va garantir une opération financière, par exemple l’émission d’obligations par une municipalité. Jusque là c’est simple. On assure, croit-on. Erreur. "l’assurance monoligne fait l’objet d’une réassurance, qui structurellement ne se présente pas comme une véritable réassurance, puisqu’elle vient en couverture d’une opération qui n’est pas une véritable assurance". Comprendo la musica ?

Qu’est ce que cela montre ? un truc marrant. L’homme de la rue ignorait complètement l’existence de cet univers, mais nombre de financiers, même avertis aussi. Mieux. Ils n’y comprenaient rien. Trop compliqué, abscons, supposant la maîtrise d’outils mathématiques sophistiqués, et surtout intervenant à la vitesse de calcul de puissants ordinateurs. En clair un univers réservé à un petit nombre de spécialistes, pas tous blancs blancs.

Dr. Shahin Shojai, directeur de la recherche stratégique chez Capco et rédacteur en chef du Journal of Financial Transformation, a déclaré : Il ne se passe pas une journée sans que les investisseurs se demandent s'ils comprennent vraiment la plupart des produits dans lesquels ils investissent. La complexité d'un grand nombre d'instruments nouveaux est tout simplement trop forte pour la plupart des investisseurs, même les plus avertis".

On croyait qu’on était les seuls à se perdre dans les subtilités des marchés à terme du billet SNCF pour se couvrir contre la hausse de l’aller simple Paris Massy Palaiseau en semaine normale, pas du tout. Le banquier en costard sur mesure comme on n’en verra jamais dans notre agence, tout pareil. Il pilote des milliards comme nous le livret A des enfants. Remplissez le chèque, signez là.

"En outre, l’augmentation considérable de la puissance de calcul contribue largement à encourager le trading algorithmique (automatique) qui permet de prendre des positions immédiates et volumineuses en fonction d’anomalies de prix perçues. Grâce à cette technologie, il est également possible de gérer l’exposition au risque en temps réel. Il convient toutefois de reconnaître que l’efficacité d’une gestion automatisée du risque est totalement tributaire du caractère réaliste des modèles sous-jacents".
Andrew Crockett, président JPMorgan chase international.

Andrew, j’espère ne pas trahir ta pensée en la résumant de la façon suivante : faut pas se tromper de tributaire pour le sous jacent ? Ok merci.

Ne noircissons pas le tableau. Tout cela est extrêmement sérieux et basé sur des études scientifiques qui établissent sans le moindre doute que de la même façon qu’il y avait une biologie prolétarienne différente de la biologie bourgeoise, il existe une neurobiologie financière : "La prévision d’un gain financier active une partie différente du cerveau que la prévision d’une perte financière.» Faites l’expérience, ça vaut le coup, et prenez une aspirine.

"Les résultats récents de plusieurs études cliniques indiquent que le fonctionnement du cerveau humain est à l'origine du profil des caractéristiques de la prise de décision financière, elle-même responsable du profil observé de la distribution des rendements des actifs financiers. L'approche heuristique comportementale/ cognitive, les perceptions et les émotions sont les facteurs de choix en situation d'incertitude sur les marchés financiers.

Les études basées sur l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) montrent que la prévision d'un gain financier active une partie différente du cerveau que la prévision d'une perte financière. De même que des circuits neuronaux distincts sont responsables d'inciter différents types de choix financiers, l'activation d'un circuit neuronal particulier peut conduire à des variations dans les préférences aux risques des investisseurs. En outre, l'activation excessive de ces circuits neuronaux peut pousser à des erreurs d'investissement !" écrivait en juin 2007, Kostas Iordanidis, codirecteur des investissements chez Olympia Capital Management. Kostas, tu permets que je t’appelle Kostas, il est temps de te reposer, crois moi, t’as le neuronal à genoux, et des courants d’air dans les circuits. Tu prends deux subprimes avant de te coucher, tu arrêtes les CDS une semaine ou deux, et ça devrait aller mieux sur le plan heuristique comportemental. Petite précision, Olympia Capital gère 6 milliards de dollars d’actifs.

Efficience des marchés et stabilité financière vont en hedge fund. Le premier qui rira aura une tapette.

L’idée générale qui a prévalu et prévaut encore chez certains, c’est que la gestion alternative, les produits dérivés, et les hedge funds ont contribué à renforcer de manière significative l’efficience de marché et la stabilité financière en accroissant la liquidité sur de nombreux marchés financiers, en améliorant le processus de découverte des prix et en abaissant le coût du capital. Christian Noyer, gouverneur de la banque de France n’était pas le dernier à l’écrire dans la revue de la Banque de France en avril 2007 : "les hedge funds contribuent fortement à favoriser l’efficience et la stabilité des marchés .»

Heureusement qu’on les a pour éviter le pire. La commission européenne ne disait pas autre chose. S’agit pas de réguler n’importe comment et de briser l’élan par des mesures inadéquates. Touche pas aux hedge.

Selon les termes du groupe d’experts de la Commission européenne sur les hedge funds de juillet 2006 : "les hedge funds améliorent le fonctionnement des marchés financiers. Ils fournissent des liquidités aux marchés et exercent une influence stabilisatrice importante en répartissant les risques au sein d’une large gamme d’investisseurs. En effet, les hedge funds adoptent souvent des analyses de marché originales (stratégies "contrarian"), peuvent utiliser l’effet de levier et en général modifier la composition de leur portefeuille beaucoup plus fréquemment que les fonds classiques .»

La nouvelle directive européenne concernant les OPCVM (Organismes de Placement Collectif de Valeurs Mobilières) publiée en 2002 accepte déjà les positions short mises en oeuvre au moyen de produits dérivés. De nouvelles initiatives, comme la recommandation européenne sur les produits dérivés vont plus loin et autorisent l’effet de levier pour les OPCVM sans aucune limite, pourvu que la value at risk (VaR) du fonds reste inférieure à des limites non spécifiées. Les autorités de régulation ont également tendance à favoriser la libre commercialisation des hedge funds, comme le montre le Livre blanc de la Commission européenne sur la gestion d’actifs, qui propose un régime de placement privé européen pour la commercialisation des hedge funds
Tout cela va indéniablement dans le bon sens, n’en déplaise aux éternels Cassandre, comme si depuis Newton, l’effet de levier n’avait pas fait ses preuves dans la chute des corps. Il les a super bien faites.

Un petit exercice pratique de Christian Noyer, va nous le démontrer. Attention pericolosi sporgersi.

Pour l’illustrer clairement, imaginons qu’un montant de valeur 100 soit investi dans un fonds de fonds. C’est le capital total. Ensuite, le fonds emprunte 200 et investit le capital et l’argent emprunté (soit 300) dans un autre hedge fund. Cet autre fonds emprunte encore 300 et investit le total (soit 600) dans une tranche de CDO (collateralized debt obligations) subordonnées, qui fait habituellement l’objet d’un effet de levier de facteur 10. Globalement, l’exposition totale du fonds de fonds est de 6 000 mais avec un capital à 100, soit un effet de levier de 60 fois le capital ! Avec une telle pyramide d’endettement, une baisse de 2 % de la valeur des actifs suffit à effacer la totalité du capital." Merci Christian, c’est limpide et effrayant à la fois.

Tu rigoles Christian, une baisse de 2% , mais au jour d’aujourd’hui, une baisse de 2% c’est champagne caviar bonheur patchouli chinchila, c’est mieux qu’une hausse l’an dernier. Cela dit si nous comprenons bien ta démonstration, à l’inverse, une hausse de 2% permet de doubler le capital de départ. Si t’as pensé à "simplifier les conséquences fiscales" t’as de quoi affronter l’avenir du futur non?

Un petit truc me turlupine, pendant que j’y pense. Les types qui font levier, là ils ont le permis, la qualification vol aux instruments, le vol de nuit tout quoi. Je veux dire, faut le bac pour faire levier ?

"Un grand nombre de nouveaux fonds n'a pas de système de gestion des risques adéquat et leur processus de gestion est peu fondé. Quant à leur solidité opérationnelle, elle fait sourire et ne devrait pas passer un processus de due diligence sérieux. Et pourtant, ces nouveaux fonds arrivent à lever du capital, parfois même plusieurs centaines de millions. Inquiétant, lorsque l'on se rappelle, d'après une étude réalisée par Capco, que près de 54% des fonds alternatifs ayant fait faillite aux Etats-Unis présentaient des dysfonctionnements opérationnels qui auraient été facilement identifiables" Ecrivait le 26 janvier 2005 dans "Le temps" François Serge Lhabitant, professeur de Finance à HEC Lausanne et à l’Edhec et responsable de la recherche et l’investissement chez Kedge Capital.

Puisqu’ils arrivent à lever du capital sans donner d’informations, on ne voit pas pourquoi ils en donneraient, et d’ailleurs, ils ne le font pas. Tous ceux qui ont rempli un dossier pour un malheureux prêt bancaire apprécieront la suite. "Les hedge funds ne publient généralement pas de données détaillées sur leurs portefeuilles. Étant donné la vitesse de rotation de ces derniers, de telles informations ne seraient de toute façon pas très pertinentes". Andrew Crockett, président JPMorgan chase international.

Des produits très complexes avec un levier d’enfer qui s’échangent à la vitesse des ordinateurs. On devine que pour s’y retrouver, ça va être du gâteau. Mais comment font les banquiers partenaires des hedge ? Ben, on dira que ça dépend.

"Dans la mesure où l’information se limite généralement à des données financières de base, la capacité des banques à déterminer la solvabilité des hedge funds est également limitée"(..) Les banques doivent disposer des indicateurs quantitatifs et qualitatifs de la valeur liquidative d’un hedge fund, de ses expositions au risque et de sa liquidité". in "Transfert du risque de crédit et stabilité financière" Roger T. Cole, directeur de la division, surveillance et réglementation du secteur bancaire à la Fed.

Ça ne vous rappelle rien ? ça ressemble à la version haute finance du prêt Alt A, le "prêt menteur" dans lequel l’emprunteur ne donne pas les véritables informations sur ses revenus et sa situation patrimoniale en général. C’est exactement ce que font un certain nombre de hedge fund.

Autrement dit, cette fabuleuse opération a fonctionné avec du mensonge de bas en haut, pour emprunter quelques milliers de dollars comme des dizaines ou des centaines de millions de dollars. Tout le monde ne devait pas y perdre. C’était bon quand même. On s’en souviendra comme les meilleurs moments d’une folle jeunesse. Restons confiants :

"Malgré l’existence d’études contradictoires, il semble qu’il existe certains domaines où la discipline de marché s’exerce d’elle-même" Roger T. Cole, directeur de la division, surveillance et réglementation du secteur bancaire, Fed.

Des études contradictoires. Roger, je vais te présenter Paulo, du bar des sports. Il en connaît un rayon sur la discipline de marché. Il a même un nerf de bœuf sous le comptoir, au cas où y en aurait un qui faute d’ un système de gestion de risque adéquat commettrait l’erreur de ramener sa gueule.

Mais, allez vous me rétorquez, en plus de la discipline de fer de marché, l’investisseur ne peut il pas s’appuyer en toute confiance sur les études béton des agences de notations, les Moody’s, Standard and Poor’s, Fitch Rating, un des piliers de la discipline de marché tamponné par la trés officielle administration fédérale NRSO «(nationaly-recognised statistical organisation) ?

"En réalité, tous les risques des opérations de titrisation des prêts hypothécaires "subprime" n’ont pas été appréciés par les "Rating Organizations". En particulier le risque-pourtant essentiel-de la liquidité des titres émis par les SPV n’a pas été analysé. Les "Rating Organizations" étaient, en toute hypothèse, dans l’incapacité d’émettre une quelconque appréciation sérieuse sur la liquidité des titres émis par les SPV"
Dominique Doise, avocat au barreau de Paris, in "Subprime le prix des transgressions"

Mais si Dominique, aies confiance dans la discipline de marché. Les agences ont soigneusement appréciés les risques. Ils étaient même vachement bien placés pour le faire. On a affaire à des pros, mon gars, comme chez Arthur Andersen.

"Les conflits d’intérêts face auxquels se retrouvent les agences constituent aussi une source de problèmes. Ces agences facturent tout d’abord des honoraires pour leurs conseils sur la manière de structurer les obligations et les dérivés qui permettra de recevoir la note souhaitée. Il va de soi qu’elles sont ensuite tentées d’attribuer à ces émissions la note promise.

Barry, comme ça j’aurais eu mon bac, tu peux en être sûr. Peut être même avec mention.

Tous ces travers se sont manifestés lors des crises des marchés émergents. Mais maintenant que le problème nous concerne, en d’autres termes, qu’il affecte les États-Unis, les autorités vont peut-être se demander plus sérieusement comment encadrer le processus de notation". Barry Eichengreen professeur d’économie et de sciences politiques à l’université de Californie, Berkeley,( RSF numéro spécial liquidité, février 2008).

J’adore le passage :"maintenant que le problème nous concerne" nous, et plus seulement les métèques, je veux dire "les pays émergents", qui, soit dit en passant, nous permettent de boucler nos fins de mois en achetant nos bons du trésor, il faudrait arrêter les frais.


" Les régulateurs doivent également envisager une réforme profonde de la procédure de notation par les agences. On améliorerait l’efficacité des marchés de capitaux en alignant les intérêts des agences de notation sur ceux des investisseurs et non plus sur ceux des émetteurs"
Peter R.fisher Managing Director, Blackrock (in RSF special liquidité de février 2008).

Sans parler que l’on ne peut exclure de croiser des petits malins. Bayou Capital a extorqué aux investisseurs un demi-milliard de dollars en manipulant les prix d’obligations illiquides, avec l’aide de sa propre société de courtage. Ben quoi on n’est jamais mieux servi que par soit même. In the bayou l’intégrité de marché on nourrit les caïmans avec.

Peter Fisher résume la situation avec bon sens :
"Si les investisseurs institutionnels ne sont pas prêts à consacrer le temps et l’argent nécessaires à l’analyse et à l’évaluation des risques qu’ils encourent, ils devront supporter des pertes dépassant leurs attentes."

Pour ce qui est des attentes, on n’a pas été déçu du dépassement.

Faut il alors en arriver à des mesures extrêmes, limiter l’accès au Hedge funds pour protéger les investisseurs ? .

Andrew Crockett, président JPMorgan chase international, pointe de façon touchante, et en homme de cœur, la principale conséquence de cette attitude qui loin de les protéger, frapperait injustement les foyers modestes : "En théorie, on peut considérer qu’il est injuste de réserver les opportunités d’investissement potentiellement lucratives à des individus déjà fortunés". Mais cher Andrew, les subprime et leurs petits copains de crédits, sont la participation des pauvres aux hedge funds, leur ticket d’entrée à la fête de la dette. Les sociétés de "predatory lending", le prêt rapace, taux exorbitant, frais maximum, ont fondu sur les quartiers pauvres en général et les minorités ethniques en particulier. Aux plus pauvres, les taux les plus élevés. Normal, il y a une prime de risques. Aux autres les taux les plus faibles. Le système pense à tout Andrew, ne l’oublie jamais.

Le décor planté, on peut aborder les grandes questions existentielles, et hurler comme un loup des marchés pris au piège :

Et la stabilité systémique bordel ?

Nouzivoilà. Sur la planète du potentiellement lucratif, dans cet immense ciel bleu titrisé comme un portefeuille de SPV basé aux Caïmans, il y avait un petit nuage noir, un point minuscule. Rien de grave, juste une question qui depuis quelques sorties de virages à plusieurs milliards de dollars, comme celle du fond Amaranth (voir note 1), ou de LTMC, (Long terme management capital) taraudait quand même le cerveau reptilien de la finance, provoquant de petits frissons sur la peau des crocodiles aux couilles d’acier qui ont déjà traversé plus d’une bulle financière au volant de leur "special vehicule purpose".

Une question comme on se les pose à deux ans et demi, quand on découvre Ginette toute nue dans la baignoire, ou plus tard, à Vincennes, quand cette carne de Sylver Cloud n’a pas été foutu de finir placé dans la troisième, alors que les modèles sophistiqués de cet abruti de gégé garantissaient que c’était du sûr à cent pour cent. On n’avait pas le temps ni l’envie d’y penser. . On prenait ses commissions, ses primes de fins d’années, ses bonus, on réfléchissait à la déco du loft sur la Tamise ou sur l’Hudson, cinq cent mètres carrés. ça se fait pas tout seul.

Est ce que je mets le jeff Koons dans l’entrée ou dans le salon ? Pourtant, cette saloperie de petit nuage revenait, avec son sourire mielleux et faux-cul de vendeur de prêt hypothécaire à un chômeur du Bronx. Quelle question ? La question quoi, le to be or not to be, du grand soir titrisé : La stabilité systémique. Les activités des hedge funds risquent-elles de nuire à la stabilité systémique ? En clair, risquent-elles de foutre en l’air tout le système, intérêt et principal ? Et pourquoi, on se le demandait en 2007 voire avant, s’il y avait une vie après les subprimes, bande de vaste éventail de parties prenantes ? Parce qu’il y avait des raisons.

"Avant l’été 2007, il était largement admis que la titrisation avait renforcé la résistance du système financier aux chocs, en répartissant l’impact des défauts de paiement sur un vaste éventail de parties prenantes. Pour ces deux raisons (la taille restreinte de l’exposition et sa large dispersion), jusqu’à l’été 2007, les intervenants de marché estimaient que l’exposition aux prêts à risque était trop faible pour entraîner des problèmes dans tout le système financier"
Les intervenants de marché estimaient, on est d’accord, Andrew, mais… :

" Cependant, les banques et les autres institutions financières prêtent massivement aux hedge funds et on pourrait avancer que la faillite d’un hedge fund risque d’avoir des retombées sur les établissements plus proches du coeur du système financier. C’est la crainte des conséquences systémiques de l’effondrement potentiel de LTCM qui a poussé la Federal Reserve Bank of New York à contribuer au sauvetage de ce fonds. Ces inquiétudes s’accentuent à mesure que le poids des hedge funds dans le système financier s’accroît"
Andrew Crockett, président JPMorgan chase international.


Même en Suisse, ils se faisaient du mouron, mais de mort naturelle.

"Au stade actuel de nos connaissances, les hedge funds procurent des avantages substantiels aux marchés financiers. Mais ils constituent également une source potentielle de risque systémique. Pour être plus précis, les hedge funds peuvent devenir le mécanisme de transmission du risque systémique, parce qu’ils empruntent auprès des institutions financières réglementées et effectuent des opérations avec ces mêmes institutions, telles les prime brokers et les banques d’investissement"
Philipp M. Hildebrand, vice président de la Banque nationale suisse (n RSF avril 2007).

Un risque systémique qui ferait s’effondrer le mur de l’argent, comme un vulgaire mur de Berlin ? Le mur de Wall Street emporté par une sorte de tectonique des places financières ? Vous rigolez, là, les gars. Théoriquement, je dis pas, mais c’est prévu, relisez Milton et Friedman, il n’y a aucune raison de se faire du souci.
"Les études des autorités de supervision révèlent que les expositions au risque de crédit de la contrepartie des banques vis-à-vis des hedge funds demeurent relativement limitées par rapport au total de leurs encours ou de leur capital".

Roger T. Cole, directeur de la division, surveillance et réglementation du secteur bancaire, Fed (In RSF avril 2007).

Dis Roger, tu serais pas copain avec Michel, le président Prada qui surveille nos petits marché à nous les français, à l’Autorité des marchés financiers ? lui aussi il pense que la situation is under control.

D’ailleurs dans les banques, ils ne sont pas fous.

"Tous les risques identifiés sont pris en compte, conformément à la politique de gestion des risques globale des banques en la matière, comme par exemple : les risques liés au secteur (risque de forte croissance ou d’effondrement du secteur), les risques de concentration, les risques des valeurs relatives, les risques directionnels de marché et les risques de liquidité. Ces risques sont pris en compte dans leur manifestation la plus extrême, à l’aide de stress tests qui utilisent les pires modifications de l’environnement économique observées par le passé, ainsi que des scénarios imaginaires extrêmes. Ces modèles très sophistiqués sont tout à fait convaincants. Il n’existe aucune raison de croire qu’ils ne fonctionneront pas, en pratique, dans des situations de crise .»
Jean Pierre Mustier, directeur général adjoint de la Société Générale, Alain Dubois, président du directoire Lyxor asset management ;

Conformément. Le mot que je cherchais. jean Pierre. Ce qui est rassurant, c’est que nous sommes entourés de modèles très sophistiqués et convaincants. Tiens, fais moi penser à te parler de jérôme Kerviel, un petit gars méritant avec du potentiel et des modèles plein la tête. Non pas des modèles de chez Elite, Jean Pierre, malheureusement, l’adition aurait été moins salée. Non, Bouton, ne trouve pas ça drôle.

Et puis, pour nous rassurer, il y a le truc imparable : les simulations.

"Les établissements financiers et leurs autorités de contrôle procèdent à des simulations de crise poussées sur leurs portefeuilles. On peut se demander si les scénarios qu’ils simulent sont assez extrêmes." Barry Eichengreen professeur d’économie et de sciences politiques à l’université de Californie, Berkeley,(in RSF février 2008)

"Le cas de Northern Rock, la société de crédit immobilier britannique qui est devenue une victime emblématique de la crise actuelle, illustre bien ce point. Northern Rock aurait effectué, avec succès, toutes les simulations de crise sur lesquelles elle s’était entendue avec l’autorité britannique des services financiers (Financial Services Authority – FSA) au premier semestre 2007" .

Rassure nous encore un coup Barry :

"Bien évidemment, la possibilité que toutes les sources de financement de la banque puissent se tarir au même moment ne figurait pas au nombre des scénarios simulés". Bien sûr, bien sûr, qui aurait pu imaginer. On avait passé avec succès toutes les simulations de crise. Au fait, Barry, t’a pas cinquante milliards d’euros sur toi ? oui jusqu’à demain.

Jean Pierre Mustier, directeur adjoint de la Société Générale n’y croie pas une seconde :
"Il existe également des considérations d’ordre général concernant l’existence d’un risque systémique autre que le risque bancaire, mais il n’existe pas véritablement d’argument pour les appuyer, excepté que nous ne connaissons pas les activités des hedge funds sur une base consolidée".

"Des considérations d’ordre général ."Ah le Jean Pierre, c’est pas avec des trucs de gonzesse pareil qu’on l’arrête. Pas de quoi se faire fouetter en position à découvert. On a tout ce qu’il faut. Le risque est dispersé, même sa maman ne le retrouverait pas. Excusez moi. Salut, Jean Pierre, c’est Jerôme, ben, Jerôme Kerviel, le facteur humain du risque systémique à lui tout seul.

Ces inquiétudes sont-elles fondées ? Théoriquement il y a un risque. Il y en a toujours un. La conjonction de l’imprévu qui tombe sur le hasard. Mais tout ça est sous contrôle. Non ?

Ce serait par exemple le cas si la conjonction d’événements inattendus mais non improbables (une "tempête parfaite" — "perfect storm") provoquait des pertes significatives pour toutes les stratégies d’investissement à effet de levier et si la fermeture forcée de positions érodait la liquidité du marché et les prix des actifs en général. (..)

Andrew Crockett, président JPMorgan chase international nous interprète "Stormy weather". La tempête parfaite, fallait oser. Andrew même à Hollywood il trouverait ça trop gros. Ladies and gentlemen ici your commandant de bord ; please attache your seat bells, we are going to traverse a perfect storm. Si l’inattendu n’érode pas la liquidité, tout va bien se passer, dans le cas inverse, on aura pas pied, c’est sûr. Thank you.

Michel Prada, président de l’Autorité des marchés financiers, ( RSF numéro 10 d’avril 2007), and your co pilote de la "perfect storm" : bienvenue au grand soir du risque systémique : "Aujourd’hui, ce risque semble considéré comme peu élevé. On relèvera ainsi que les études disponibles font état d’un taux annuel de défaillance de 3 pour 1 000, chiffre qui est resté remarquablement constant au cours des dix dernières années alors que le nombre de hedge funds a été multiplié par sept au cours de cette période. Il reste que le risque existe et doit être géré.» Il est vachement cool, Michel pour un fonctionnaire.

Le plus lucide, c’est encore Peter. Il a le don pour mettre le doigt ou ça fait mal.

"Toutefois, se focaliser sur l’incertitude entourant la situation des emprunteurs masque une réalité difficile à affronter : les grands intermédiaires financiers sont eux-mêmes à la fois prêteurs et emprunteurs et leur réticence à octroyer des prêts reflète dans une large mesure une réaction défensive face aux incertitudes qu’ils nourrissent concernant leur propre bilan". Peter R Fischer managing director BlackRock, Inc

Quand on voit ce qu’on a dans le bilan, ça rend prudent, vu qu’ils sont au moins aussi malin que nous… et qu’on ne sait même pas ce qu’on a ni comment l’évaluer vu que la valeur de l’actif est indexé sur on ne sait pas quoi.

Mais, Peter, j’y pense tout à coup, Tout va bien, on s’en fou des risques, puisqu’ils sont dispersés. DISPERSES. on sait même plus où y sont tellement il y a eu dispersion. On s’en souvient, la gestion alternative et les nouveaux produits sophistiqués avaient, outre l’avantage de favoriser une meilleure liquidité des marchés, celui de disperser les risques pris par les investisseurs, voire de les éliminer.

La liquidité est fille de la dispersion. Elle même fille de la titrisation. Et réciproquement.

Un truc tout bête auquel personne n’avait pensé est, semble –t-il, venu perturber la dispersion du risque : Les banquiers ne connaissaient pas forcément les risques qu’il fallait disperser. Impayable. Impayable. Le coup parfait, monté sur des roulettes. The perfect storm. Le mec au moment de disperser, il trouve plus ses risques. Pourtant c’est pas ce qui manque. Il engueule sa femme comme pour les clés. C’est le coup, de pas de bol. Après, bien sûr, tout c’est précipité, et c’est le contraire qui s’est produit. La Bear Stearns a commencé à tousser, la liquidité s’est dispersée, et le risque s’est concentré. On avait tout faux. En avril 2007 la Fed estimait les pertes à environ 150 milliards de dollars, puis on a commencé à parler de 400 milliards. En novembre Goldman Sachs remportait le qui dit mieux avec 2000 milliards de dollars. Et puis après, c’est Paulson qui est arrivé. Short à mort. La dispersion il y avait pas cru. Il s’est fait 3 milliards sur le coup. Liquide le Paul.


Ironie de l’histoire, l’avidité au gain des Lehmann Brothers, Morgan Stanley, Goldman Sachs, et autres stars de la finance mondiale a fini par se retourner contre elles.

La bulle immobilière américaine poumon du système s’est essoufflée. Que le prix des maisons devienne inabordable et qu’il n’y ait plus de nouveaux acheteurs pour continuer à le faire monter, est un détail qui a manifestement échappé aux hautes sphères financières. Comment pouvait il en être autrement dans un pays, où la moitié de la population, soit 150 millions de personnes, se partage 2,8% du patrimoine national, tandis que les 3 millions les plus riches en possèdent 37,8% ?

Notons au passage que l’insolvabilité des pauvres n’est devenu un problème qu’à partir du moment où la finance mondiale a manqué d’oxygène. L’idée que de meilleurs salaires, des emplois moins précaires, des conditions de vies moins destructrices puissent contribuer à la solvabilité d’une famille ou d’un individu n’a aucune chance d’intervenir dans le débat. Encore moins à se demander à quoi sert l’économie.

"Qu’est il advenu de la dispersion du risque" s’interroge finement Peter R.Fisher qui est pas du genre à se laisser disperser.

"Les turbulences ayant affecté les marchés du crédit et des financements au second semestre 2007 montrent de façon préoccupante que la dispersion du risque sur les marchés de capitaux s’est avérée moins efficace que prévu. Il semble que les investisseurs aient acquis des risques qu’ils ne maîtrisaient pas. Qui plus est, les grandes institutions financières n’ont pas tant réussi à se défaire des risques qu’à les transférer à d’autres lignes de métier dans le cadre de leurs propres activités, ce qui a entraîné une concentration non souhaitée de risques dans leurs propres bilans".

Ben, quand il voit une concentration non souhaitée, n’importe quel sous préfet décroche son téléphone et envoie les CRS. Après on fait le bilan. Allo l’hôpital ?

Comme l’a déclaré Ben Bernanke, président du Conseil des gouverneurs du Système fédéral de réserve, devant la Commission budgétaire du Sénat, le 18 janvier 2008 : "l’approche que nous avons choisie est celle de la discipline de marché. Ce système a plutôt bien fonctionné jusqu’à présent".Accroches toi, Ben, ça va secouer, il y a du désir intense d’utiliser des capitaux dans l’air. On se demande pourquoi, mais "discipline de marché" dans la bouche de Ben Bernanke ça sonne comme "défense du prolétariat" dans celle de leonid Brejnev.

Revenons quelques mois en arrière, dans la verte vallée du matin calme où coulait limpide et fraîche la rivière liquidité, fille de la dispersion. Rappelons nous la prédiction de Tobias Adrian, senior economist Fed New York et de Hyun Song Shin Professeur d’économie, Princeton University.

"Aux États-Unis, sur le marché des crédits hypothécaires à risques, lorsque les bilans augmentent suffisamment rapidement, on accorde des crédits même aux emprunteurs qui n’ont pas les moyens de rembourser, tant le désir d’utiliser les capitaux excédentaires est intense. Les germes du repli à venir du cycle du crédit sont ainsi semés".

Sept mois plus tard, les germes du repli ont grandi avec sur la tronche un sourire de grande débâcle. Le désir d’utiliser des capitaux est moins intense. Tu peux les garder tes CDS. Va disperser ailleurs.

"Pourquoi continuer à acheter des credit-default swaps quand la solvabilité de ceux qui les vendent est en question ? Facteur aggravant, comme il s’agit d’un marché non régulé, personne n’est chargé de vérifier cette solvabilité, de la même manière que personne n’a jamais vérifié si les vendeurs de CDS disposaient des réserves suffisantes en cas de pépin"

Blog de Paul Jorion, le 17 septembre 2008. Pépin, tu n’y vas pas un peu fort Paul ?

La grande descente est commencée. Les portefeuilles de crédits immobiliers Helocs (home equity line of credit) ne valent plus rien aux yeux des investisseurs. Les actionnaires de la plus importante firme américaine de crédit au logement, Countrywide s’en sont aperçu. En janvier, la valeur de l’action Countrywide a perdu 88% comparée à son plus haut niveau de 2007. Le marché estimait que son portefeuille immobilier de 15 milliards de dollars pour l’essentiel constitué d’Helocs ne valait pas plus de 5 milliards. Assimilés à une créance de second rang par rapport au prêt ayant servi à acheter un bien immobilier, les helocs sont considérés comme inrecouvrables en cas de défaillance de l’emprunteur. La question concernant ces prêts est simples : pourquoi les a –t-on accordés? La réponse est simple : ils alimentaient le système. Du charbon dans le fourneau et la locomotive file à un train d’enfer

CDS :SS CDS :SS !!!

Le facteur aggravant est fort comme un cheval.

62 000 milliards de dollars de CDS ont été contractés aux Etats Unis, chiffre comparable au montant mondial des dépôts bancaires. La banque JP Morgan, sacré Andrew, est le principal acteur de ce marché avec 7000 milliards.

Ce petit rappel sur les CDS permettra de mieux apprécier tout l’humour de l’intervention d’ikball12, un internaute sur le Blog de Paul Jorion :

"Bonjour, étant commissaire aux comptes d’institutions commercialisant ces types de produits, je peux vous assurer que les cabinets d’expertises comptables n’ont aucun moyen ou très peu de contrôler la valorisation des CDS dans les portefeuilles de titres. (…) nous n’avons pas les moyens d’aller contrôler la méthode mathématique de valorisation d’un CDS".

Mais alors ikball12, comment faites vous pour certifier les comptes ? Pas comme Arthur Andersen ceux d’Enron quand même ? Comme les banquiers pour disperser les risques qu’ils ne maîtrisent pas ? Comme les régulateurs pour contrôler les SPV installés aux îles Caïmans ? Tu pédales dans le hors bilan, toi.

Il est temps que tu écoutes Michel Prada, président de l’Autorité des marchés financiers, dans RSF numéro 10 d’avril 2007 :

"En conclusion, ce serait faire un contresens que de considérer les hedge funds comme des entités non régulées, non contrôlées, aux mains de sortes de "docteurs Follamour de la finance" qui, en travaillant au profit d’une clientèle constituée exclusivement d’une élite de riches particuliers, feraient courir un
risque de déstabilisation globale au système financier. Cette vision n’est plus du tout conforme à la réalité de ce secteur financier." Le hedge est l’avenir de l’homme. Le hedge s’habille en Prada.

Tu vois ikball12, même dans ta grande solitude une main secourable se tend. Toi aussi tu peux arrêter le hors bilan, les financiers anonymes peuvent t’aider à arrêter les CDS.

"Avant que les gouvernements et les autorités de réglementation financière n’envisagent des réformes permettant de faire face aux turbulences de 2007, ils devraient prendre du recul et réfléchir au fait que les vingt-cinq ans d’efforts consentis pour améliorer la sécurité et la solidité du système bancaire par l’adoption de normes de fonds propres fondées sur les risques ont coïncidé avec une désintermédiation progressive du système bancaire et un mouvement continu de transfert des risques hors du bilan.

Hors d’ici du bilan. ça c’est bien vu Peter. Tu l’a dit à Michel Prada, j’ai l’impression qu’il ne l’a pas remarqué.

La division du travail qui se développe entre les initiateurs, les distributeurs et les gestionnaires d’actifs, la création de titres liés à des créances hypothécaires et adossés à des actifs, et la multiplication des véhicules "stand-alone" (autonomes), porteurs de risques — depuis les hedge funds jusqu’aux conduits, aux SIV, aux CDO et collateralised loan obligations (CLO) —, tous ces éléments ont eu pour objectif de faire sortir les risques du bilan des banques et, directement ou indirectement, de faire baisser les exigences de fonds propres explicites liées à ces activités".
Peter R.fisher Managing Director, Blackrock (in RSF special liquidité de février 2008).

C’est marrant on se dit que Fisher pourrait faire le job de Prada alors que le contraire semble beaucoup moins vrai.

On se le dit aussi pour Eric Woerth, ministre français du budget, qui s’intéresse à l’actualité et réagit vigoureusement : "oui au capitalisme financier a condition qu’il y ait des règles, le secret bancaire doit être une relique du passé". Sans rire.

Le secret bancaire une relique du passé ? Quand elle était réclamée par des magistrats pour lutter contre la criminalité financière et la corruption la régulation et la levée du secret bancaire de certains paradis fiscaux étaient synonyme d’étatisme rampant voire de totalitarisme. Pourquoi serait-elle devenue aujourd’hui l’alpha et l’omega du sauvetage du système ? Eric ? Allo Eric ?

Des règles, mais comment ? T’a une idée Eric où t’a juste dit ça pour faire l’intéressant ? Parce que rappelle toi, ce qui a rendu possible la transformation du capitalisme en capitalisme dit "financier" c’est justement la dérèglementation, autrement dit la suppression de règles censées être un frein au libre jeu des marchés. On est ainsi passé des états souverains aux marchés souverains, auto régulés. Ça ne s’est pas fait sans l’accord des gouvernements, Eric, tu t’en doutes quand même un peu. Même les socialistes ils savent ça.

Certains économiste vont plus loin. Ils considèrent que certains abus actuels sont les effets pervers de la régulation issue de l’accord de Bâle en 1988.

"En imposant un niveau minimum de fonds propres aux banques et en exigeant ainsi une couverture accrue des actifs à risque, l’Accord de Bâle de 1988 a encouragé les banques à faire sortir leurs activités risquées de leur bilan. En d’autres termes, l’essor des véhicules d’investissements structurés (structured investment vehicles – SIV) et des conduits n’est pas tout à fait le fruit du hasard" Barry Eichengreen professeur d’économie et de sciences politiques à l’université de Californie, Berkeley, RSF numéro spécial liquidité, février 2008.

OK Barry. On a interdit aux banquiers de sortir par la porte en laissant la fenêtre ouverte. T’as raison Barry, ils sont sortis par la fenêtre. Mais pourquoi a-t-on laissé la fenêtre ouverte ?

Quand les investisseurs estiment la réglementation trop contraignante, ils délocalisent leurs activités vers des pays où l’on peut faire tout ce que l’on veut en restant caché derrière des sociétés dont l’identité des actionnaires est protégée par le secret bancaire local. "les paradis fiscaux et bancaires dans les années d’après guerre étaient des soupapes pour la politique l’économie et la finance. En somme de simples caisses noires. Mais l’ordinateur, les satellites et l’émergence des marchés financiers ont donné une ampleur sans précédent à ces places bancaires. La libéralisation des marchés a transformé les paradis bancaires et fiscaux en point de passage obligé pour les capitaux quelque que soit leur origine" écrit jean de Maillard, magistrat, dans "un monde sans loi"

Selon transparency international, les sites financiers off shore abritent 400 banques, deux tiers des 2000 fonds spéculatifs et deux millions de sociétés écrans représentant 10 000 milliards de dollars d’actifs financiers. Michel ? Michel, tu avances ou tu régules ?

Bon alors maintenant que les athéniens s’atteignirent, et que les danaïdes ont leur tonneau, qu’est ce qu’on fait ? On régule ou on laisse faire ?

Résumons la situation. Si on régule leurs activités, les banques créent, "on" ou si besoin "off shore" des entités qui échappent à la régulation et qui n’ont d’autres but que d’en annuler les effets attendus.

Question subsidiaire : Peut on vivre à l’ère de la titrisation de masse, au paradis de la gestion alternative, bénéficier de tout ce qui a "amélioré le fonctionnement et la stabilité des marchés financiers", sans conserver ce sur quoi tout cela a été construit : le hors bilan des SIV, SPS bourré de créances titrisées, la non transparence, l’absence de contrôle public, l’effet de levier, les marchés de gré à gré, les fraudes, les agences de notations laxistes et intéressées, les paradis fiscaux, les primes gigantesques, au fond tout ce qui a conduit à la crise systémique ?

Jean-Jacques Chiquelin

Hors ligne

 

#491 24-11-2008 23:27:53

Étienne
Message n°5434
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

« END THE FED ! »
http://www.prisonplanet.com/us-protesto … serve.html

Ce dimanche, des manifestations ont eu lieu dans 38 grandes villes américaines, pour en finir avec la Réserve Fédérale :

Le contrôle de la politique monétaire doit être rendu au Congrès, et ne plus dépendre de gens non-élus, et d'organisations privées qui sont inconstitutionnelles.

Parmi les commentaires sur Prison Planet, l'évidence fait son chemin :

"En finir avec la Fed, voilà un objectif concret.
Cessons de leur payer des milliards d'intérêts.
C'est le rôle du Trésor public d'émettre la monnaie."

Hors ligne

 

#492 27-11-2008 00:52:50

Étienne
Message n°5441
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Création de la monnaie ex nihilo ou pas ?

Le débat sur la monnaie reprend sur le blog de Paul Jorion :

Après quelques messages (en recul rapide, ces derniers temps, sur les débats de cet été) :

• Bloomberg contre la Fed

• Création monétaire, l’illustration de Paul Grignon

• Le vrai débat sur la monnaie peut commencer

• « Ex nihilo » : un dernier mot

• Les commentateurs

• L’illusion des banques qui créent l’argent, par Boris Ascrizzi

Paul a publié ce matin :

Notre débat sur la monnaie : et si c'était à refaire ?

C'est-à-dire qu'il est tant revenu en arrière dans les progrès du débat sur la monnaie, qu'il en est venu à même se demander s'il n'avait pas fait une erreur de lancer le débat tout entier, [menacé qu'il a été (j'en suis sûr) par tous ceux qui lui tendent leurs micros en ce moment, et qui ne le tendent qu'à ceux qui disent ce qu'ils veulent entendre, ce qui pousse évidemment au conformisme le plus orthodoxe]... Finalement, il ne regrette pas, dit-il, mais on sent que c'est passé juste... C'est triste.

Je viens donc de poster le long message suivant, en réponse pour réaffirmer l'essentiel (qui se dilue et s'affaiblit sur ce blog déconcertant ; Paul me décourage un peu en ce moment, avec ses retours en arrière où il semble être capable de TOUT OUBLIER, tout ce qui a été démontré (et admis ! ) auparavant...)

Bonjour à tous.

Hum, on recule par ici, ces temps-ci, et pourtant, je ne comprends pas du tout les « arguments nouveaux ».

J’ai relu plusieurs fois le message de Boris, et les commentaires du fil allant dans le même sens, mais je ne comprends pas du tout ce qui, dans ce message, ni dans les billets récents, rend légitime et utile au pays 1) le fait que les banques privées créent la monnaie qu’elles prêtent moyennant un intérêt ruineux et 2) que cette création monétaire soit interdite à la puissance publique.

Si on reste sur les idées simples, en simplifiant un peu mais pas trop, il me semble que :

La monnaie est UN TITRE (matérialisé ou pas) qui représente (de façon considérée comme fiable et commode) une valeur (existante ou future) sur la base d’un ENGAGEMENT de payer :

* Quand la BANQUE CENTRALE émet des billets et des pièces —la monnaie FIDUCIAIRE, de fiducia = confiance—, ce sont des titres MATÉRIALISÉS qui sont mis en circulation, des titres qui représentent UNE DETTE DE L’ÉTAT (ou, vu de l’autre côté, une créance contre l’État en faveur du porteur de la monnaie), une dette qui n’est pas programmée pour être remboursée, mais une dette quand même : c’est la CONFIANCE DANS LA FIABILITÉ DU DÉBITEUR (ici l'État) qui fait la valeur de ce titre et qui permet aux acteurs de l’utiliser pour leurs échanges sans craindre pour leurs intérêts.

* Quand les BANQUES PRIVÉES émettent des crédits pour alimenter des DAV (dépôts à vue) —la monnaie scripturale, de scriptura = écriture)—, ce sont des titres DÉMATÉRIALISÉS qui sont mis en circulation, des titres qui représentent UNE DETTE DE LA BANQUE (ou, vu de l’autre côté, une créance contre la banque en faveur du porteur de la monnaie) , une dette qui est programmée pour être remboursée, remboursement qui fera disparaître la monnaie en question : là aussi, c’est la CONFIANCE DANS LA FIABILITÉ DU DÉBITEUR (ici la banque) qui fait la valeur de ce titre et qui permet aux acteurs de l’utiliser pour leurs échanges sans craindre pour leurs intérêts.

_________________________

Remarque importante : quand les banques privées prêtent de l’argent qu’elles n’ont pas, elles créent donc DEUX DETTES (ce qui entraîne une difficulté à comprendre car des confusions sont alors possibles : de quelle dette parle-t-on ?) :

1ère dette : en consentant un crédit, la banque commence par reconnaître SA PROPRE DETTE (la provision du compte, l’engagement de payer à d’autres acteurs les chèques et virements à hauteur de cette somme), et si j’ai bien compris, C’EST CETTE DETTE-LÀ QUI FAIT LA MONNAIE, ET PAS L’AUTRE (d’où un risque de confusion).

Pour répondre à Boris, Paul et les autres, cette dette nouvelle de la banque envers son client CRÉE pour ce client un POUVOIR D’ACHAT TEMPORAIRE, pas du tout illusoire, bien réel, incontestablement créé ex nihilo (il me semble), même si c’est pour un temps seulement.

Est-ce que ce fait n’est pas simplement incontestable ?

2ème dette : et la banque consent à ainsi s’endetter en échange de LA DETTE RÉCIPROQUE DE SON CLIENT, dont le terme est simplement plus éloigné, et naturellement, c’est la différence de terme entre les deux dettes qui fait tout l’intérêt de la manœuvre pour le client.

Sur le plan comptable (et c’est assez important pour comprendre le système), ces DEUX DETTES —celle de la banque (la monnaie) et celle du client (la contrepartie)— apparaissent au BILAN de la banque :

- la dette de la banque apparaît au passif (à droite) du bilan de la banque,

- alors que la dette du client (la créance de la banque contre lui) apparaît à l’actif du bilan de la banque (à gauche).


Les deux montant sont égaux, équilibrés, et ce tour de magie (cette création de pouvoir d’achat immédiat pour le client) n’est possible que grâce à la certitude (au moins la conviction) de la banque d’être remboursée (par une prochaine destruction de pouvoir d’achat du client au moment du remboursement).

Si le client ne peut pas rembourser (comme dans le cas des subprimes, par exemple), la banque se retrouve avec sa seule dette (envers les acteurs extérieurs), qui n’est plus équilibrée par la dette du client (devenu insolvable) : L’ACTIF (à gauche du BILAN) que représentait la confiance dans un client solvable PASSE AUX PERTES (à gauche du compte de RÉSULTAT).

(À ce stade, j’hésite à admettre que la monnaie correspondant à la créance irrécouvrable soit alors DÉTRUITE, comme me le dit fortement Jean (Bayard), parce que je ne vois pas par quelle écriture comptable cela aurait lieu. Intuitivement, j’aurais plutôt tendance à penser qu’assumant désormais la contrepartie de cette monnaie en l’assumant en charge (au sens strict), la banque en devient le support à la place de son client et que cette monnaie (titre toujours aussi fiable pour les autres) continue à circuler. Mais Jean — notre spécialiste de la comptabilité des banques— semble très assuré que cette monnaie est détruite dans ce cas… On va en reparler ; ce sera intéressant de savoir par quelle opération comptable cette destruction de monnaie a lieu dans cette situation.)

La réflexion de Paul et Boris sur les réserves fractionnaires me paraît complètement à part, presque hors sujet, puisqu’elle ne concerne que des limites imposées aux banques, sans modifier du tout le mécanisme (assez simple) décrit plus haut.

Le fait que les dépôts ne font pas les crédits se déduit rigoureusement du simple fait que les banques ne peuvent pas du tout disposer de l’argent qu’elles détiennent sur des DAV (l’argent des dépôts à vue ne leur appartient pas et elles n’ont pas mandat de le prêter) et les règles de comptabilité l’interdisent rigoureusement (voir les explications de Jean Bayard).

Le fait que la loi impose aux banques de ne pas prêter plus qu’un multiple X de leurs dépôts (ou qu’elles doivent avoir en dépôt une fraction Y de leur encours de crédit, cela revient au même) ne signifie nullement que ces dépôts peuvent être prêtés, ni en tout ni en partie (et ils ne peuvent absolument pas l’être, si j’ai bien compris).

Par contre, la création monétaire des banques privées, sur le plan strictement comptable (et pas du tout en vertu d’une prétendue « théorie » paranoïaque), se fait mécaniquement en contrepartie d’un DAV (dépôt à vue), ce qui fait dire (sans erreur) que « ce sont les crédits qui font les dépôts ».

C’est de la comptabilité, pas une « théorie » (il me semble).

J’ai hâte que Jean Bayard ait réparé sa connexion internet et revienne argumenter un peu ici sur ce point central de la comptabilité des banques qu’il connaît particulièrement bien et du « pivot » comptable que sont les DAV dans la création monétaire par les banques privées.

Surtout, je ne vois pas comment une éventuelle erreur (toujours possible… Qui ne se trompe jamais ? La belle affaire, que l’autre se soit trompé, ça n’en fait pas un âne, évidemment…) comment une simple erreur, donc, sur les différents ratios de réserves ou sur des dérives ou excès de certains “résistants”, pourrait discréditer l’analyse de fond de la création monétaire ex nihilo par les banques privées (création à mon sens tout à fait incontestable, jusqu’à la preuve du contraire, preuve que je ne trouve pas dans les derniers billets).

________________________

Alors, qu’est-ce donc que cette prétendue « illusion » dont parle Paul dans son billet ?

Si on prend illusion au sens de convention, contrat, règle d’un jeu qui représente la richesse sans être vraiment la richesse, d’accord.

Mais si on prend illusion au sens de représentation fausse de la réalité, la création monétaire n’est pas du tout une illusion : quand un organe de confiance (État ou banque ou autre) crée de la monnaie, il crée immédiatement du pouvoir d’achat, pouvoir d’achat disponible tout de suite qui n’a rien d’une illusion.

• Ce pouvoir d’achat est permanent si l’organe émetteur peut se permettre de ne jamais rembourser sa dette : c’est le cas de la monnaie permanente crée par l’État.

• Ce pouvoir d’achat est temporaire si l’organe créateur de monnaie doit rembourser : c’est le cas des banques qui doivent détruire (au moment du remboursement) la monnaie qu’elles ont créée (au moment du prêt).

À la rigueur, on peut admettre le mot d’« illusion » pour signaler le fait que le pouvoir d’achat de la monnaie est le plus souvent « voué à bientôt disparaître » (puisque l’essentiel de la monnaie est scripturale et surtout temporaire), mais l’effet anticipateur du crédit, lui, n’est pas du tout une illusion, il permet l’investissement et, finalement, plus tard, la création de plus de richesses réelles que la monnaie qu’il a fallu créer au départ.

________________________

Mais surtout, et vous semblez évacuer le débat sans avoir réglé le point suivant, pourtant décisif : la création monétaire par les banques (et la destruction associée) ne poserait aucun problème si elles ne prélevaient pas au passage LA DÎME DE L’INTÉRÊT, revenu sans cause, imposé sans légitimité politique ni économique, et dont le montant est sans commune mesure avec le travail des banques dans le domaine des prêts.

C’est la RENTE de l’intérêt qui devrait choquer tous les vrais libéraux.

La création monétaire par les banques ne peut justifier que le versement d’honoraires, revenus proportionnels au travail (comme tout le monde, quoi), et en s’en tenant strictement au seul travail lié aux crédits concernés (et pas aux frais divers d’autre nature liés à la « diversification » des banques).

L’intérêt perçu par les banques sur la création monétaire, ruineux pour la société toute entière, imposé sans aucun débat public, cet intérêt non nécessaire n’est pas légitime.

Je ne comprends pas pourquoi il faudrait renoncer à ce débat ici.

________________________________

Je trouve que les considérations sur les « armoires de ballons » et sur cette très mystérieuse (pour moi) « conservation des quantités » semblent confondre la richesse et la monnaie et sèment le trouble dans la réflexion, sans apporter d’éléments convaincants qui justifieraient qu’on cesse de s’intéresser à ce thème majeur pour l’humanité : il faut que la collectivité des hommes dispose du contrôle complet de sa monnaie, sans jamais abandonner ce contrôle à des centres de profit, sans quoi cette collectivité humaine va perdre immanquablement le contrôle de ses représentants politiques (et de sa liberté), tant il est vrai que la souveraineté politique DÉCOULE, dépend, de la souveraineté monétaire, et pas l’inverse.

_________________________________

Par ailleurs, le fait de mêler les considérations sur la crise financière actuelle au débat sur les mécanismes de fond de la création monétaire ajoute à la confusion : on n’a pas besoin (je ne sais pas si quelqu’un l’a fait) d’utiliser cette crise pour montrer la création de monnaie ex nihilo par les banques privées : cette création est un fait comptable avéré et décrit par (presque ?) tous les manuels, apparemment, j’en ai une trentaine à la maison : (presque ?) TOUS décrivent la création monétaire ex nihilo comme une exclusivité des banques privées pour ce qui concerne la monnaie scripturale.

Mais attention : tous décrivent ce processus mais AUCUN MANUEL SCOLAIRE NE CRITIQUE CE PROCESSUS, et c’est précisément ce qui est très étonnant et qui conduit certains à parler de « secret » : ce qui est au moins très mal enseigné à l’école (et très mal mis en scène pour les citoyens par les journalistes), c’est la profonde ILLÉGITIMITÉ 1) de l’intérêt perçu sur la création monétaire par les banques privées et 2 ) de l’interdiction totale faite récemment aux États de créer sans charge d’intérêts la monnaie dont la collectivité a besoin.

Sur ce dernier point, l’article 104 du traité de Maastricht (devenu article 128 du traité de Lisbonne) est simplement incontestable, c’est un fait : nos gouvernants ont abandonné définitivement le droit de créer eux-mêmes la monnaie dont le pays à besoin et ils se sont donc imposés par-là de payer (ils nous ont imposé de payer avec nos impôts) UN INTÉRÊT NON NÉCESSAIRE. Ce sabordage monétaire, sans débat honnête, a été verrouillé en 1992 au plus haut niveau du droit, à la fois constitutionnel et international, ce qui le rend pratiquement irréversible. Vous trouvez cela « démocratique » ?

J’ai farfouillé dans tous mes manuels et je n’ai jamais trouvé cette approche critique (sauf à l’état de trace, parfois, sur une ligne ou deux), cette nécessaire invitation au débat, avec confrontation des thèses opposées et une discipline argumentative qui permettrait à chaque citoyen ainsi éclairé de peser les avantages et les inconvénients réels (pour le plus grand nombre) des propositions en présence.

Donc, ceux qui prétendent qu’« il n’y a pas de secret », que « tout ça est enseigné en première année de fac », que tout cela relève de la « théorie du complot d’une bande de farfelus indignes d’une conversation avec les vrais spécialistes », tous ceux-là, souvent des professeurs drapés dans leur dignité, oublient de signaler ce point essentiel de L’ÉTUDE SANS CRITIQUE imposée par les manuels, de cette pédagogie de la soumission aux « experts du risque » (tu parles !) que seraient les banquiers et leurs techniciens, de cette école de la résignation qui règne aujourd’hui en matière monétaire (on voit comme il est encore difficile de résister, même averti).

Or, cet enseignement (sur la monnaie), par nature, est forcément politique : il impacte toutes les décisions relatives au monde commun, tous les enjeux de la Cité.

Et dire que cet enseignement « ne doit pas être politique », imposer que cet enseignement soit neutre, « uniquement descriptif de ce qui EST, sans jamais parler de ce qui POURRAIT ÊTRE, ou DEVRAIT ÊTRE », c’est évidemment très politique (l’exigence de ne pas faire de politique est d’ailleurs, généralement, une position très favorable aux conservateurs).

Paul nous parle ici de son retour, après quelques égarements, à « la théorie financière dominante telle qu’on la trouve exprimée dans les livres de référence » : je suis bien curieux de connaître quelques livres de référence qui expliquent que les banques privées ne créent pas la monnaie ex nihilo (et comment ces livres expliquent les écritures dans les comptes de la banque décrites par Jean Bayard).

_____________________________________

Enfin, contrairement à ce que dit Boris, ceux qui réclament « que cesse l’abandon de la création monétaire aux banques privées moyennant un intérêt ruineux » ne réclament pas du tout, que je sache, le retour à l’étalon-or.

Pas du tout.

Le mécanisme de la création monétaire ex nihilo est formidable, tout le monde l’a compris, c’est un outil moderne qui n’est contesté par personne : ce qui pose problème… non, disons plutôt, ce qui est parfaitement inadmissible, encore une fois, c’est d’une part, de faire payer à la société toute entière un intérêt exorbitant (5% du revenu national chaque année, selon Maurice Allais) en échange d’un travail minuscule de certains acteurs privés privilégiés, et d’autre part, de priver l’État (c’est-à-dire nous tous) du droit de créer lui-même cette monnaie pour financer ses investissements publics sans subir une charge d’intérêt non nécessaire.

De ce que j’ai lu et relu de son message, Boris ne démontre rien contre ces point essentiels, qui sont LE FOND, L’ESSENTIEL, du film de Paul Grignon, points que nous devrions pouvoir débattre ici sans monter en épingle des erreurs de détail, toujours possibles mais pas rédhibitoires.

En d’autres termes, à mon avis, l’illusion n’est pas là où, à nouveau, malheureusement, Paul le pense 

Pardon d’avoir été si long.

Amicalement.

Étienne.

Hors ligne

 

#493 27-11-2008 08:08:15

Étienne
Message n°5443
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

« Emmanuel Todd dénonce brillamment le libre échange et la sottise crasse du G20 »

N°6 http://www.dailymotion.com/video/x7iasb … mocra_news
N°7 http://www.dailymotion.com/video/x7iavx … mocra_news
N°8 http://www.dailymotion.com/video/x7iay0 … mocra_news

Trois parties d’une excellente vidéo de l’excellent Emmanuel Todd, parue ce matin, 27 nov. 2008,
expliquant à Mediapart la folie du libre échange pour les salariés qui sont les dindons d’une farce
et l’outil puissant que pourrait, que devrait, constituer l’Union européenne pour organiser à la fois
la relance (keynésienne) de l’économie et la protection de la zone européenne.

Il conchie avec force la « pensée zéro » (expression qu’il préfère à « pensée unique »)
et la maladie mentale de nos gouvernants qui "comprennent" vraiment tout de travers,
nos "élites" gouvernantes qui refusent de voir l’évidence et continuent au G20 à demander plus de libre échange !

Son dernier livre « Après la démocratie » est simplement passionnant, délicieux à lire, je vous le conseille comme un médicament radical contre la pensée zéro smile

Il faut voir ces vidéos et lire ce livre : ce type pétille d’intelligence.

Hors ligne

 

#494 27-11-2008 09:59:26

Étienne
Message n°5444
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Encore un commentaire du père Chouard chez Paul (en cours de modération), peut-être utile ici, "chez nous" hmm

Toujours passionnantes réflexions de Pierre-Yves D, merci.

Pierre-Yves, quand vous dites :

Je commence par Maurice Allais. Celui-ci a tort lorsqu’il assimile la monnaie scripturale a de la fausse monnaie. Pour lui cette monnaie n’est plus RELATIVE à quoi que ce soit et c’est pourquoi elle est pour lui sans valeur.

Je crois comprendre ce que vous comprenez, mais je pense que vous vous trompez, vous aussi :

Allais connaît très bien la valeur du temps et il sait que la monnaie scripturale est un titre de confiance en une richesse à venir, un pouvoir d’achat anticipé.

Mais il pense que le pouvoir de créer cette monnaie est RÉGALIEN, il affirme — et c’est une pensée POLITIQUE, au sens le plus noble du terme —que c’est la puissance publique qui doit détenir l’exclusivité de ce pouvoir de création monétaire (et du bénéfice de ses revenus éventuels).

Et donc, de ce point de vue, tout particulier qui s’aviserait de pratiquer ce pouvoir régalien peut être assimilé à n’importe quel faux-monnayeur, quand bien même aurait-il réussi par sa grande influence à circonvenir les parlementaires pour obtenir une loi — et a fortiori une constitution ! — qui rendrait légale cette fausse monnaie.

Et ça se défend.

Précisément, quand Allais souligne la façon maffieuse (le mot est de moi) dont les banques se sont emparées partout de ce pouvoir il y a quelques siècles, il prend en compte, IL N’OUBLIE PAS les racines malhonnêtes du droit de création monétaire des banques privées il souligne le vol originel d’un pouvoir décisif par quelques privilégiés particulièrement puissants, et il oppose la légalité actuelle (contestable) à une illégitimité intemporelle (imprescriptible). Les mots sont de moi, mais c’est, à mon sens, le fond de la pensée d’Allais, et l’intérêt de ce débat essentiel.

______________________

Quant à l’expression ex nihilo, je n’y tiens pas plus que ça et il est abusif d’y voir une erreur d’analyse : avec le reproche d’utiliser l’expression « ex nihilo », on coupe les cheveux en quatre, en montant en épingle une expression à vocation pédagogique qui ne sert qu’à souligner la dématérialisation de la monnaie, et dont l’emploi ou pas ne change pas grand-chose à la description juste du mécanisme de la création monétaire (et de sa légitimité ou pas, selon l’acteur qui la prend en charge).

D’ailleurs, « création ex nihilo » est un pléonasme : le mot « créer », par définition, porte en lui la naissance à partir de rien, même si c’est en contrepartie de quelque chose : le fait que l’anticipation soit gagée ne permet pas de dire que la monnaie préexistait : la monnaie — instrument d’échange et signe de pouvoir d’achat immédiat — est bien CRÉÉE au moment du prêt (et détruite au moment du remboursement).

On pourrait donc aussi bien parler de « création monétaire », simplement. La pertinence de l’expression « ex nihilo » est un faux débat ; je pense que cette partie des conversations nous distrait de l’essentiel.

Amicalement.

Étienne.

Hors ligne

 

#495 27-11-2008 10:17:15

Candide
Membre
Message n°5445
Date d'inscription: 17-03-2006
Messages: 244

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Je vois que nous sommes sur la même longueur d'onde et... branchés sur la même fréquence : radio Jorion !

Quant à l’expression ex nihilo, je n’y tiens pas plus que ça et il est abusif d’y voir une erreur d’analyse : avec le reproche d’utiliser l’expression « ex nihilo », on coupe les cheveux en quatre, en montant en épingle une expression à vocation pédagogique qui ne sert qu’à souligner la dématérialisation de la monnaie, et dont l’emploi ou pas ne change pas grand-chose à la description juste du mécanisme de la création monétaire (et de sa légitimité ou pas, selon l’acteur qui la prend en charge).

En revanche, je ne suis pas d'accord avec le qualificatif de "faux débat" concernant le terme "ex nihilo". Il ne fait pas que "souligner la dématérialisation de la monnaie", car il pourrait très bien y avoir dématérialisation sans création ex nihilo. Il qualifie donc un aspect fondamental de la création monétaire. Je viens d'ailleurs d'essayer, dans la mesure de mes faibles compétences en ce domaine, de répondre à différents mesages récents, dont celui de Pierre-Yves, qui est un intervenant de premier ordre.

Dernière modification par Candide (27-11-2008 10:26:17)


Si une nation espère pouvoir rester à la fois ignorante et libre, elle espère ce qui n'a jamais été possible et ne le sera jamais.
(Thomas Jefferson)

Hors ligne

 

#496 27-11-2008 12:02:37

Zolko
Membre
Message n°5447
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Étienne a écrit:

Sur ce dernier point, l’article 104 du traité de Maastricht (devenu article 128 du traité de Lisbonne) est simplement incontestable, c’est un fait : nos gouvernants ont abandonné définitivement le droit de créer eux-mêmes la monnaie dont le pays à besoin et ils se sont donc imposés par-là de payer (ils nous ont imposé de payer avec nos impôts) UN INTÉRÊT NON NÉCESSAIRE. Ce sabordage monétaire, sans débat honnête, a été verrouillé en 1992 au plus haut niveau du droit, à la fois constitutionnel et international, ce qui le rend pratiquement irréversible.

Etienne, j'essaye de suivre ce sujet, et j'avoue que je suis perdu. Je vous rejoins que dire "on a toujours fait comme-ça, c'est comme-ça que ça se passe" est digne des singes qui n'ont pas osé descendre de l'arbre.

Mais comme je n'ai pas le temps de pouvoir chercher à comprendre, j'essaye d'aller au plus vite: il me semble qu'il y a 2 problèmes:

- la création de monnaie ex-nihilo par des pouvoirs privés
- l'emprunt de pouvoirs publics EXCLUSIVEMENT auprès de prêteurs privés, donc avec intérêts.

Sur le premier point... vu que la monnaie représente - ou devrait représenter- le commerce, qui est une affaire privée par nature... finalement je ne sais que penser.

Mais alors sur le deuxième !!! Il est là, le véritables scandale. Il l'est d'autant plus que les dettes de l'Etat sont décidés, crées par le gouvernement et les élus (à travers du budget) et que les intérêts de cette dette reviennent aux banques et investisseurs privées, qui contrôlent, directement (Rotschild --> Libération) ou indirectement (Bouyges --> bourse --> banques et Bouyges --> TF1) les médias qui autorisent l'élection ... des élus, qui créent la dette de l'Etat, qui profite aux.... et la boucle est bouclée.

C'est donc sur ce deuxième point qu'il faut porter le combat: que les pouvoirs privés puissent créer de la monnaie: OK, laissons les, on leur mettra d'autres bâtons dans les roues (taxe Tobin par exemple, ou limitation de la propriété des entreprises = personne morale à des personnes physiques pour éviter la cascade des propriétés). Mais les pouvoirs publics doivent AUSSI être capables de créer de la monnaie, sans intérêts. C.à.d. que l'état émet de la monnaie, comme-ça, en claquant des doigts.

Une fois qu'on a dit ça, pourquoi il n'y aurait pas plusieurs monnaies ? Genre, 2 ? Une pour le commerce privé, et une pour l'état ? Si l'état est assez puissant pour que les pouvoirs privés ne puissent pas le mettre à genoux, c'est la monnaie publique qui sera la référence. Laissons alors les pouvoirs privés avec leur monnaie de singe, du moment qu'on a une monnaie publique.

Non ? J'ai sûrement pas tout compris, mais ceci est déjà une indication: si seulement les banquiers comprennent l'argent, il y a un vrai problème démocratique.

Hors ligne

 

#497 27-11-2008 12:18:55

Candide
Membre
Message n°5448
Date d'inscription: 17-03-2006
Messages: 244

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Re : le débat sur la monnaie sur le blog de P. Jorion

Je ne suis même plus certain que l'on puisse encore dégager quoi que ce soit de vraiment nouveau et solide de ce débat, qui tourne en rond, avance et recule, et a lieu de plus en plus entre un petit nombre d'intervenants ayant des idées bien arrêtées.

De plus, le décalage temporel des réponses, parfois important, et le nombre et la longueur des messages, rendent leur suivi extrêmement difficile, si ce n'est impossible.

Au final, ça part tellement dans tous les sens qu'au bout de quelques dizaines de réponses on se demande quelle était la question.

C'est typiquement le genre de débat qui nécessiterait un autre format et qui n'a que difficilement sa place sur un forum.

Suis-je le seul à avoir cette impression ?


Si une nation espère pouvoir rester à la fois ignorante et libre, elle espère ce qui n'a jamais été possible et ne le sera jamais.
(Thomas Jefferson)

Hors ligne

 

#498 27-11-2008 13:15:37

Zolko
Membre
Message n°5449
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Candide a écrit:

C'est typiquement le genre de débat qui nécessiterait un autre format et qui n'a que difficilement sa place sur un forum

Mon format préféré pour les débats et discussions à distance est la liste de diffusion (mailing-list): on reçoit les mails de-suite, et on peut y répondre de-suite. C'est asynchrone, mais quasi temps-réel.

Hors ligne

 

#499 27-11-2008 16:33:24

NingúnOtro
Membre
Message n°5450
Lieu: Motril - Espagne
Date d'inscription: 18-05-2008
Messages: 579
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Maintenant que même Paul Jorion pense que le débat est peut-être à refaire... puis je vous suggérer... de revisiter http://etienne.chouard.free.fr/Europe/f … s-pour-qui

Hors ligne

 

#500 27-11-2008 18:37:34

Zolko
Membre
Message n°5451
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Qui saurait écrire un texte pour le programme du Laboratoire Démocratique concernant la refonte des statuts et rôle de la Banque Centrale Européenne (voir au bas de la page) qui fasse 2 choses:

- explique la situation actuelle
- propose comment les pouvoirs publics pourraient emprunter de l'argent sans payer des intérêts privés.

Je sais, c'est un boulot énorme. L'idée est d'être succinct et de renvoyer pour les détails sur des liens Internet. Maintenant que le problème est bien compris par beaucoup, c'est fondamental de l'expliquer MAIS AUSSI de proposer une alternative. Comme la BCE avait été crée lors d'un traité Européen (Maastricht), et qu'il y a toujours celui de Lisbonne qui nous pend au dessus de la tête, et que TOUS les Européens sont concernés par ce problème, il y aurait une certaine logique de saisir les élections au Parlement Européen pour à la fois stopper définitivement le traite de Lisbonne et de proposer un nouveau traité. Dans lequel, évidemment, on reviendra sur le traité de Maastricht et la BCE en particulier.

Que pensez-vous si la BCE peut prêter aux Banques Centrales Nationales de l'argent sans intérêts, et chaque Banque Centrale (de chaque pays, donc) peut prêter aux pouvoirs publics de son pays sans intérêts (y compris aux pouvoirs locaux) ? Ainsi, les dérives par pays sont identifiables, et un pays vertueux n'a pas à financer les pays laxistes. Ça marcherait ? Ou alors, la BCE pourrait prêter AVEC intérêts, qui seraient re-distribués aux pays membres (les pays mal-gérés financeraient les pays vertueux).

En contrepartie, il faut aussi imposer un contrôle démocratique sur cette pratique, pour éviter l'effet "open bar" que ceux au pouvoir se servent dans la caisse pour financer des projets grandioses, ou pour se sortir par une pirouette d'une gestion calamiteuse.

Hors ligne

 

#501 02-12-2008 03:53:38

Sandy
Membre
Message n°5469
Date d'inscription: 28-11-2006
Messages: 2421

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Hors ligne

 

#502 02-12-2008 22:17:15

Zolko
Membre
Message n°5475
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Fin du système monétaire mondial pour l'été 2009:

http://www.informationclearinghouse.inf … e21364.htm

According to LEAP/E2020, if global leaders fail to realize that in the next three months and to take actions in the next six months (...) the US debt will « implode » by summer 2009 (...) The United States will fall into an economic and financial pitfall in 2009 if they cling to their past « privileges ». Once the world has given up on the Dollar, it will be too late to negotiate.

Oups, une version française existe aussi.

C'est pas complètement en rapport avec ce sujet, je pense d'ailleurs que c'est trop tard pour sauver le système mponétaire, même si on le voulait. Ce qu'on peut faire, par contre, et c'est maintenant ce à quoi j'aimerais qu'on prépare le Laboratoire Démocratique (www.labdem.eu) c'est d'être prêt pour quand le chaos frappera.

Alors tous ceux qui sont intéressés par le système monétaire mondial ET par l'organisation politique de nos sociétés, on a 6 mois. A ce moment, le système implosera, à la manière de l'URSS. C'est arrivé en Europe il y a moins de 20 ans, et ça arrivera encore en Europe bientôt. On a donc 6 mois pour préparer un système de rechange (monétaire et politique), qui devra être opérationnel au pied levé. Et s'il vous plaît, ne prenez pas ces prévisions à la légère (oh, l'autre, ça fait 10 ans qu'on prévoit tous les ans la fin de l'empire américain, eh, ho, à d'autres...). On sait que le système dans sa globalité va s'effondrer, et on sait qu'AUCUN homme politique au pouvoir actuellement ne peut l'accepter, et donc ne pourra rien préparer pour affronter la situation. Nous, si.

re-oups: Money as debt, en rapport direct avec le sujet, lui.

Dernière modification par Zolko (02-12-2008 22:59:03)

Hors ligne

 

#503 02-12-2008 22:55:08

Candide
Membre
Message n°5476
Date d'inscription: 17-03-2006
Messages: 244

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Globalement, ils n'ont peut-être pas tort sur l'implosion du dollar, implosion programmée si l'on en croit Pierre Hillard.

Un bémol cependant : les mêmes prévoyaient dans un bulletin récent l'euro à 1,75 dollar d'ici la fin 2008, et ce exactement pour les mêmes raisons.

On en reparle dans 1 mois ? Ce qui n'empêche nullement de se préparer en attendant...


Si une nation espère pouvoir rester à la fois ignorante et libre, elle espère ce qui n'a jamais été possible et ne le sera jamais.
(Thomas Jefferson)

Hors ligne

 

#504 02-12-2008 23:28:29

Candide
Membre
Message n°5477
Date d'inscription: 17-03-2006
Messages: 244

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

@ Sandy

Qu'est-ce que c'est que cette saloperie (et je pèse mes mots) ? Ça sort d'où ? Vu les références visibles (le logo France 5) et la présence de ce suppôt de Satan de Beytout, je parie que ça à voir avec l'émission diffusée (et rediffusée) récemment sur France 5 et intitulée justement "La France en faillite ?" (pas regardée, ni lu le descriptif en détail)...

Je ne sais pas si je regarderai la 2e partie, rien que pendant la première j'avais déjà envie de vomir...

J'espère au moins que cette propagande totalitaire n'est pas passée à une heure de grande écoute...


Si une nation espère pouvoir rester à la fois ignorante et libre, elle espère ce qui n'a jamais été possible et ne le sera jamais.
(Thomas Jefferson)

Hors ligne

 

#505 03-12-2008 00:33:47

Zolko
Membre
Message n°5478
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Candide a écrit:

Globalement, ils n'ont peut-être pas tort sur l'implosion du dollar, implosion programmée si l'on en croit Pierre Hillard.

Je pense qu'il y a plusieurs forces qui se battent: parfois, leurs objectifs se superposent, parfois non. Et puis les Néo-Conservateurs - car c'est eux - n'ont pas toujours été d'une très grande intelligence. Ils ont sûrement des grands projets, mais ça ne se passe pas forcément comme ils le voudraient. Je pense que le dollar est tellement sous perfusion qu'il n'est pas sauvable, du coup, tel un toxico ou un joueur de roulette, ils parient encore plus gros: cette fois, c'est la planète entière et sa monnaie.

Autant dire qu'ils n'ont pas l'ombre d'une chance d'y arriver, mais ils peuvent créer énormément de dégâts, de misère et de destruction en essayant. Voire une guerre mondiale. L'Apocalypse, que prêchent les évangélistes fanatiques aux USA, qui commencent à dire que de toutes façons, on est trop nombreux sur Terre.

Un bémol cependant : les mêmes prévoyaient dans un bulletin récent l'euro à 1,75 dollar d'ici la fin 2008, et ce exactement pour les mêmes raisons.

Ouais, ben moi j'avais prédit que le système monétaire international - et le dollar en tête - s'éffondrerait en septembre, après les JO de Pékin: bingo. Bon, d'accord, c'était facile. Mais c'est tout aussi facile de prédire la fin du US $. Certains disent que ça ne tiendra même pas jusqu'à l'été.

Pour ce qui est de la remontée du dollar, il y a plusieurs explications possibles, mais une me parait bien plus pertinente: un des problèmes majeurs de la crise financière actuelle est du à la vente à découvert (on vend ce qu'on n'a pas, et on l'achète plus tard en espérant que le prix dans le futur, quand on achète, sera plus bas que maintenant, quand on vend; oui, dans n'importe quelle autre activité cela est de l'escroquerie, mais pas pour les banquiers: que voulez-vous, faut bien que ça serve d'avoir des amis au gouvernements !). Or, la plupart de ces ventes à découvert étaient intitulés en $, et avant, ils étaient simplement financés par du crédit. Mais maintenant que le crédit s'est tari, ils doivent être financés par la vente de biens, et pour des dollars, pour payer l'option d'achat futur. C'est une purge. En dollars. Tant que durera la purge, il y aura une grosse demande de dollars. Mais après, le dollar n'aura plus aucune valeur. La durée des contrats à terme des ventes à découvert devrait donner la date de l'implosion des USA (en comptant à partir de septembre-octobre 2008).

Hors ligne

 

#506 03-12-2008 18:08:11

Sandy
Membre
Message n°5481
Date d'inscription: 28-11-2006
Messages: 2421

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Candide a écrit:

@ Sandy

Qu'est-ce que c'est que cette saloperie (et je pèse mes mots) ? Ça sort d'où ? Vu les références visibles (le logo France 5) et la présence de ce suppôt de Satan de Beytout, je parie que ça à voir avec l'émission diffusée (et rediffusée) récemment sur France 5 et intitulée justement "La France en faillite ?" (pas regardée, ni lu le descriptif en détail)...

Je ne sais pas si je regarderai la 2e partie, rien que pendant la première j'avais déjà envie de vomir...

J'espère au moins que cette propagande totalitaire n'est pas passée à une heure de grande écoute...

Oui c'est cette émission ...

Niveau propagande en effet j'ai connu plus subtil ...

Hors ligne

 

#507 04-12-2008 10:04:29

AJH
Membre
Message n°5483
Lieu: Aix en Provence
Date d'inscription: 18-08-2006
Messages: 1559
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Je m'étonnais que depuis presque un mois il n'y avait plus de débat sur ce fil, mais je viens de comprendre: j'ignore pourquoi mais j'étais "désabonné" et ne recevais donc plus les notifications.


L'utopie, c'est ce qui n'a pas encore été essayé (T. Monod)
http://www.societal.org

Hors ligne

 

#508 04-12-2008 10:19:01

Candide
Membre
Message n°5484
Date d'inscription: 17-03-2006
Messages: 244

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

@ Sandy

J'espère que des téléspectateurs se sont manifestés pour protester contre la violation flagrante d'intimité que subit le couple qui habite à l'hôtel en face des bureaux de l'« agence de presse », les coordonnées et les caractéristiques de l'homme et de la femme étant trouvées en quelques instants par une collaboratrice de l'agence dans un fichier clairement indiqué comme "biométrique", alors que normalement seuls des services de sécurité de l'état devraient y avoir accès !

Mais bon, j'arrête là car on s'éloigne du sujet du fil. Pardon à Étienne et à tous, mais ce docu-fiction m'a fait bondir. sad


Si une nation espère pouvoir rester à la fois ignorante et libre, elle espère ce qui n'a jamais été possible et ne le sera jamais.
(Thomas Jefferson)

Hors ligne

 

#509 04-12-2008 10:45:29

Zolko
Membre
Message n°5485
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Extrait du traité de Lisbonne consolidé, qu'on peut trouver ici:

CHAPITRE 4
                              LES CAPITAUX ET LES PAIEMENTS
                                              Article 63
                                         (ex-article 56 TCE)
1.    Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de
capitaux
entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

Voilà, au moins c'est clair. Si c'est pas du capitalisme assumé ça, je ne sais pas ce que c'est.

Au fait, bye-bye, taxe Tobin !

Hors ligne

 

#510 04-12-2008 12:22:28

NingúnOtro
Membre
Message n°5486
Lieu: Motril - Espagne
Date d'inscription: 18-05-2008
Messages: 579
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Zolko a écrit:

Extrait du traité de Lisbonne consolidé, qu'on peut trouver ici:

CHAPITRE 4
                              LES CAPITAUX ET LES PAIEMENTS
                                              Article 63
                                         (ex-article 56 TCE)
1.    Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de
capitaux
entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

Voilà, au moins c'est clair. Si c'est pas du capitalisme assumé ça, je ne sais pas ce que c'est.

Au fait, bye-bye, taxe Tobin !

Bien sur, Zolko... c'est pour cela que quelques-uns se démandent encore pourquoi quelques-autres sont CONTRE ce trait(r)é depuis le début. Ils devraient nous remercier parce-que c'est à cause de fous visionnaires comme nous que CE TRAITÉ N'EST TOUJOURS PAS EN VIGUEUR! Et puis, pas besoin de vous dire que ce petit extrait n'est pas la seule perle LIBERTICIDE qu'il contient.

Plus grave... cherchez SOUVERAINETÉ (du peuple, des citoyens) dans ce trait(r)é... et vous verez que ceux qui l'ont rédigé ont été assez "IDIOTS" pour ne pas le mentionner. Je ne suis pas nationaliste du tout, mais je n'aime pas lobotomiser mes droits...

Tout le reste n'est que guerre de propagande, que nous renoncions à livrer au cri de "c'est trop difficile" ou "nous sommes déjà vainçus" parce que c'est l'attitude qui demande le moins d'effort. Faut que défendre la liberté soit gratuit, n'est-ce pas? On nous fait cadeaux de tant de choses inutiles... pourquoi-pas celle-la?

Hors ligne

 

#511 05-12-2008 10:11:46

Étienne
Message n°5489
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Frédéric Lordon a produit un papier très intéressant sur son blog :

Cette Europe-là est irréparable
http://blog.mondediplo.net/2008-11-30-C … rreparable


Jean Quatremer a réagi (de triste façon, comme d'habitude quand on ose critiquer son dieu UE) :

Europe et concurrence: l'imposture Frédéric Lordon
http://bruxelles.blogs.liberation.fr/co … -frdr.html


Et Frédéric a rédigé une réponse que je trouve absolument délicieuse :

RQPJQ (Rien Que Pour Jean Quatremer)
http://blog.mondediplo.net/2008-12-01-R … -Quatremer


Ces échanges se déroulent sur fond de débâcle monétaire largement causée et agravée par les institutions européennes, ce qui permet de voir un lien logique avec notre précieux fil centralisant nos réflexions sur la monnaie.




Cette Europe-là est irréparable
30 novembre 2008, par Frédéric Lordon

Dans une sorte d’apothéose de bêtise doctrinaire et avec un insurpassable sens de l’à-propos historique, la Commission européenne, en l’occurrence incarnée par Mme Kroes, gardienne des règles de la concurrence, vient d’intervenir dans le grand débat de la crise financière. Pour dire que les injections d’un total de 10,5 milliards d’euros décidées par l’Etat français pour recapitaliser six banques (BNP Paribas, Crédit agricole, Banques populaires, Crédit mutuel, Société générale, Dexia) étaient illégales au regard des saintes lois de la concurrence libre et non faussée [1].

Le Traité européen piétiné par ses partisans mêmes

Il faut bien lui accorder que, sur le papier et d’un point de vue tout à fait formel, elle n’a pas complètement tort. Il y a bien en effet dans l’adorable Traité de Lisbonne un article 107 qui interdit les aides d’Etat [2]. À la vérité il — l’article 107 — n’est pas le seul à connaître les derniers outrages en cette époque de sauve-qui-peut-tout-va-s’écrouler. À cet égard, on pourra voir le symptôme d’une certaine gêne dans le silence discret des usuels admirateurs de l’Union européenne, hormis peut-être Bernard Guetta et Jean Quatremer, qui ne connaissent aucun jour férié et, en toute occasion, trouvent l’Europe à son meilleur. Le fait est qu’en un mois à peine les impérieuses nécessités du bord du gouffre n’ont pas laissé aux gouvernements européens d’autre choix que de cesser de finasser et de faire tout ce que devaient sauf à aller au grand effondrement — entre autres piétiner allègrement une bonne poignée d’articles jusqu’ici réputés intouchables du Traité européen. Mieux valait donc ne pas trop s’étendre sur ces irrégularités et rester discret à propos de ces intempestifs piétinements en espérant que, le gros de la crise passé, et quelques effets d’amnésie aidant, tout rentrerait dans l’ordre de la légalité européenne un instant suspendue, d’ailleurs c’est déjà oublié.

Il va falloir pourtant rester vraiment discret pour que tout ceci ne se voie pas car pour quelques unes de ses dispositions d’ordre économique les plus fondamentales, le Traité, mine de rien, est à l’état de courageuse pelouse municipale un dimanche de rugby un peu pluvieux.

L’article 130 qui interprète le principe d’indépendance de la banque centrale comme l’obligation d’une absence complète de rapport avec les gouvernements, n’en a pas moins vu Jean-Claude Trichet faire estrade commune avec Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, José-Manuel Barroso et Gordon Brown (hors euro !). Bien mieux : l’article 123, qui interdit à la Banque centrale européenne de prêter « aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales aux autres autorités publiques des Etats membres » ne l’a pas retenue d’ouvrir un crédit de 5 milliards d’euros à un gouvernement, hongrois en l’espèce, qui plus est pas même membre de la zone euro ! L’article 126, qui encadre strictement les déficits et les dettes des Etats, s’apprête pour sa part à passer un moment difficile alors que les milliards d’euros volent en direction des banques, que les dettes publiques enflent par demi-douzaines de points de PIB pour sauver la finance et, surtout, que s’annonce une récession d’une extraordinaire sévérité.

Et puis il y a la concurrence… L’article 101, qui interdit les constitutions de positions dominantes et sert plus généralement de dissuasion aux opérations de concentration, n’a visiblement pas fait le moindre obstacle aux mouvements de restructuration bancaire, d’ailleurs encouragés par les Etats qui n’y ont vu que l’opportunité d’économiser un peu les finances publiques en organisant la reprise des banques les plus fragiles par celles qui l’étaient un peu moins. Du rachat de Fortis par BNP-Paribas, de HBOS par Lloyd-TSB, de LBBW par la banque régionale de Bavière, de Dresdner par Commerzbank, ou de Bradford&Bingley dont les bons morceaux ont été partagés entre Abbey et Santander, la « consolidation » du secteur bancaire a connu une accélération prodigieuse en se passant visiblement de toute approbation européenne. Enfin l’article 107…

À un moment, ça fait trop. Nellie Kroes veut bien tout ce qu’on veut — se taire quand les banques jouent au monopoly sous ses fenêtres, laisser faire de terribles dérèglements qui ont beau ne pas être de son ressort, la font souffrir quand même —, mais on ne peut pas lui demander non plus de se renier toujours plus et indéfiniment sinon quel sens pour l’existence et à quoi bon commissaire à la concurrence ? On notera l’occasion choisie pour craquer : l’article 107, les aides d’Etat. Car dans la hiérarchie des abominations, c’est toujours l’Etat qui vient en premier. On bafoue les articles anti-concentration, c’est sans doute très mal mais, à titre exceptionnel, Mme Kroes peut se faire une raison puisque c’est celle du capital : le privé sait ce qu’il fait même s’il faut parfois gentiment le gourmander. Mais l’Etat, c’est vraiment l’horreur, lui passer quoi que ce soit est un inadmissible manquement avec des principes pour lesquels on ne transige pas, puisqu’il est l’anti-marché par excellence. Il était donc logique que, parmi toutes les violations caractérisées du Traité européen, ce fussent les aides d’Etat qui poussassent la commissaire à bout — et à sa première révolte.

Les contresens de l’universalisme concurrentiel

Mais cette « logique » n’a, comme telle, pas d’autre titre que l’acharnement dans la cohérence doctrinaire. Car il faut être à demi-fou, et même en bonne voie de le devenir complètement, pour envisager de soumettre au droit commun de la concurrence les mesures d’extrême urgence qu’une crise financière séculaire rend vitales. Mais rien n’arrête la Commission, et d’autant moins qu’elle n’en est pas à son coup d’essai en cette matière. En 1998, le dingue de service s’appelait Karel Van Miert, et dans le bras de fer qui l’opposait à l’Etat français à propos du plan de sauvetage du Crédit lyonnais, il avait trouvé malin, sans doute pour refaire le rapport de force à son avantage, de menacer de laisser la banque aller à la faillite si le gouvernement ne passait pas sous ses fourches caudines en matière de contreparties — car, en matières d’aides d’Etat, la doctrine européenne veut qu’on ne les tolère qu’à titre tout à fait exceptionnel et surtout qu’on les fasse payer de « contreparties » consistant à exiger de l’entreprise aidée qu’elle se coupe un bras et deux jambes, probablement pour qu’elle garde un souvenir plus net de son « sauvetage » et qu’elle soit dissuadée d’y revenir de sitôt.

La seule chose qui avait échappé alors à Karel Van Miert, comme à Mme Kroes aujourd’hui, est qu’une banque n’est pas tout à fait une entreprise ordinaire, et qu’on ne devrait envisager la possibilité de sa faillite — ne parlons même pas de l’annoncer publiquement à grand son de trompe — qu’avec la plus extrême circonspection, peut-être même quelques tremblements. C’est qu’à l’inverse d’une entreprise ordinaire, une banque quand elle s’écroule, n’a pas le bon goût de tomber seule, ou de n’entraîner « que » quelques malheureux sous-traitants avec elle. La densité des engagements interbancaires est telle qu’une faillite locale, dès lors qu’elle est un peu importante, en induit immanquablement d’autres, qui à leur tour etc. Les ruées de déposants qui s’en suivent intensifient l’état de panique bancaire et rendent encore moins contrôlable la série divergente des faillites en cascade, au bout de laquelle il n’y a plus que la perspective de l’effondrement du système financier dans son ensemble. C’est cette caractéristique absolument singulière à l’univers bancaire, seule susceptible d’activer ce qu’on nomme le risque systémique, qui devrait dissuader à tout jamais de soumettre le traitement des faillites bancaires à des procédures de droit commun ; et c’est précisément sur cette prévention élémentaire — on pourrait même dire vitale, car autant le dire carrément : même à ceux qui détestent les financiers, le spectacle d’une ruine totale de la finance n’est pas beau à voir — que s’asseyent depuis le coup de force de 1994 [3] tous les commissaires européens à la concurrence successifs, avec une parfaite tranquillité et une certitude dogmatique qui font froid dans le dos. Non sans faire penser aux témoins de Jéhovah qui préfèrent laisser mourir plutôt que d’offenser leurs interdits de la transfusion, la doctrine européenne de la concurrence prend, l’âme claire, le risque du cataclysme financier ultime plutôt que de renoncer si peu que ce soit à ses parfaits principes – et paraître céder à la bête étatique.

La Commission d’aujourd’hui à l’image de la Réserve Fédérale… de 1929 

À l’extrême rigueur, la commissaire Kroes veut bien envisager quelques dérogations mais tient tout autant à faire savoir qu’elles seront chèrement payées : les fameuses « contreparties » en l’espèce prendraient pour les banques aidées la forme d’une obligation… de réduire leurs encours de crédit ! Réduire leurs prêts à l’économie, à un moment où tout le monde se bat pour tenter de dénouer le credit crunch et pour faire redémarrer à la manivelle les crédits sans lesquels nous allons à la récession meurtrière, n’est-ce pas là une idée proprement géniale ?! Seule la Commission européenne grande époque — la notre — peut en avoir de pareilles et camper en toute bonne foi dans le sentiment d’une impeccable logique. Si, dans son esprit hélas implacablement « cohérent », les contreparties consistent en mesures destinées à détordre ce qui a été tordu, et à rétablir en vérité ce qui a été faussé — la concurrence bien sûr — alors il faut imposer aux entreprises indûment aidées de restituer sous une forme ou sous une autre les parts de marchés qu’elles ont injustement captées (ou pas perdues) grâce aux aides, c’est-à-dire « logiquement », dans le cas présent, empêcher les banques de recruter plus d’emprunteurs… L’occasion est donc donnée de redécouvrir que la logique n’est pas qu’un innocent jeu de l’esprit mais, plongée dans certains contextes et prospérant dans certains cerveaux, mute en effrayante tare et en fléau social. Les Étasuniens doivent n’en pas croire leurs yeux d’observer le spectacle européen, et se féliciter chaque jour davantage de ne pas avoir sur le dos l’équivalent d’une institution aussi nuisible que la Commission dans sa forme actuelle. Eux, au moins, ont-ils compris l’urgence de la situation et des mesures impératives qu’elle requerrait, fussent-elles tout à fait hors du commun — et prouvent-ils chaque jour davantage que l’exceptionnel ou la transgression des règles ne leur font pas peur quand il s’avère que respecter les règles est plus dangereux que de s’en affranchir. En fait des règles aussi stupides, ils ont surtout la sagesse de s’en donner assez peu, en tout cas sous forme juridique « dure » — quant aux règles simplement doctrinales, plus molles, ils les trouvent les plus faciles à renverser et ne s’en privent pas chaque fois qu’ils l’estiment nécessaire.

En Europe c’est l’inverse. Les règles doctrinales sont aussi résistantes que le reste — en fait, par une aberration typique de l’esprit dogmatique, toutes ont été scrupuleusement transcrites en règles dures — juridiques : ces Traités que le monde entier nous envie —, et qui ne laissent plus aucune marge d’interprétation, de flexibilité, ou d’adaptation, bref le piège parfait. Un instant toutefois, en ce mois d’octobre 2008, on a été tenté de penser qu’à l’épreuve de la crise majuscule, le juridisme européen borné l’avait cédé à la réaffirmation des souverainetés politiques — pour une fois à peu près coordonnées —, et que la situation extrême avait commandé. Nous sommes en train de nous apercevoir qu’il n’en est rien et que la grande caractéristique des extrémistes doctrinaires est qu’ils ne renoncent jamais, en aucune circonstance — de ce point de vue la Commission d’aujourd’hui, dans son entêtement dans l’aberration, n’est pas sans faire penser à la Réserve Fédérale de 1929, qui prit un soin particulier à faire tout ce qu’il ne fallait pas faire, mais dans le plus parfait respect de ses principes orthodoxes d’alors.

Ouvrir une crise politique européenne

Il faut bien reconnaître, à la décharge de ces pauvres commissaires, qu’à l’issue de ces plans de sauvetage, la construction européenne se retrouve en grand déséquilibre juridique. Articles 101, 107, 123, 126, 130, ça commence à faire beaucoup. Mais que peut-on dire d’articles qui ont été si mal pensés, et doivent être répudiés à la première crise sérieuse, sinon qu’il faut les réécrire de fond en comble — et en fait bien d’autres avec eux —… et que la période présente en offre la formidable opportunité ? C’est pourquoi le gouvernement français, s’il avait deux sous de sens historique, saisirait cette occasion sans pareille pour ouvrir une crise politique positive, aussi brutale que nécessaire, mais tolérable, et même désirable, justement parce qu’elle offre de refaire à chaud ce qui est depuis si longtemps avéré impossible à froid — fut-ce avec quelques « non » retentissants à tous les référendums… — c’est-à-dire de relancer enfin la construction européenne sur de nouvelles bases expurgées de la pollution concurrentielle. Et en effet, jamais casus belli européen ne s’est si bien présenté. La Commission qui a le don de se mettre en tort pulvérise ici ses propres records : se proposer d’exiger des restrictions de crédit, au moment où toute l’économie en attend la reprise comme de son oxygène vital, est une véritable performance dans l’art de nuire – et aussi dans celui de ne rien comprendre –, une sorte d’équivalent de la mise en danger d’autrui mais à l’usage des collectivités.

Comme tous les grands pouvoirs dérangés, la Commission a perdu tout sens commun et, n’ayant jamais eu le moindre contact avec la population de ceux qu’elle baptise dans un irrésistible élan d’humour involontaire « les citoyens européens », elle est fatalement exposée au pas de trop, à l’excès marginal insupportable, mais commis d’une parfaite bonne foi et en toute bonne conscience. Et puisque l’analyse des dynamiques historiques requiert sa dose de cynisme, on observera qu’une fraction non négligeable des dominants pourrait parfaitement apporter son concours à l’ouverture de cette crise. Car le capital lui-même n’a pas vraiment intérêt aux outrances d’une Commission, qui l’a certes beaucoup et bien servi, mais finira par tuer tout le monde à force de pureté idéologique. Que ce soit un gouvernement de droite qui se retrouve le protagoniste possible de cette épreuve de force possible est une ironie qui ajoute au charme de la période. Quand ce gouvernement est celui de Nicolas Sarkozy évidemment il y a lieu de s’en tenir à des anticipations modérées, connaissant la disproportion entre ses aboiements et ses passages à l’acte. Le drame politique est cependant que s’il devait y avoir le moindre espoir c’est de ce côté qu’il se situerait. Car on ne doit se faire aucune illusion : jamais au grand jamais aucune contestation de cette sorte ne pourrait venir des rangs du socialisme de gouvernement. Eux feraient don de leur personne et se jetteraient pour faire barrage de leur corps à pareille infamie puisqu’il est désormais irréversiblement engrammé dans leurs esprits que s’en prendre à cette Europe c’est s’en prendre à l’Europe. Nous voilà donc au bout d’un certain chemin, là où quelque espoir paradoxal renaît en même temps que le nombre des solutions restantes s’effondre. Car, si ce que les verdicts de la supposée « démocratie » et ses référendums parodiques n’ont pas pu faire, le moment décisif de la crise maximale ne le peut pas non plus, quelles issues restera-t-il ? L’Europe dans sa forme actuelle prend un soin particulier à écœurer autant qu’elle le peut, parfois même, mais dans le silence de leurs âmes tourmentées, jusqu’à ses défenseurs les plus sincères et, voudrait-elle précipiter des accès de refermements nationaux, qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. Si vraiment c’est là le produit chaque jour plus probable de cette délirante aventure, on se demande presque si, pour l’idée européenne elle-même, il ne faudrait pas souhaiter qu’un beau jour les manants — je veux dire les « citoyens européens » — se rendent sur place dire un mot en direct aux grands malades qui ont rendu cette Europe irréparable. Et le cas échéant se proposent de les virer à coup de lattes dans le train.


Ce texte, qui en visiblement excité plus d’un, est suivi d’une réponse à la (charmante) réponse de Jean Quatremer.

_____________
Notes

[1] « Brussels blocks French bank bail-out », Financial Times, 28 novembre 2008.

[2] Au passage, il y a matière à s’interroger : pourquoi le plan français et pas les autres ? La réponse est très probablement à trouver dans la forme technique prise par l’intervention française qui, à l’inverse de ses homologues britanniques et allemandes par exemple, a choisi (Dexia mise à part) de recapitaliser les banques par des injections de « faux » fonds propres, plus précisément par des instruments de dette hautement subordonnée. Par son exigibilité très faible, la dette subordonnée est admise dans la définition de la base de capitaux propres entrant dans le calcul du ratio de solvabilité dit « Tier-1 ». Mais ce ne sont pas de véritables fonds propres — puisque c’est toujours de la dette —, de sorte que le plan français ne constitue ni de près ni de loin une nationalisation (partielle), à l’inverse de la formule qu’ont retenue les autres Etats membres. L’avantage du plan français est qu’il ménage un peu les finances publiques, puisque ces dettes sont remboursables (elles sont à échéance de cinq ans), là où une injection de vrais capitaux propres est par définition non récupérable. L’inconvénient symétrique tient au fait que, dans le cadre européen, si, par extraordinaire, les nationalisations sont encore tolérées — le Traité se vante dans sa grande largesse de ne pas se prononcer sur les régimes de propriété, publique ou privée, des entreprises — les aides publiques, qui sont neutres du point de vue de la propriété, ne le sont pas.

[3] Karel Van Miert, commissaire à la concurrence de 1994 à 1999, n’a jamais caché qu’il avait fait du dossier Crédit lyonnais une opportunité de soumettre « enfin » au droit européen de la concurrence les secteurs bancaires des Etats membres, jusqu’ici sanctuarisés sous l’exclusive tutelle des Trésors nationaux. Les discussions entre la France et la Commission à propos du sauvetage du Lyonnais commencent en 1994.




Europe et concurrence: l'imposture Frédéric Lordon
30 novembre 2008, par Jean Quatremer :

Je suis tombé par hasard sur le blog de Frédéric Lordon, "la pompe à phynance", un économiste très à la mode en ce moment au sein de l'ultra gauche. Plus précisément sur un papier intitulé: "cette Europe là est irréparable". Je suis tombé de ma chaise devant un tel tissu d'inanités et de mensonges. Se fondant sur un article du Financial Times qu'il n'a manifestement pas bien compris, Lordon affirme: "dans une sorte d’apothéose de bêtise doctrinaire et avec un insurpassable sens de l’à-propos historique, la Commission européenne, en l’occurrence incarnée par Mme Kroes, gardienne des règles de la concurrence, vient d’intervenir dans le grand débat de la crise financière. Pour dire que les injections d’un total de 10,5 milliards d’euros décidées par l’Etat français pour recapitaliser six banques (BNP Paribas, Crédit agricole, Banques populaires, Crédit mutuel, Société générale, Dexia) étaient illégales au regard des saintes lois de la concurrence libre et non faussée".

Le problème est que le point de départ de la charge violemment anti-européenne qui suit est faux: la Commission n'a pris aucune décision et discute simplement avec le gouvernement français. Au passage, j'ai aussi droit à une volée de bois vert avec mon collègue Bernard Guetta: "on pourra voir le symptôme d’une certaine gêne dans le silence discret des usuels admirateurs de l’Union européenne, hormis peut-être Bernard Guetta et Jean Quatremer, qui ne connaissent aucun jour férié et, en toute occasion, trouvent l’Europe à son meilleur". Je me demande à quoi je dois d'être ainsi désigné à la vindicte populaire, mais, vu la bêtise de l'article, je prends cela comme un honneur.

Voici la réponse que j'ai postée sur son blog hébergé par le Monde diplomatique ne pouvant laisser passer un papier aussi mensonger. J'attends avec impatience la réponse du sentencieux économiste.

Je tombe par hasard sur ce billet qui montre que Frédéric Lordon ne comprend non seulement rien au droit européen de la concurrence, mais accumule les affirmations inexactes voire les mensonges purs et simples, le tout mêlé à un euroscepticisme qui n’a rien à envier à celui d’un Vaclav Klaus ou d’un Declan Ganley. Quelques exemples d’inepties.

1/ L’auteur fait référence à une décision de la Commission déclarant les aides de l’Etat français illégales. Il n’est est rien : il s’agit simplement d’une discussion, comme il y en a toujours entre les Etats et la Commission, lorsqu’il y a aides d’Etats. Il n’y a donc aucune décision. Donc son emportement est charmant, mais passe complètement à côté de sa cible : comment, la Commission ose assumer le rôle qui lui a été assigné par les traités, traités encore en vigueur aux dernières nouvelles ? Effectivement, il y a de quoi s’énerver...

2/ Je précise à l’auteur que le traité de Lisbonne ne peut servir de cadre juridique de référence, celui-ci n’étant pas encore entré en vigueur. Il devrait tout simplement se rapporter aux traités existants. Je précise aussi que les règles de concurrence figurent dans les traités depuis 1957.

3/ L’auteur explique que : " l’Etat, c’est vraiment l’horreur, lui passer quoi que ce soit est un inadmissible manquement avec des principes pour lesquels on ne transige pas, puisqu’il est l’anti-marché par excellence. Il était donc logique que, parmi toutes les violations caractérisées du Traité européen, ce fussent les aides d’Etat qui poussassent la commissaire à bout – et à sa première révolte". Sait-il que chaque année, la Commission valide environ 60 à 70 milliards d’euros d’aides d’Etat ? La pointe a été, si mes souvenirs sont bons, de 140 milliards d’euros (au moment de l’unification allemande). Le nombre de décision d’interdiction est infime au regard de cette masse. Ce chiffre montre effectivement la dureté de la Commission dans ce domaine...

4/ La Commission a décidé, dès le début de la crise, d’appliquer encore plus souplement ses critères en matière d’aide d’Etat. Elle a publié des guides lines sur ce sujet. Tous les plans nationaux déjà acceptés sont ici : http://ec.europa.eu/comm/competitio... Seuls les plans autrichien, espagnol et hongrois sont encore à l’étude.

5/ Les affirmations contestables pleuvent comme à Gravelotte : "L’article 130 qui interprète le principe d’indépendance de la banque centrale comme l’obligation d’une absence complète de rapport avec les gouvernements". C’est intéressant. L’auteur sait-il que le président de la BCE siège chaque mois à l’Eurogroupe et le président de l’Eurogroupe siège chaque mois au conseil des gouverneurs ? J’ajoute que Trichet se rend tous les deux mois devant le Parlement européen pour répondre aux questions des eurodéputés et qu’il tient une conférence de presse mensuelle. Et, contrairement à ce qu’affirme Lordon, Trichet s’entretient régulièrement avec les gouvernements au téléphone ou lors de rencontre bilatérales.

6/ L’auteur nous dit encore que les mouvements de restructuration bancaire en cours se font "en se passant visiblement de toute approbation européenne". J’aime beaucoup le "visiblement" : en petit effort de recherche lui montrerait qu’il n’en est rien.

7/ Je passe sur les insultes : qualifier Karel van Miert de "dingue" apporte beaucoup au débat. Je note que lorsque le commissaire à la concurrence a menacé de laisser le Crédit Lyonnais aller à la faillite, c’était au moment où l’Etat français refusait toute mesure sérieuse de restructuration. Finalement un accord a été trouvé -qui ne nuisait pas aux concurrents qui eux n’avaient pas sombré dans les folies du CL- et le Crédit Lyonnais a été sauvé (mais la facture a été payée par les contribuables faut-il le rappeler).

8/ Frédéric Lordon affirme que "les règles doctrinales (européennes) sont aussi résistantes que le reste – en fait, par une aberration typique de l’esprit dogmatique, toutes ont été scrupuleusement transcrites en règles dures – juridiques : ces Traités que le monde entier nous envie –, et qui ne laissent plus aucune marge d’interprétation, de flexibilité, ou d’adaptation, bref le piège parfait". Or l’assouplissement actuel des règles de concurrence montre exactement le contraire. Je dois dire qu’en matière "d’esprit dogmatique", l’auteur semble en connaître un rayon.

9/ L’auteur, dans sa note 2, dit enfin ce qu’il en est : en effet, ce qui coince à Bruxelles, c’est le fait que l’Etat Français, conseillé par Michel Pébereau de BNP-Paribas, a choisi un mécanisme juridique de recapitalisation qui la prive de rémunération et d’une place au conseil d’administration des banques ainsi aidées. Tous les autres pays ont choisi de faire payer les banques pour leur aide (un intérêt de 9% en Grande-Bretagne, si mes souvenirs sont bons, 5% en Belgique), pas la France. Cela ne choque pas l’auteur, c’est pour le moins curieux. C’est cette aide sans contrepartie, ce cadeau aux banquiers dirait l’auteur, qui est critiqué car cela revient à accepter une grave distorsion de concurrence. Personnellement, ce mécanisme me pose problème et je suis surpris qu’il ne fasse pas débat : Nicolas Sarkozy, ce grand socialiste, conseillé par son ami banquier, choisi de ne pas faire payer les banques. Curieux, non ? Mais Frédéric Lordon trouve cela très bien et s’indigne que l’on s’interroge.

Je pourrais continuer longtemps. Je suis atterré de lire autant de contrevérités assénées avec la force de conviction de "celui qui sait". La critique est bienvenue lorsqu’elle se fonde sur des faits, pas sur des convictions idéologiques. Mais bon, dès qu’il s’agit de taper sur "Bruxelles", tout est bon. Même dénoncer une "décision" qui n’a pas été prise.




RQPJQ (Rien Que Pour Jean Quatremer)
lundi 1er décembre 2008, par Frédéric Lordon

À mon dernier texte, Jean Quatremer a pris le mors aux dents. Il a mis en ligne sur son blog une réaction délicieuse intitulée « L’imposture Frédéric Lordon ». On notera l’oubli, volontaire évidemment, de la préposition génitive « de », qui aurait normalement donné « l’imposture DE Frédéric Lordon », en vue de suggérer qu’une imposture peut m’être imputée. Mais non, c’est toute ma personne qui est une imposture, une imposture ontologique et sur pattes. C’est charmant, courtois comme pas deux et tolérant à souhait, bref démocrate-européen façon Quatremer.

Normalement, il ne faudrait pas répondre à ça. Mais on voit bien que c’est difficilement possible. Donc je le fais. D’autres que Jean Quatremer (et ses affidés) jugeront sur pièces de la teneur analytique respective des deux propos, puisque avec lui (eux) il y a visiblement lieu de ne pas chercher à poursuivre un de ces « débats-causes perdues » dont les conditions de possibilité mêmes sont parfaitement absentes.

Ce n’est pas que je tienne les autres critiques pour négligeables, mais, pour bon nombre, ce sont si visiblement ses petits amis rameutés par blog interposé, j’imagine, et armé d’arguments si semblables qu’il est préférable de regrouper – il n’est d’ailleurs nul besoin, comme Jean Quatremer me le prêtera sans doute par réflexe, d’imaginer que je ferais de lui une sorte de chef d’orchestre coordonnant la manœuvre, il suffit de s’en remettre à la similitude des formes de pensées qui, spontanément accordées par une même foi, produisent nécessairement des discours identiques en dehors de toute coordination et de toute orchestration. N’eût-été l’effet d’avalanche d’ailleurs, j’aurais presque trouvé estimable que Jean Quatremer s’aventure chez les « méchants » pour leur porter la contradiction. Evidemment sur le fond, et puis dans ces conditions…

Juridisme mal placé et maltraitance des mouches 

Par un effet d’imprégnation qui doit être le propre de l’amour d’institution, les amis de cette Europe ont épousé leur chose si complètement qu’ils ont le juridisme européen plus juridiquement européen que n’importe quel juriste européen. Il faut n’avoir pas peur du ridicule pour trouver à opposer comme premiers arguments que le Traité de Lisbonne n’est pas en vigueur et que la Commission n’a encore rien décidé… Faudra-t-il mettre sur le compte de l’affreuse déception irlandaise cette réaction très étrange de Jean Quatremer qui croit bon de faire du foin à propos de cette sottise de troisième ordre ? – il est vrai que cette obstination des peuples bornés à refuser le bien qu’on veut leur faire a de quoi mettre en rage, mais normalement pas au point de conduire à ce genre d’âneries.

L’ineffectivité du Traité de Lisbonne en tout cas n’avait échappé à personne (JQ-2) [1] – pas même à moi, c’est dire. Mais cette imputation d’ignorance rectifiée, on ne voit pas bien ce que ça change à l’économie générale de l’argument. N’y a-t-il pas un traité européen en vigueur prohibant les aides d’Etat, dont l’article adéquat est repris mot pour mot dans le Traité de Lisbonne, et Jean Quatremer n’a-t-il pas compris que tel était le véritable sujet de ce texte ? Que le Traité soit de Lisbonne, de Nice ou de Vesoul, que l’article soit numéroté 107 ou 87, peut-il expliquer plus en détail ce que ça change ? Et s’il ne le peut pas, peut-il alors expliquer à quoi rime cette entrée en matière ? Peut-il comprendre le concept de « convention » qui, dans la sorte d’entre-deux où nous sommes, choisit de prendre une référence et ici, arbitrairement, celle du texte le plus frais à l’esprit de l’opinion publique, précisément parce qu’il n’est pas encore voté, et qu’il représente encore un enjeu politique. Pour ma part en tout cas, je peux lui expliquer une chose : eussé-je retenu la référence du Traité de Nice et sa numérotation, il aurait été le premier à me faire remarquer ma scandaleuse ignorance de l’état des choses européennes et que c’était Lisbonne, presque déjà là, notre radieuse réalité.

On ne sort pas davantage du jardin d’enfant avec l’argument-massue qu’« il n’y a donc aucune décision » (à propos de la menace de la Commission de bloquer le plan français), mais en revanche « de quoi s’énerver » (qu’on en parle quand même) (JQ-1) [2]. Que Jean Quatremer soit révulsé de l’épouvantable négativité qui est sans doute à ses yeux la tare fondamentale du débat démocratique, en tout cas quand il prend son Europe pour objet, on le savait déjà et même d’assez longue date. Il faudra toutefois lui expliquer que tel est malheureusement le propre du débat contradictoire qu’il s’y émet de la critique, c’est-à-dire, pour celui dont les investissements psychiques passent un peu la raison, de cruelles attaques contre ses objets d’amour. Comme une sorte d’agent représentatif, Jean Quatremer d’ailleurs livre à lui seul, mais à son corps défendant, toute la conception de la démocratie en vigueur dans la sphère européenne. Car mutatis mutandis, il faudrait déduire de son argument formel qu’on ne saurait émettre la moindre critique contre le Traité de Lisbonne puisqu’il ne s’applique pas, qu’il est injuste d’objecter à une mesure quelconque de politique publique tant qu’elle n’est qu’un projet, et que probablement il était illégitime de critiquer Nicolas Sarkozy pendant sa campagne puisqu’il n’était pas encore président. C’est seulement quand on est assommé qu’on a le droit de faire la critique du gourdin.

Comme l’a abondamment montré le débat, je veux dire, le trauma, de 2005, la fuite dans le formalisme et la dépolitisation, est une tendance désormais permanente des amis de cette Europe, ce dont témoigne une fois de plus la référence faussement érudite et vraiment inepte à la présence de la prohibition des aides publiques dès le Traité de Rome (JQ-2). Car là encore, il faut avoir l’œillère du juridisme bien accrochée pour ne pas voir, ou pour feindre de ne pas voir, tout ce que le régime présent des aides publiques, à esprit juridique quasi constant depuis son écriture originelle, doit à une histoire multidécennale dont l’enjeu a été précisément de faire passer ces dispositions de l’état d’encre sur du papier à l’état de mesures véritablement exécutoires. Contrairement à ce qu’imagine Jean Quatremer, il y a une histoire de la concurrence européenne et, comme toute histoire, c’est une histoire politique, une histoire de conquêtes, de consolidations institutionnelles, de modification d’équilibres de pouvoirs et de coups de force réussis. Réussis par qui ? Par la Commission bien sûr, mais il est vrai poussée, à partir du sommet de Fontainebleau, par les Etats eux-mêmes, qui la tenaient jusqu’ici pour quantité négligeable et s’amusaient de ses avertissements, mais à partir de 1984 consentent pour de bon à l’élever comme autorité supérieure à la leur – et spécialement en matière de concurrence. Si le marché commun existait de toute éternité (1957) pourquoi a-t-il donc fallu un acte unique en 1986… si ce n’est parce qu’il fallait faire passer bon nombre des propositions juridiques du Traité à l’état de politiques effectives et que cette transition n’allait pas de soi ? Il en va de même des aides d’Etat auxquelles on ne comprendra pas grand chose si on se borne à psalmodier les textes sacrés de 1957.

Il faudrait raconter à Jean Quatremer quelques histoires, pas si anciennes d’ailleurs, qui lui montreraient dans quel mépris les Etats membres ont tenu jusqu’à la fin des années 70 les avertissements de la Commission en matière d’aides publiques – mais Jean Quatremer pourrait être horrifié de découvrir qu’on ait vécu si longtemps dans le péché et dans l’irrespect de ce qui était écrit. De la restructuration de la sidérurgie européenne qui, à la fin des années 70, marque véritablement le commencement du passage au réel du droit européen des aides d’Etat, jusqu’à la « conquête » du secteur bancaire au milieu des années 90, il s’est passé des choses dont nulle observance lettrée des parchemins ne donnera la moindre intelligence. Et s’il advenait qu’il était injuste de supposer Jean Quatremer ignorant de tout cela, la question, subsidiaire s’en déduirait simplement : pourquoi cette référence répétitive, et finalement sans objet à 1957, sinon par goût des amulettes ou des arguments sophistiques ?...

Nouvelles lignes directrices sur les aides d’Etat et conduite sur glace 

Mais il faut être juste : il n’y a pas que diversion formaliste et juridique dans les remarques de Jean Quatremer, il y a aussi des objections de fond. Ce n’est pas qu’elles soient beaucoup plus pertinentes cependant. « La Commission valide environ 60 à 70 milliards d’aides d’Etat » (JQ-3) ? La belle affaire ! Il va falloir un peu plus que ça pour faire un argument qui tienne debout. Le Traité (de la ville qui sied à Jean Quatremer et sous les numéros qui lui agréent) reconnaît en effet des cas d’aides publiques admissibles – ça échappe difficilement à la lecture de l’article… Mais lesquels ? « Sont compatibles avec le marché intérieur : les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels (…) ; les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles » (article 107) mais aussi les aides au développement économique des régions, aux projets d’intérêt commun européen et – oui ! – les aides à certaines régions de la RFA. Jean Quatremer peut donc observer triomphalement que les aides publiques ont atteint « une pointe, si (ses) souvenirs sont bons de 140 milliards d’euros (au moment de l’unification allemande) ». Ses souvenirs sont bons, mais pas très profonds puisque, comme avec le Port-Salut, c’était « écrit dessus ». Oui, le Traité reconnaît les aides à la réunification et oui, nous aussi, Jean Quatremer, nous avons un vague souvenir de ceci, c’est peut-être la raison pour laquelle nous retenons nos larmes de joie de découvrir que ces aides ont été effectivement validées. Mais Jean Quatremer a-t-il saisi ce dont mon texte est l’objet ou faut-il lui faire un dessin : il ne s’agit pas des aides aux consommateurs, aux réparations des tempêtes ou à la réunification allemande, ce sont les aides aux entreprises. Sans doute par simplicité d’esprit et par inaptitude scolastique je m’interroge en effet sur l’interdiction des aides publiques qui sont interdites, et pas sur celle, plus difficile à concevoir, des aides qui sont autorisées...

C’est à ce moment enfin qu’on entre véritablement dans l’argumentation – pas trop tôt… Jean Quatremer met gracieusement à ma disposition un lien sur le relâchement du régime des aides publiques dans le cas de la crise financière (JQ-4), il est bien aimable. Il se trouve que je l’avais lu, mais que je n’en tire pas la même conclusion que lui (on peut grouper avec JQ-8) et pour au moins deux raisons. La première est qu’il a été nécessaire de torturer des textes qui prohibaient formellement ce qu’on essaye d’autoriser aujourd’hui, moyennant des arrangements dont je me demande, confessant mon défaut de technicité juridique européenne, comment ils survivront à l’après-crise et, plus précisément, comment ils éviteront de créer un précédent dont sauront se saisir plus tard des agents privés avisés. C’est là la faiblesse des constructions institutionnelles fortement juridicisées, comme l’Union européenne, qu’elles admettent très peu de flexibilité et que toute tentative de faire un pas hors des clous, fût-ce dans l’urgence d’une situation de crise, crée potentiellement un problème de droit.

On pourrait objecter que le droit rectifie le droit et que les nouvelles lignes directrices opèrent de fait l’adaptation dont Jean Quatremer admire la fluidité. Il faudra toutefois soumettre à des juristes plus qualifiés la validité, non pas de l’apparition de nouvelles lignes directrices, mais de lignes directrices temporaires et réversibles, c’est-à-dire ad hoc. Que la Commission émette à jet continu de nouvelles lignes directrices à propos de tout et n’importe quoi, tout monde le sait. Mais cette émission continue est tout de même régulée par un principe de cumulativité et de non-contradiction tolérable. Je demande à voir ce que la CJCE, par exemple sollicitée par quelque banque désireuse d’être aidée également, dira de cet équivalent d’un « blip » juridique. Qu’il y ait des revirements de jurisprudence qui défont ce qui avait été fait et semblent briser la dynamique cumulative est une chose bien connue, mais ces revirements mêmes sont en général appelés à faire droit pour longtemps. Le tête-à-queue juridique « je-détends-je-resserre » – car on a bien compris que cette tolérance de la Commission n’est pas appelée à durer – équivalent du double-demi tour au frein à main est un genre assurément très neuf, dont il reste à savoir si le droit européen va l’épouser entièrement. Et si jamais, le nouveau paradigme juridique du « blip » ou du tête-à-queue était in fine validé, il faudrait s’en réjouir comme d’une bonne nouvelle annonçant que ce que la Commission aura été capable de faire une fois, elle pourra donc le refaire, ceci signifiant qu’à ce degré de révision discrétionnaire et ad hoc on est en bonne voie de sortir du droit pour refaire de la politique.

Mais la vraie raison est ailleurs bien sûr. Elle est dans ce fait que, manifestement saisie d’un spasme de répugnance au spectacle de ses propres actes, la Commission retire politiquement d’une main ce qu’elle a semblé accorder juridiquement de l’autre. Jean Quatremer pourra-t-il nous expliquer comment on peut dans le même élan saluer l’admirable flexibilité des nouvelles lignes directrices et ne rien trouver à redire au fait que la Commission incrimine aussitôt un plan d’aides publiques ? Je me demande si la raison qu’il allèguerait ne tient pas à la seule chose qu’il consente à m’accorder (JQ-9), hélas bien maladroitement le monde est mal fait : ce serait le choix de l’instrument financier retenu par le plan français (dette subordonnée plutôt que « vrais » fonds propres) qui justifierait entièrement sa disgrâce ; les vraies recapitalisations seraient les seules admissibles puisqu’elles touchent au régime de propriété de l’entreprise aidée à propos duquel la Commission, dans sa parfaite tolérance idéologique, s’interdit de trouver à redire. Que ce soit très probablement le raisonnement fait par la Commission, je le maintiens, sous l’accord bienveillant de Jean Quatremer. Mais il faut tout de même se souvenir que cette tolérance rencontre rapidement ses limites puisque l’une des contreparties exigées du Crédit lyonnais pour son sauvetage consistait précisément en un engagement du gouvernement français à privatiser la banque… Il y a surtout que, dans l’enveloppe de ce sauvetage, outre la structure de cantonnement, la Commission n’avait pas oublié de mettre en cause les 4 milliards de Francs de recapitalisation en vrais fonds propres accordés en 1996 et qu’à l’époque aucune distinction chinoise n’avait été faite à propos de la nature des instruments financiers.

Risque systémique ? Qu’est-ce qu’on risque ? 

Puisque cet épisode du Lyonnais a connu un moment particulièrement gratiné et que Jean Quatremer ne peut permettre qu’on « insulte » le Commissaire de l’époque Karel Van Miert (JQ-7), je voudrais préciser ceci : qualifier de « dingue de service », comme je l’ai fait, un de ces responsables irresponsables qui prend sciemment ( ?) le risque de déclencher une panique bancaire sur l’un des plus importants établissements d’un Etat-membre me paraît avec le recul une qualification assez adéquate, presque technique, et au total d’une grande modération. Il aurait fallu dire d’autres choses à propos de ce que fit alors M. Van Miert, je me demande même si ne gît pas quelque part dans les profondeurs d’un code oublié quelque chose comme une incrimination pour mise en danger de l’épargne publique qu’on pourrait (aurait pu) opportunément exhumer. Oui, je ne vois que l’hypothèse de la granitique bêtise idéologique pour faire des choses pareilles, c’est-à-dire pour déstabiliser délibérément une banque majeure au nom des principes concurrentiels standard auxquels les banques ne ressortissent notoirement pas, et, ce faisant, activer un risque systémique [3] dont les conséquences sont incalculables, tout ceci pour arracher au gouvernement de français de l’époque quelques milliards de cessions d’actifs de plus… [4] On cherche en vain une métaphore suffisamment parlante pour faire saisir l’ampleur du délire – par exemple une compagnie privée d’électricité qui refuserait de plonger les barres de graphite dans un réacteur en voie de diverger au motif d’obtenir une subvention du conseil régional ?

Sous une forme maximale, l’épisode Van Miert revient à sa façon sur ce qui fait le véritable objet de ce texte, et qu’au demeurant, Jean Quatremer a soigneusement évité. Toutes arguties juridiques et diversions (cf. infra) mises à part, pourrait-il nous dire ce qu’il pense sur le fond de la décision de bloquer, en situation de collapsus financier majeur, des plans d’aide au secteur bancaire sinistré, dont les Etats-Unis montrent à quelle ampleur il est urgent de les déployer [5], ou bien de les assortir de contreparties exigeant la réduction de leurs bilans (c’est-à-dire de leurs encours de crédit) au moment où leur expansion est un enjeu économique vital ? Tout le reste est littérature.

BCE et politique économique 

Terminons-en donc avec la « littérature ». JQ-5, à propos de l’article 130 et de l’indépendance de la BCE. Je serais assez prêt à plaider la rédaction élastique – ce point toutefois était périphérique. Je ne retire cependant pas grand-chose et persiste, explicitement cette fois, puisque Jean Quatremer n’a pas compris ou pas voulu comprendre le fond de mon propos. Effectivement sauf à prêter à Jean-Claude Trichet une névrose troglodyte, il n’est pas difficile de lui accorder qu’il lui arrive de sortir, de rencontrer des gens, parfois des dirigeants gouvernementaux – même il leur parle. Mais Jean Quatremer a visiblement du mal à décoller du sens propre et à envisager le sens figuré des mots. Que Jean-Claude Trichet admette à son conseil le vaillant président de l’Eurogroupe et, je suis prêt à l’imaginer aussi, lui accorde de prendre la parole, qu’est-ce que ça change ? Jean Quatremer a-t-il observé une seule décision significative de coordination du policy-mix depuis que l’euro a été lancé – ou bien, variante, une seule décision de politique monétaire « coordonnée » autrement que du simple fait que les gouvernements s’étaient trouvés fortuitement d’accord avec une décision que M. Trichet avait déjà prise souverainement ? Si, oui, qu’il nous en présente une seule, et même plusieurs si possible, pour qu’on puisse le prendre au sérieux. Et s’il désire aller plus loin, pourra-t-il nier cette chose évidente à n’importe quel économiste normalement éveillé que le modèle européen des relations Gouvernement(s)-Banque centrale est aux antipodes de son homologue étasunien où la coordination – la vraie, la coordination substantielle et pas seulement les rituels formels de la parlotte sans effet, celle où on dit des choses qui pèsent et où on décide de les faire de concert – est, sinon un principe, du moins une pratique quasi-constitutive.

L’argument des conférences de presse est encore plus dérisoire. Bien sûr on peut, si l’on veut, appeler « conférences de presse » ces scènes où Jean-Claude Trichet est assis à une tribune face à des journalistes et des mots sortent de sa bouche. Mais enfin il ne faut pas être trop regardant pour confondre le genre, sous son habituelle définition, avec une séance de lecture d’un communiqué, suivie des relectures du même communiqué en guise de réponse à toutes les questions quelles qu’elles soient. Jean Quatremer pour qui ces moments de communication unilatérale sont sûrement de grands moments de grâce, de démocratie et de publicité a dû remarquer que le mot que le président Trichet prononce le plus souvent est « again ». Placé au début de chaque réponse-relecture, il a vocation à signaler au questionneur que ce sera « encore » la même chose, sans doute pour qu’il soit prévenu et, par après, pas trop déçu.

De nouveau le risque systémique et les « bonnes » contreparties

Enfin dernier point (JQ-9, « again »). Jean Quatremer se refait à peu de frais une santé de gauche en stigmatisant le sauvetage unilatéral et sans contrepartie des banques : « Personnellement ce mécanisme me pose problème et je suis surpris qu’il ne fasse pas débat » – on a vu en effet que Jean Quatremer a l’art de soulever des débats, non pas sans pertinence intrinsèque, mais sans rapport avec l’objet circonscrit du texte, et que dès qu’il est question de l’Europe, tout vient d’un coup et sans distinction. Il serait toutefois utile à l’avenir qu’il le fasse d’une manière qui ne soit pas totalement incohérente car, écrire dans la même phrase (JQ-9) que, oui, le gouvernement français intervient avec de la dette subordonnée, mais que non, à l’inverse de ses homologues britannique et belge, il fait un cadeau aux banques, c’est n’avoir pas deux sous de suite dans les idées : si l’Etat prête, et puisque jusqu’à plus ample informé, on prête en général moyennant taux d’intérêt, alors c’est à titre onéreux pour les banques. De fait l’Etat facture ses prêts subordonnés aux banques récipiendaires 400 points de base au dessus des taux de ses propres titres d’échéance équivalente, ce qui fait bien plus que le taux belge que Quatremer admire tant – comme quoi, en matière de contrevérités et d’ineptie, Jean Quatremer se défend également. « Nicolas Sarkozy, poursuit-il vaillamment, ce grand socialiste conseillé par son ami banquier, choisit de ne pas faire payer les banques. Curieux non ? Mais Frédéric Lordon trouve cela très bien et s’indigne qu’on s’interroge ». Jean Quatremer est bien gentil d’attirer mon attention sur ce problème. Il ne sait pas cependant que je viens de publier un livre sur la question et qu’elle y est extensivement traitée – d’ailleurs, ironie, dans un sens qui, au tout début au moins, devrait lui convenir. Il ne sait pas non plus que je suis intervenu à d’assez nombreuses reprises (au regard de mes critères de présence médiatique) dans des médias, mais évidemment dans aucun de ceux qui lui servent de références habituelles. De cette ignorance-là, il n’est pas question de lui en vouloir. Un peu plus de parler sans savoir et de ne pas même prendre la peine de se renseigner avant de sortir ce genre de… contrevérité, son mot préféré mais à l’usage des autres.

Or une simple intuition aurait pu lui suggérer qu’avec les positions qui sont les miennes sur cette Europe, je ne suis pas particulièrement un ami de la finance, et qu’il était possible que je me fusse posé le problème. Ceci mis à part, notre accord n’en sera pas moins de courte durée car, si j’ai dit et répété autant que je le pouvais depuis août 2007 qu’il n’y avait pas plus impérieuse nécessité qu’un sauvetage de la finance, et pas plus grand scandale que ce sauvetage demeure sans sévérissimes contreparties, ce ne sont visiblement pas les mêmes – contreparties – que nous avons à l’esprit. Pour faire simple, on ne voit pas en quoi de pures pénalités financières ponctuelles (à la sauce Commission) auraient quelque pouvoir que ce soit de modifier durablement le comportement des banques. Comme toujours les grands libéraux, Jean Quatremer ne voit que des agents individuels et est incapable de voir les structures qui les déterminent. Or on ne change significativement aucun comportement d’agent tant qu’on n’a pas profondément modifié le système des contraintes et des autorisations dans lequel ils s’ébattent. En l’espèce ce système est celui de la libéralisation des marchés de capitaux. « Mes » contreparties, si je puis m’exprimer ainsi, ne consistent pas en stupides pénalités d’un jour, mais en transformation radicale du jeu même de la finance marchéisée tel qu’il réengendre continûment des crises, et en le retour à une configuration des structures de la finance dans laquelle les marchés eux-mêmes seront réduits autant qu’il le faut pour neutraliser les emportements concurrentiels-cupides et les invraisemblables prises de risque qui les accompagnent.

Le sort que je propose de réserver à la finance de marché en crise maximale est, j’en conviens paradoxal, puisque il tient en quelque sorte qu’il faut la tuer mais rétablie ! C’est une position pas trop compliquée, mais dont je vois bien pourtant ce qu’elle a de déconcertant de prime abord – et ce n’est plus tant à Jean Quatremer que je m’adresse ici qu’à certaines critiques relevées sur ce blog. Laisser la finance d’aujourd’hui mourir d’elle-même, comme elle y va tout droit sans plans publics, nous offre pour seule certitude de la suivre de très près dans la tombe. Je voudrais voir la tête des partisans, d’ailleurs très légitimement révoltés, de la « mort bancaire tout de suite », au moment où le plaisir d’avoir vu les banques en ruine sera suivi du constat que leur banque également est allée au tas, et que leurs petites économies sont entièrement parties en fumée – car c’est cela le niveau du risque systémique dans lequel nous vivons depuis la mi-septembre. J’ai qualifié, depuis longtemps déjà, cette situation qui force littéralement les pouvoirs publics à venir au secours des irresponsables de la finance, de prise d’otage [6] – est-ce assez clair ?

Là où il m’est infiniment plus facile de les rejoindre c’est sur ce qu’il conviendrait de faire après – après qu’on ait d’une manière ou d’une autre sauvé les banques pour éviter cela. Lorsque les dépôts et les épargnes du public sont à nouveau convenablement sécurisés, alors oui, là il peut être question de tuer, non pas les banques, mais la finance marchéisée, et pour ainsi dire à froid – je veux dire par « tuer » réduire aussi drastiquement que nécessaire l’emprise des marchés sur le secteur bancaire. Rien ne sortira du débat buté opposant frontalement « laisser crever les banques » ou « les sauver », car ce sont deux solutions également insatisfaisantes – l’une tout de suite, l’autre pour plus tard, puisque sauvées et rétablies à l’identique, propulsées à nouveau dans le même « jeu », elles referaient immanquablement les mêmes erreurs. La contrepartie pour laquelle je plaide depuis un peu plus d’un an (mais pas sur TF1 ou dans Libération), c’est celle-là : abolir ce « jeu », et accessoirement tout ce qui va avec, enrichissements obscènes, bonus faramineux, etc. On comprend que Jean Quatremer ne veuille surtout pas porter le débat sur terrain aussi gênant. Il lui faudrait consentir à mettre en cause l’un des principes les plus sacrés de la construction de son Europe, à savoir la libéralisation intégrale des marchés de capitaux. Et on voit d’ici son air interdit : « reréglementer les marchés ?! peut-être même en fermer certains ??!! Mais ça n’est pas du tout notre Europe ! ». Il est vrai.

Et maintenant, rions un peu : bien chauffé, Jean Quatremer va venir nous expliquer, comme le mamamouchi Delors et Philippe Riès, que les traités européens « ne sont pour rien dans la crise financière » [7]. Cette fois-ci, on le laissera faire tout seul.

______
Notes :
[1] La notation JQ-n désigne le point n du commentaire laissé par Jean Quatremer sur ce blog.

[2] Par défaut, toutes les citations en italiques viennent des remarques de Jean Quatremer.

[3] Certes la Commission avait alors confié à quelques banquiers centraux à la retraite le soin de rédiger un rapport certifiant qu’il n’y avait aucun risque systémique à la faillite du Crédit lyonnais – ben voyons, l’une des toutes premières banques du pays, peut-être même la première à l’époque – c’est-à-dire pour se donner la certitude qu’on pouvait user sans crainte de la menace de la faillite...

[4] Rappelons que, pour un total d’aides reçues estimé à 140 milliards de francs, la Commission avait exigé que le Crédit lyonnais s’ampute de 600 milliards d’actifs...

[5] Et seule une lecture malhonnête pourra faire de cette proposition un blanc-seing à tous les plans étasuniens, et ne pas faire la différence entre impératif d’un plan et nature du plan – mais comme cette lecture malhonnête est quasi-certaine avec Jean Quatremer, autant prendre les devants.

[6] « Quand la finance prend le monde en otage » ; « Comment protéger l’économie réelle » ; Crises financières, n’en tirer aucune leçon... » ; « Le jour où Wall Street est devenu socialiste »

[7] « Jacques Delors : comment l’Europe doit affronter la crise » (Mediapart.fr).

Hors ligne

 

#512 05-12-2008 14:22:55

Zolko
Membre
Message n°5490
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Étienne a écrit:

Frédéric Lordon a produit un papier très intéressant sur son blog :

Cette Europe-là est irréparable...

Le système monétaire Européen, sans doute ? C.à.d. où les banques ont le droit à une réserve fractionnée, et qu'ainsi ils créent de la monnaie scripturale qui est l'équivalent légal, autorisé et défendu par l'Etat, de la monnaie fiduciaire émise par ... l'Etat. Et qu'en plus, l'Etat s'interdit, tout seul, d'emprunter directement auprès de lui-même sans intérêts, mais seulement auprès des finances privées, payant ainsi des intérêts... privés. Pour rien, seulement comme-ça, sans contre-partie !?!? Et qu'en plus, ce système n'est enseigné NULLE-PART, ni en école ni à la télévision, on n'en parle JAMAIS. Dans les journaux, on parle des trous-noirs et des matchs de foot, mais d'où vient l'argent, jamais. Et pourtant, il y en a de plus en plus, comme l'en atteste la sempiternelle croissance. Il pleut du ciel.

Et c'est comme-ça dans TOUS les pays "de l'ouest".

Sauf sur Internet, 2 fois.

Les grands banquiers du monde occidental contrôlent ainsi tous les pays "occidentaux", quant-aux autres, soit ils souffrent, soit ils se battent, soit ils s'organisent, soit ils font peur. En tout cas, un certain équilibre semble être atteint. Et ceci en garantissant une richesse accrue aux populations européennes, quand-même au passage, mais qui ne peut pas croître indéfiniment non-plus pour des raisons de ressources limités. Donc là, le système - réserve fractionnée et équivalence entre monnaies fiduciaire et scripturale - a atteint une limite physique à sa croissance, mais le système est basé sur la croissance. Donc, fin du système.

Et après ?

Hors ligne

 

#513 05-12-2008 17:53:23

NingúnOtro
Membre
Message n°5491
Lieu: Motril - Espagne
Date d'inscription: 18-05-2008
Messages: 579
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Soit on s'organise, soit c'est chacun pour soi...

Si on ne s'organise pas, alors l'argent ne vaut plus rien. Tout celui qui n'est pas idiot exchange tout ce qu'il à de "virtuel", c'est à dire richesse non-materiélle, argent, actions, ... en richesse materielle à usage personnel, si possible non périssable (assez difficile pour la bouffe), stockable et défendable.

Du moment ou il n'y aura plus aucune personne assez idiote pour vendre ce que les intelligents cherchent en exchange d'argent (billets et monnaies, ainsi que scripturale)... toute les billets qui restent ne seront utiles qu'à allumer un feu pour se protéger du froid. Les monnaies, à jouer du pile ou face.

C'est bien pour cela que les banques qui reçoivent des aides ne les convertent pas en prêts qui "s'évaporeront" tout comme toute autre expression purement monétaire, mais utilisent tout ce qu'ils reçoivent, n'importe quelle liquidité... en actifs matériels tels que je les décris en haut.

Áprès que tout se soit éffondré... la seule exchange qui restera ce sera le troc entre actifs matériels et le troc entre actifs matériels et temps de travail.

On réinvente la civilisation... et cela sera dur tant que les chars de quelques-uns auront du pétrole pour avancer et les kalashnikovs de la munition.

Encore plus tard, on reviendra à l´epee et à l'arc.

Hors ligne

 

#514 06-12-2008 17:13:17

Étienne
Message n°5497
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Étonnamment, Paul Jorion continue recommence à nier la création monétaire par les banques privées :

Pourquoi il n’y a pas de « création monétaire » par les banques commerciales, par Helmut Creutz
http://www.pauljorion.com/blog/?p=1135

J’ai écrit hier que cela me prendrait cinq ans de mettre au point une théorie de la monnaie qui me satisfasse. Je n’avais envisagé qu’un seul cas : celui où nous serions seuls, vous et moi, travaillant ensemble. Or, j’ai reçu du renfort, par courrier. Ute Höft me fait parvenir un exemplaire de Le syndrome de la monnaie de Helmut Creutz, originellement paru en 1993 et traduit de l’allemand par Economica en 2008.

Je vais pouvoir gagner du temps parce que l’auteur analyse de nombreux aspects de la monnaie auxquels je n’ai pas encore l’occasion de réfléchir, et que sur ceux dont j’ai débattu ici, nous disons lui et moi strictement la même chose.

Donc si mes explications pourquoi les banques commerciales ne créent pas de monnaie ex nihilo vous ont convaincu, vous n’apprendrez peut–être pas grand-chose en lisant les pages du livre que je reproduis ci-dessous (169 à 171) mais si vous croyez toujours à la création monétaire par les banques commerciales, un autre auteur réussira peut-être là où j’ai échoué jusqu’ici.

(Vous reconnaîtrez au passage dans le texte de Creutz mon « principe de conservation des quantités », mon explication des masses monétaires en termes de double emploi, ma « reconnaissance de dette », ainsi que la distinction que je fais entre flux monétaires et opérations comptables).

La « surmultiplication de la création monétaire » (par Helmut Creutz)

La plupart des livres d’enseignement affirment que les possibilités de création monétaire des banques sont en principe illimitées. Elles ne sont restreintes que par des ratios d’encaisse ou de réserves bancaires qu’elles doivent maintenir auprès des banques centrales ou d’émission, soit de plein gré, soit parce qu’elles y sont obligées. Et cette relation entre le montant des réserves et l’accroissement monétaire est même calculée par les théoriciens de la surmultiplication de la création monétaire avec une grande exactitude mathématique. Si les réserves se montent en tout à 5 % du portefeuille des dépôts, les banques peuvent, à partir de chaque dépôt bancaire effectué créer un montant de crédit dix-neuf fois supérieur, neuf fois supérieur en cas de réserves de 10 % et quatre fois supérieur en cas de réserve de 20 %. Le résultat de la création monétaire est donc inversement proportionnel au montant des réserves retenues.

[Prenons l'exemple de 100 millions provenant d'une banque d'émission, soumis à des réserves fractionnaires de 10 %, et qui créeraient ainsi des « fonds de crédit » de 900 millions.]

En additionnant les crédits accordés en chaîne on arrive dès la troisième étape à un montant de 244 millions. En continuant ainsi la série infinie où les valeurs diminuent d’étape en étape, effectivement on arrive arithmétiquement à une somme de 900 millions, soit neuf fois plus que l’apport initial de 100 millions.

Mais si l’on reprend les opérations, pas à pas, en laissant la théorie de côté, on constate :

1) que lors de chaque réutilisation du premier dépôt supposé de 100 millions, suite au crédit qu’il a permis d’accorder, il se produit à chaque fois un nouveau dépôt d’un client quelconque de la banque, dépôt qui, bien entendu, peut être de nouveau prêté ;

2) que l’enchaînement des octrois de crédits et des constitutions de réserves par les banques tel qu’il est décrit ne peut se faire qu’aussi longtemps qu’aucun des déposants ne dispose de son avoir en effectuant un retrait ou un virement ;

3) qu’en réalité, au fil du processus, on n’assiste nullement à un accroissement de la masse monétaire mise en circulation, de quelque manière que ce soit, mais toujours à une réutilisation, tandis que, à chaque étape, la masse monétaire réellement existante est inéluctablement le résultat de l’addition des réserves constituées jusque-là et du crédit accordé en dernier, et équivaut au montant initial de 100 millions ;

4) que non seulement il ne se produit pas d’accroissement de la masse monétaire mais, qu’en fait, en ce qui concerne la masse monétaire active et axée sur la demande, elle diminue même constamment, étant donné que sur les 100 millions initiaux, des montants de plus en plus élevés sont gelés dans les réserves des banques jusqu’à être totalement absorbés ;

5) que l’utilisation répétée de la monnaie, que ce soit pour procéder à des achats, la prêter ou en faire cadeau, n’accroît jamais sa masse mais uniquement les opérations d’achats, de prêts ou de dons ainsi effectués, qui, bien entendu, additionnées, donnent des montants de plus en plus élevés.

Les faits énumérés ci-dessus sont encore plus clairs lorsqu’on se représente cet enchaînement, non pas au niveau de banques, mais au niveau d’opérations commerciales, et qu’il s’agit non plus de prêts à répétition mais de ventes à répétition. Là aussi, on peut supposer que chaque commerçant met dix pourcent de sa recette de côté et qu’il dépense le reste directement ou indirectement dans un autre magasin pour faire des achats. Là encore, l’addition des opérations d’achat donnerait le même résultat que celles des opérations de crédit dans le cas de la « surmultiplication de la création monétaire ». Et pourtant personne n’irait prétendre que la masse monétaire a été multipliée par neuf ou que les commerçants ont créé 900 millions [ex nihilo].

Où est donc l’erreur de raisonnement de certains théoriciens ?

L’erreur de la théorie classique de la création monétaire réside dans le fait qu’on additionne des avoirs ou des crédits se reconstituant au fil du temps, ou des postes de crédit, aux montants reçus au départ et qu’on déduit de cette addition qu’il y a une création monétaire ou une création de crédit. En d’autres termes : cette théorie assimile l’utilisation multiple de l’argent à un accroissement, elle confond moyen de transport et opération de transport. Mais, pas plus que l’utilisation répétée de wagons ou de camions pour des transports n’entraîne un accroissement du nombre de wagons ou de camions, l’utilisation répétée d’argent pour des achats ou des prêts n’entraîne un accroissement de son montant.

L’erreur de raisonnement et d’interprétation des théoriciens de la création monétaire est sans aucun doute due en grande partie au fait que l’on continue à considérer les avoirs et les portefeuilles de crédit comme du numéraire. Or, en fait, il ne s’agit que de postes de comptabilisation qui documentent le montant des prêts d’argent et les obligations de remboursement qui en résultent, sans que ceux-ci fassent augmenter la masse monétaire en circulation. C’est pourquoi tous les regroupements de numéraires et de dépôts sous la rubrique « masse monétaire » sont si discutables. Ceci vaut surtout pour l’addition des M1 et M3.

Helmut Creuz, Le syndrome de la monnaie, Economica, Paris (2008) : 169-171.

Ce matin, j'ai donc composé un nouveau message, que je soumets au feu de votre critique, mes chers amis.

Est-ce que je me trompe, à votre avis ?

Étienne Chouard dit :
6 décembre 2008 à 14:37

Bonjour,

Merci pour cette référence très intéressante ; j’ai bien sûr commandé ce livre.

En voici un commentaire intéressant.

(Au passage, je viens de finir de scanner le livre de Gesell, un très vieux livre qui est littéralement passionnant.)

Aussi séduisant et intéressant qu’il soit par ailleurs, il me semble qu’Helmut Creutz (amateur passionné, comme nous, si j’ai bien compris) commet (lui aussi) une erreur :

________________

Nous devrions d’abord correctement DÉFINIR le mot MONNAIE, en terme simples.

Une bonne formulation, je trouve, est de
se représenter la monnaie comme
UN SIGNE DOTÉ D’UN POUVOIR D’ACHAT.

Que pensez-vous de cette définition, pour commencer ?

Un signe
MATÉRIALISÉ (pièce ou billet)
ou
DÉMATÉRIALISÉ (solde d’un compte bancaire).

Aujourd’hui, il semble que TOUS ces signes soient des RECONNAISSANCES DE DETTES :
- soit des dettes de l’État (billets et pièces),
- soit des dettes des banques (provision des DAV, dépôts à vue).

Des reconnaissances de dettes suffisamment FIABLES, émises par des débiteurs suffisamment indestructibles, pour inspirer CONFIANCE à tout le monde et servir de monnaie d’échange.

L’échange a lieu en faisant CIRCULER LE TITRE de la dette (titre éventuellement dématérialisé, peu importe), un peu comme on fait circuler une traite ou un chèque par endossement (sauf qu’il n’y a pas toujours besoin d’endos : pour la monnaie fiduciaire —billets et pièces—, on n’a pas besoin de signer au dos du titre pour céder la créance).

Les mécanismes de la circulation monétaire s’apparentent donc à la CESSION DE CRÉANCE.
_________________________

Si vous me le permettez, je vais décrire deux fois le même mécanisme, de façon comparable pour faire sentir le PARALLÈLE qui existe entre l’État créateur de monnaie-pouvoir-d’achatet les banques créatrices de monnaie-pouvoir-d’achat (dites-moi si je me trompe, s’il vous plaît) :

• LA MONNAIE FIDUCIAIRE (les billets et les pièces) sont la reconnaissance d’une DETTE DE L’ÉTAT au bénéfice du PORTEUR, reconnaissance de dette si fiable, si peu suspecte d’être jamais trahie, que tout le monde doit l’accepter.

Le porteur de billets ou de pièces (le porteur de cette créance contre l’État) dispose donc d’un POUVOIR D’ACHAT, un moyen d’accéder tout de suite à des richesses réelles.

Si l’État crée de nouvelles pièces, de nouveaux billets, il crée du pouvoir d’achat en proportion.

IL PEUT le faire parce que tout le monde lui fait CONFIANCE.

C’est d’ailleurs ce qui peut causer un problème s’il en crée TROP : si l’État crée des milliards et des milliards de pouvoir d’achat sans que la production puisse suivre immédiatement (en fournissant suffisamment de produits pour cette demande nouvelle), il crée un effet de RARETÉ qui, mécaniquement, fera monter les prix (et donc baisser la valeur de sa monnaie, au point de devenir, à la limite, de la « monnaie de singe »).

MAIS comme le souligne avec force Jean Bayard, si les producteurs sont capables de suivre les injections de pouvoir d’achat correspondant à de la création monétaire (s’ils sont capables d’augmenter rapidement leur production), il n’y aura pas du tout d’inflation (parce qu’il n’y aura pas de rareté). Ce point important est mal traité par la théorie économique classique, je trouve.

_____________________________

• LA MONNAIE SCRIPTURALE (les soldes créditeurs sur les comptes bancaires, la provision de ces comptes) sont la reconnaissance d’une DETTE D’UNE BANQUE au bénéfice du PORTEUR, reconnaissance de dette si fiable, si peu suspecte d’être jamais trahie, que tout le monde l’accepte généralement.

Le porteur de cette créance contre la banque (le titulaire du compte en banque) dispose donc d’un POUVOIR D’ACHAT, un moyen d’accéder tout de suite à des richesses réelles.

Si la banque (en échange des contreparties qui lui conviennent, PEU IMPORTE LESQUELLES, ceci est un point décisif) crée (accepte de reconnaître) de nouvelles dettes, de nouvelles provisions dans ses comptes, elle crée du pouvoir d’achat en proportion.

ELLE PEUT le faire parce que tout le monde lui fait CONFIANCE.

C’est d’ailleurs ce qui peut causer un problème si elle en crée TROP : si les banques créent des milliards et des milliards de pouvoir d’achat sans que la production puisse suivre immédiatement (en fournissant suffisamment de produits pour cette demande nouvelle), elles créent un effet de RARETÉ qui, mécaniquement, fera monter les prix (et donc baisser la valeur de sa monnaie, au point de devenir, à la limite, de la « monnaie de singe »).

MAIS comme le souligne avec force Jean Bayard, si les producteurs sont capables de suivre les injections de pouvoir d’achat correspondant à de la création monétaire (s’ils sont capables d’augmenter rapidement leur production), il n’y aura pas du tout d’inflation (parce qu’il n’y aura pas de rareté). Ce point important est mal traité par la théorie économique classique, je trouve.

==============================

Si Jean (avec les créditistes) a raison, il suffit aux hommes de produire la monnaie (fiduciaire et/ou scripturale) en proportion de ce que les producteurs sont capables de produire pour ne JAMAIS causer d’inflation, et créer l’ABONDANCE qui n’est une utopie que parce que nous nous imposons nous-mêmes une rareté non nécessaire.

Au contraire, le système de L’ARGENT DETTE ACTUEL crée et entretient UNE RARETÉ (non nécessaire) puisqu’il interdit à l’État de créer librement de la monnaie permanente, et puisque TOUTE MONNAIE NOUVELLE DOIT ÊTRE BIENTÔT DÉTRUITE (rareté de la monnaie qui, à l’évidence, ne profite qu’à quelques privilégiés qui en perçoivent le prix — le prix de l’argent, c’est l’intérêt— et qui, eux, et eux seuls, vivent dans l’abondance).

==============================

Donc, pour revenir au raisonnement de Helmut Creutz, je trouve qu’il ne prend pas en compte (il fait comme si n’existait pas) la création de POUVOIR D’ACHAT, indiscutablement observée quand la banque prête plus qu’elle ne possède.

Je trouve que la comparaison avec les moyens de transport ne tient pas : certes, la réutilisation d’un wagon plusieurs fois ne multiplie pas le nombre de wagons, évidemment ; certes, la réutilisation plusieurs fois de la même monnaie ne multiplie pas la monnaie : personne n’a jamais dit cela, que je sache : on parle là de la vitesse de CIRCULATION de la monnaie qui est un AUTRE SUJET.

Mais, prendre la CRÉATION d’une nouvelle dette comme une TRANSMISSION de dette existante, sous prétexte que l’une prend l’autre comme indice de confiance légal, c’est là, je crois, une erreur.

Si j’ai bien compris, quand une banque prête de l’argent (quand elle reconnaît une nouvelle dette contre elle), il n’est pas question de réutiliser de la monnaie existante : LA BANQUE N’A PAS LE DROIT DE PRÊTER L’ARGENT QUI M’APPARTIENT, elle n’a pas le droit de céder la créance que j’ai contre elle, je suis le seul, en droit, à pouvoir faire ça.

Elle peut CRÉER (prêter) une somme CORRESPONDANTE, mais PAS prêter CETTE SOMME-LÀ.

Par contre, —probablement parce que les dépôts qu’elle détient dans ses livres sont une sorte de signe de la confiance que de nombreux acteurs lui portent—, le fait que j’ai 100 de provision en DAV chez elle (100 de créance contre elle) lui permet (légalement, mais est-ce bien légitime ?) de CRÉER DE LA MONNAIE SUPPLÉMENTAIRE EN PROPORTION, POUR LA PRÊTER À D’AUTRES, ce qui, indubitablement, crée du pouvoir d’achat, puisque je n’ai rien perdu de mon propre pouvoir d’achat, moi dont la provision sert de « réserve prudentielle ».

____________________

Enfin, si on a vu que les deux dettes se ressemblent (celle de l’État et celle des banques), il est important de souligner une différence de taille : on l’oublie (ou on fait semblant de l’oublier), si les dettes des banques doivent toutes être remboursées (les banques ne peuvent créer que de la monnaie temporaire), L’ÉTAT, LUI, PEUT FORT BIEN CRÉER DE LA DETTE QU’IL NE REMBOURSERA JAMAIS, de la monnaie PERMANENTE.

Il lui suffit de le décider. C’est une question POLITIQUE.

Ainsi, les 26 milliards que va engager la France pour relancer notre économie le seront à coup de dette publique, par de la monnaie temporaire et coûteuse, une monnaie qui se paiera cher, plus tard, avec nos privations, nos souffrances, nos impôts futurs, alors qu’on aurait aussi bien pu créer de la monnaie permanente et gratuite, sans endetter finalement qui que ce soit.

(Il aurait mieux valu penser également, d’ailleurs, à fermer un peu les frontières pour éviter que tout cet argent ne file vers les caisses délocalisées de concurrents déloyaux qui ne respectent ni les hommes ni la nature.)

_____________________

Mais décidément, chaque jour un peu plus, on se demande si les gouvernants du monde servent l’intérêt général ou des intérêts particuliers.

S’ils s’avérait que nos représentants se soient mis hors de notre contrôle pour ne plus servir que quelques acteurs influents, ce serait bien de NOTRE FAUTE de A à Z, nous qui nous préoccupons si peu de contrôler et punir les pouvoirs (toujours dangereux, par nature), tant il est vrai qu’il n’y a pas de mauvais pouvoir, il n’y a pas d’un côté des « gouvernants vicieux » et de l’autre des « gouvernés vertueux », il n’y a pas de complot des méchants puissants qui écraseraient leurs gentils sujets :

De la même façon qu’il serait stupide de reprocher à une pierre de tomber ou à l’eau de couler vers le bas, il est stupide de reprocher aux pouvoirs d’abuser puisque c’est leur nature même :

LE POUVOIR VA JUSQU’À CE QU’IL TROUVE UNE LIMITE
.

Je déduis de cette immense pensée de Montesquieu que
IL N’Y A PAS DE MAUVAIS POUVOIR,
IL N’Y A QUE DES POUVOIRS MAL LIMITÉS

(par nous).

Et À QUI la charge de limiter les pouvoirs ? QUI VA ÉCRIRE la Constitution, seule règle suffisamment haute pour s’imposer aux pouvoirs, seule règle que pourraient craindre les pouvoirs, seule règle supérieure capable de nous protéger contre les abus de pouvoir ?

Qui ?

C’est LA question, à mon sens.

Et bien c’est précisément la question dont tout le monde se moque éperdument : personne n’attache la moindre importance à la qualité du processus constituant, personne ne s’intéresse —ni encore moins surveille— l’honnêteté, le désintéressement, de ceux qui vont écrire ou réviser la constitution.

Tous, absolument tous — même vous, n’est-ce pas ? —, s’en remettent aux élus, aux ministres, aux juges, pour écrire les règles, les limites, les contrôles, les sanctions, de leurs propres pouvoirs…

Ça m’inspire une seule pensée forte :

Bien fait pour vous, bien fait pour nous.

Amicalement quand même, mais passablement désespéré par la responsabilité des hommes dans leur propre malheur, obstinément.

Étienne.

Hors ligne

 

#515 08-12-2008 10:32:40

Étienne
Message n°5511
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Jean Bayard vient de rédiger une importante contribution (sur le blog de Paul Jorion) que vous ne devriez pas rater :

Jean Bayard dit :
4 décembre 2008 à 09:43

@vous tous et plus particulièrement @ Etienne, @ Candide et @ Armand (leurs billets du 27 novembre, journée riche en réflexions de toutes sortes) sans oublier Paul qui me déroute car je ne sais plus ce qu’il pense.

Bonjour,

Un changement de FAI m’a privé pendant quelques jours de connexion et empêché de répondre à vos demandes, instantes de la part de certains. Je suis très sensible à l’honneur que vous me faites en vous référant bien souvent à mes travaux et merci tout particulièrement à mon ami Etienne Chouard qui semble avoir adopté quelques unes de mes thèses. Mon nouveau fournisseur m’ayant fait faux bond le 03 12, je suis obligé de faire passer ce billet à partir d’un cybercafé.

Voici, peut-être pêle-mêle quelques réflexions qui me sont venues à la lecture de vos billets sur la monnaie.

1 – Limite de création monétaire (et autres engagements) imposée par le ratio de solvabilité

Sachez tout d’abord qu’il existe une limite légale à la création monétaire par les banques. Cette limite est fixée par le ratio de solvabilité, dit ratio Cooke (USA) et Bâle II (en Europe, sauf erreur de ma part) : Le rapport entre le montant de leurs fonds propres et celui de l’ensemble des risques qu’ils encourent du fait de leurs opérations doit être au moins égal à 8%. Cela veut dire qu’elles peuvent prendre des engagements allant jusqu’à 12,5 fois leurs fonds propres, ce qui est déjà énorme. Et de surcroît, ce texte vise aussi bien les autres IFM, banques d’affaires notamment, non créateurs de monnaie parce les autorités ne font pas la différence (voir ci-dessous).

C’est ce ratio qui a “pété à la gueule” (pardonnez-moi l’expression) des banquiers centraux dans l’affaire des subprimes.

2 – Principe de la création monétaire ex-nihilo

En ce qui me concerne, le principe de la création monétaire ex-nihilo (à partir de rien, c’est-à-dire sans monnaie pré-existante) est irréfutable. Je pense que les crédits font les dépôts dans les banques, tandis que les dépôts font les crédits dans les établissements financiers. C’est fondamental et pourtant les autorités monétaires refusent de faire cette distinction, bien au contraire puisqu’elles cherchent à entretenir la confusion qui règne dans les esprits, avec le succès que l’on peut voir partout. Voici comment est rédigée la loi :

La loi française du 24 janvier 1984 précise que les établissements de crédit sont des personnes qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque. Celles-ci comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement. Sont considérés comme fonds reçus du public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte, mais à charge pour elle de les restituer. Constitue une opération de crédit pour l’application de la présente loi tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne…

Les directives européennes en matière de réglementation bancaire se sont largement inspirées de cette loi.

Il s’agit là d’une imposture, car les autorités éludent totalement le principe central de la création monétaire par les banques et ne font aucune distinction entre les banques qui créent la monnaie et les établissements financiers qui ne peuvent que la faire circuler. La création monétaire est un sujet tabou !




À présent, je voudrais compléter le billet d’Etienne daté du 27 novembre et répondre en même temps aux questions posées par Candide et Armand. Pour cela, je dois vous expliquer d’abord comment s’opère à mon sens la création monétaire, aussi simplement que je le pourrai.

Tout d’abord, les banques de dépôts sont les seules à disposer du pouvoir de création monétaire, car elles sont domiciliataires des règlements ordonnés par leurs clients et les seules à avoir accès à la compensation. C’est un point névralgique du système. C’est la différence qui existe entre le sujet et l’objet, si je puis m’exprimer ainsi. La banque tire sur elle-même, tandis que le client tire sur sa banque.

Les banques créent et détruisent la monnaie dans toutes leurs relations avec les agents non bancaires :

- par les concours qu’elles apportent à l’économie, c’est-à-dire aux agents non bancaire, y compris les établissements financiers,

- par leur activité propre (soit notamment : acquisition de biens immobiliers et mobiliers, produits dérivés, spéculations tous azimuts, dépenses et recettes d’exploitation, ..)

Pour ce faire, elles utilisent jusqu’à en abuser les comptes de DAV de leurs débiteurs et de leurs créditeurs, qui servent de comptes “pivot” à toutes leurs opérations, soit directement si ces agents ont un compte ouvert chez elles soit indirectement par la compensation.

Il faut savoir que les trésoriers de banque ont reçu pour instruction dans les années 80 de ne plus émettre de chèques tirés sur la Banque de France en règlement de leurs dettes, mais de tirer sur elles-mêmes. Je suppose que c’est à ce moment-là qu’elles ont compris qu’elles pouvaient utiliser les systèmes de télé-compensation pour s’affranchir de la dépendance au pouvoir monétaire, ce qu’elles font à présent sans contrôle ni retenue puisque personne dans les hautes sphères des banques centrales n’en sait rien ou ne veut rien savoir. Elles se trouvent néanmoins dans l’obligation de passer par la Banque centrale pour de nombreuses opérations de transferts de fonds importants (TBF).

Ainsi par exemple, pour payer les salaires de leur personnel les banques créditent purement et simplement les comptes DAV de leurs salariés, et inversement, elles débitent leurs clients des intérêts, agios et autres frais qui leur reviennent. Ce faisant, dans un cas elles créent de la monnaie et dans l’autre la détruisent. Ces opérations sont faites directement puisqu’elles tiennent leurs comptes. Le mécanisme de la compensation (voie indirecte) est plus complexe, mais aboutit au même résultat. On en déduit que :

les banques de dépôts monétisent leurs pertes et démonétisent leurs profits

Mais, comme les banques à l’instar des entreprises ont vocation à faire des bénéfices, on peut dire qu’elles détruisent la monnaie quand elles font des profits et la créent quand elles font des pertes.

Ce qui m’amène naturellement à la question restée pendante d’Étienne : que devient la monnaie lorsque la créance (qui a servi à son émission) devient irrécouvrable ?

La perte sert à présent de contrepartie, puisque la créance disparaît. La monnaie est détruite par les bénéfices sur lesquels cette perte s’impute. Si toutefois la perte est trop importante (cas des banques affectés par la crise immobilière américaine), le ratio de solvabilité met les banques dans l’obligation de relever leur capital. L’augmentation de capital entraîne ipso facto destruction monétaire puisque les comptes des agents non bancaires (actionnaires anciens ou nouveaux) seront débités, directement ou indirectement comme il est dit au-dessus.

3 –Monnaie centrale et théorie du multiplicateur

De tous les travaux d’analyses que j’ai menés sur les circuits comptables empruntés par la monnaie, je crois pouvoir avancer que dans les transactions spécifiquement interbancaires, il ne s’échange pas de monnaie centrale, excepté quand l’Institut d’émission est partie prenante (compte DAV du Trésor public domicilié chez lui, principalement). Après compensation et règlement des positions correspondantes des banques entre elles, la super banque ne sert que de simple chambre d’enregistrement comptable.

Les banques ayant accès à la compensation (banques domiciliataires uniquement), liquident leurs positions entre elles dans une monnaie de contrepartie (que j’ai supposé longtemps être secondaire) qu’elles créent pour la circonstance. La fonction de cette monnaie de contrepartie, ou contre-monnaie, est de maintenir quoi qu’il arrive, le lien entre les valeurs d’actif à l’origine de l’émission monétaire et la monnaie passant sans cesse d’une banque à une autre. Les banques en position débitrice empruntent dans cette monnaie aux banques en position créditrice, la somme de toutes les positions étant par définition égale à zéro. Cette contre-monnaie est captive ; elle est imposée par le système et ne peut absolument pas servir de monnaie d’échange.

Si l’on excepte les transactions faites entre les banques et le Trésor, on s’aperçoit que la monnaie centrale n’a pas cours entre les banques, comme on le pense, c’est pourquoi je ne crois pas à la théorie du multiplicateur qui n’est pour moi qu’une vue de l’esprit. La banque émet d’abord la monnaie et approvisionne ensuite son compte conformément aux obligations de réserves. Et également ensuite s’approvisionne en monnaie fiduciaire que toute nouvelle création implique. Et puis, que penser de l’application pratique de cette théorie, quand on sait que la monnaie centrale est abondante (France), sinon surabondante (USA) ? L’émission monétaire ne devrait avoir ainsi aucune limite.

On retrouve à l’origine de cette méprise, l’imposture du pouvoir monétaire qui ne veut pas entendre parler de création monétaire en dehors d’elle (voir en tête du § 2, plus haut, la loi de 1984), et qui prétend également qu’il ne s’échange que de la monnaie centrale entre banques.


Dans la panoplie des moyens de tromper l’opinion, et ils sont nombreux, on retrouve l’erreur soigneusement entretenue, laissant supposer que les banques emploient l’épargne de leurs clients afin de consentir des prêts. Ceci dans l’intention partout présente d’éviter l’inflation, enfin son spectre !

Cela n’est pas possible, car l’épargne bancaire est placée dans des parkings monétaires sans utilité pour l’économie. La banque ne peut pas disposer de l’épargne de ses clients, car elle n’a pas de contrepartie monétaire puisqu’elle a déjà celle des créances et autres éléments d’actif à l’origine de sa création. Je me suis livré à une étude poussée des obligations dans lesquelles se trouvent les banques quand elles doivent transférer l’épargne réglementée (Codevi, maintenant LDD, par exemple) de leurs clients. J’apporte la preuve comptable que les banques créent de nouveaux signes monétaires pour remplir leurs obligations !

Au sommet des institutions monétaires, on n’a pas affaire à des imbéciles. Ils ne peuvent pas ignorer cette particularité.

Nous sommes bernés par le pouvoir monétaire de la façon la plus révoltante. Profitant d’un système très complexe et difficile d’accès, il utilise sa toute-puissance de manière indécente et éhontée. Nous sommes bernés quand :

a) il refuse d’introduire dans la loi le principe central de la création monétaire par les banques,

b) il fait et laisse croire que la monnaie échangée entre banques est de la monnaie centrale, seule monnaie ayant cours dans le pays, selon lui,

c) il entretient le mythe du multiplicateur, pour faire croire que les banques sont limitées dans leur capacité à émettre des signes monétaires, tout en agitant le spectre de l’inflation,

d) il prétend que les banques utilisent la monnaie qu’elles reçoivent en dépôts (à charge pour elles de la restituer à leurs clients sur leur demande), alors qu’elle ne peut circuler que sur l’ordre des déposants,

e) que l’épargne sert à financer l’investissement, ce qui est parfaitement impossible pour l’épargne bancaire puisqu’elle est immobilisée dans les parkings monétaires, sans utilité pour l’économie,

f) qu’il fait croire que les banques peuvent transférer l’épargne réglementée de leurs clients, comme si elles en disposaient naturellement, les obligeant ainsi à créer en définitive de nouveaux signes monétaires,

g) il parle des effets de second tour, peu connus du public (effets de second tour veut dire qu’il ne faut surtout pas laisser les salaires augmenter dès que l’inflation montre le bout de son nez), ce qui est la preuve du cynisme du pouvoir monétaire,

h) il fonde toute sa politique monétaire sur la théorie quantitative de la monnaie, théorie dont je conteste la validité en période d’abondance comme c’est le cas dans nos pays industrialisés,

i) et enfin, beaucoup plus grave, il inocule et entretient dans le corps économique tout entier un mal que l’on peut appeler le syndrome de l’inflation, qui n’est qu’un spectre agité avec le succès que l’on sait, avec pour effet la dépendance de tous les peuples envers les puissances monétaires, aggravée par les accords de Maastricht en Europe,

j) il se sert de la monnaie comme le moyen de notre oppression.

Comment appelez-vous ça ? J’y vois personnellement une atteinte à nos libertés.

Le pouvoir monétaire est entre les mains d’une poignée d’individus sans scrupule entourés d’une garde rapprochée, qui font la loi pour l’asservissement des peuples. Trouvez-vous cela acceptable ? on se croirait toujours au moyen âge, à l’époque des serfs !

Vous avez sans doute remarqué, comme moi, qu’il n’est plus question d’inflation depuis quelques mois. C’est qu’il y a le feu à la maison ! Comment parler d’inflation, alors que sortent des milliards comme des lapins d’un chapeau sans fond ! On a remisé la théorie quantitative de la monnaie pour la circonstance. Et à quoi servent ces milliards aux USA ? non pas à corriger les dégâts causés aux malheureux propriétaires spoliés, mais à renflouer ceux qui sont les responsables du désastre ! Il faut quand même le faire, au mépris de la justice la plus élémentaire ! (*)

L’édifice a été fortement ébranlé et je crois que le moment est propice (et il ne se renouvellera sûrement pas de sitôt) à une action populaire d’envergure pour qu’enfin le pouvoir monétaire soit rendu au peuple.

Je viens de rédiger un papier intitulé “Comment sortir de la crise” que je ne puis insérer sur mon site avant le 15 prochain, sauf contretemps. Toutefois, si Paul m’y autorise je pourrais le publier sur son blog (8 pages). Je reviens à mon cybercafé demain.

Étienne, tu devrais être content, ainsi que bien d’autres. Je propose la suppression des taux d’intérêt et son remplacement par l’indexation des prêts et emprunts sur un indice approprié : celui de l’érosion monétaire. Et, je crois vraiment que ça peut marcher.

Pardonnez-moi d’avoir été un peu long, mais j’avais beaucoup à dire et à rattraper mon retard.

Bien amicalement à tous, à toutes et à bientôt

Jean

(*) Le gouvernement américain aurait été mieux inspiré d’obliger les banques à renégocier les contrats de prêts subprime, plutôt que de les renflouer à coups de centaines de milliards de dollars. Il ne fait plus de doute que l’on préfère soigner le capital plutôt que la misère humaine !

Mais, il n’est pas trop tard pour bien faire.

En redonnant à ceux qui ont tout perdu, les moyens financiers de récupérer leur bien ou d’acquérir un nouveau logement, en obligeant les banques à leur consentir de nouveaux prêts à bas taux fixe, cette fois, tout en mettant à la charge de L’Etat une fraction des intérêts si nécessaire, le nouveau président des Etats-Unis ferait œuvre d’utilité publique et gagnerait certainement en popularité.

Cette mesure aurait pour effet :

- de permettre aux banques de recéder les biens hypothéqués qu’elles détiennent et de redresser leurs comptes,
- de relancer le marché immobilier,
- de réduire le soutien financier aux banques responsables de la crise,
- et, enfin, d’apporter un peu de justice et d’équité dans cette sinistre affaire.

Les contribuables américains ne verraient sûrement pas d’objection, au contraire, à voir leurs impôts profiter aux malheureuses victimes spoliées, plutôt qu’aux banques responsables de la catastrophe.

Il ne faut pas perdre de vue le fait que, si l’on n’y prend garde, les centaines de milliards de dollars destinés à redresser les comptes des banques, peuvent aussi leur servir à se “refaire” lorsque l’on constatera que les provisions pour créances douteuses ont été excessivement majorées !

@ Étienne :

Suite à ton billet du 30 novembre relatif au message que tu as transmis de ma part disant en conclusion: puisque ce qui distingue les “établissements financiers” des “banques”, c’est précisément le droit exclusif de créer la monnaie scripturale, création monétaire accordée par l’État aux seules “banques”, je ne crois pas que l’Etat ait accordé ce droit aux banques, mais plutôt qu’elles se le sont approprié.

Hors ligne

 

#516 08-12-2008 10:40:20

Étienne
Message n°5512
Lieu: Trets (France, 13)
Date d'inscription: 28-01-2006
Messages: 1660
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Nouvelle contribution passionnante sur la création monétaire, littéralement passionnante, celle de Nuknuk66, sur le billet étonnant "Pourquoi il n’y a pas de « création monétaire » par les banques commerciales, par Helmut Creutz"

nuknuk66 dit :
7 décembre 2008 à 23:40

Tiens : je tombe par hasard sur un excellent article de François Grua paru dans le Recueil Dalloz 1998 qui devrait pouvoir alimenter votre (passionnante) réflexion :

Le dépôt de monnaie en banque

1 - La pratique du dépôt de monnaie en banque est la plus simple qui soit. Pourtant son analyse juridique a toujours laissé une impression d’embarras.

D’où la tentation d’imaginer qu’elle aurait pu se fourvoyer dans ses prémices et qu’en éliminant les fausses pistes le droit lui aussi saurait être simple.

D’où les quelques antithèses qui suivent.

1. La garde de la chose n’est pas essentielle

2 - Si on a pris l’habitude de déposer son argent en banque, ce n’est pas tellement pour le conserver à l’abri des voleurs ou du feu. C’est à cause d’une limite naturelle des espèces monétaires : elles se prêtent mal aux paiements importants et à distance. Les hommes n’ont jamais trouvé mieux qu’elles pour résoudre leurs échanges, mais leur remise implique des déplacements ennuyeux et risqués. Il est bien commode de se décharger du transit sur un banquier, qui met l’argent là où on veut qu’il aille.

Le principal dessein du déposant est donc d’utiliser plus aisément son argent, au moyen d’ordres qu’il adressera à sa banque (chèques, virements, etc.). Telle est au départ l’originalité majeure de ce contrat : une manière de se dessaisir d’une chose pour la rendre mieux apte à son emploi.

3 - Cette considération porte à laisser de côté la discussion classique, qui s’enlise vite, de savoir si le contrat tient du dépôt proprement dit (quoique irrégulier) ou plutôt du prêt. Ni l’un ni l’autre n’ont été conçus pour permettre au remettant de mieux utiliser lui-même la chose.

La garde peut être mise hors sujet, d’autant qu’elle n’a franchement guère de sens, appliquée à une chose qui n’a pas vocation à dormir. Le sujet véritable réside dans ce tour de prestidigitation juridique grâce auquel on parvient à conserver pour soi ce qu’on donne.

2. Le dépôt de monnaie ne transfère aucun droit de propriété

4 - Une idée communément admise, même par la Cour de cassation, est que le dépôt transfère au banquier la propriété des espèces sur lesquelles il porte. La jurisprudence évite de qualifier le contrat, mais ses effets principaux seraient ceux du dépôt irrégulier : les espèces étant choses de genre, le déposant en perd la propriété dès leur remise et ne dispose plus que d’un droit de créance(1).

Mais cette idée de transfert de propriété est une fiction, car en réalité les espèces ne semblent pas des choses dont on soit propriétaire. Elles ne sont pas des biens.

5 - La monnaie est la seule chose qui soit faite uniquement pour être due. Sa seule fonction est d’être objet d’obligation. Cela donne un rapport singulier entre l’obligation monétaire et son objet. A la différence des autres sortes d’obligations, qui vont chercher leur objet parmi les choses qui ont par elles-mêmes une utilité, des choses qui existent autrement que par le fait qu’elles sont dues, qui sont des biens, les obligations monétaires se fabriquent un objet rien que pour elles. La monnaie accède ainsi à l’état d’objet de l’obligation sans avoir eu besoin de passer préalablement par l’état de bien.

Devient-elle alors un bien parce qu’elle est objet d’obligation ? Tel est probablement le cheminement de ceux qui croient en sa propriété. Mais il ne suit pas l’ordre logique des facteurs. C’est la qualité de bien qui permet normalement à une chose de devenir objet d’obligation, pas l’inverse. Une chose est ou n’est pas un bien ; elle ne le devient pas par la fonction juridique qu’on lui fait remplir.

6 - Si malgré tout l’idée de propriété des espèces conserve quelque vraisemblance, c’est à cause d’une certaine propension de l’esprit à leur prêter une valeur. Quoique dans la réalité elles ne vaillent rien, pas même leur coût de fabrication, on s’imagine volontiers qu’elles portent cependant une valeur, vu qu’elles permettent d’acquérir des choses qui elles-mêmes en ont une. Un billet de banque serait, somme toute, comme un petit tableau de maître, ou sa reproduction, qu’on aurait artificiellement doté d’une valeur de convenance afin qu’il puisse s’échanger avec n’importe quoi. Les espèces seraient donc au moins des biens artificiels.

Mais cette fiction n’apporte à la monnaie rien dont elle ait besoin. Ce n’est pas elle qui explique les vertus de la monnaie et la convoitise qu’elle suscite. Un marteau est recherché pour la force de frappe qu’il contient ; un litre de lait, pour ses lipides. Au contraire les espèces sont des choses faites uniquement pour être remises, donc détenues. Elles sont recherchées pour leur seule détention, qui est une fin en soi, parce qu’elle est la condition nécessaire et suffisante de leur utilisation. Peu importe donc ce qu’elles contiennent. Ce n’est pas dans la chose, mais dans le fait de sa détention que réside la capacité d’achat.

Ce n’est pas non plus en prêtant de la valeur aux espèces qu’on expliquera le phénomène du paiement, c’est-à-dire de l’extinction de la dette par leur remise. Un paiement avec de la monnaie n’est pas un échange entre deux choses regardées comme portant en elles, chacune de son côté, une égale quantité de valeur. Ce n’est pas l’équivalence avec ce qu’on acquiert qui fait le paiement. La monnaie n’est équivalente à rien, car il faut qu’elle soit rien pour être tout, contrairement aux autres choses, qui parviennent à être quelque chose en étant juste ce qu’elles sont. La monnaie n’éteint pas la dette par voie d’égalité, mais par voie d’autorité.

7 - A s’en tenir à la réalité, les espèces parviennent à remplir leur fonction en étant rien, rien que des signes, sans avoir à singer les biens. Monnaie et obligation monétaire n’existent que l’une par l’autre et échappent au néant en s’accrochant l’une à l’autre, en marge du droit des biens(2). Mieux vaut donc alléger l’analyse du dépôt de monnaie de cette idée de propriété qui l’encombre(3). Ce contrat est une remise volontaire d’espèces, un transfert de détention, ni plus ni moins.

3. L’argent n’est pas déposé pour être restitué

8 - Il y a deux manières d’utiliser la monnaie. Remise en paiement, elle éteint une dette. Remise sans dette, elle fait naître une créance.

Certains contrats sur l’argent ont précisément pour fonction d’exploiter cette seconde virtualité de leur objet. Ainsi le prêt à intérêt. Si le prêteur abandonne ses espèces, ce n’est pas pour rendre service à l’emprunteur, mais parce qu’il préfère une créance à des espèces. Il remet l’objet d’une créance qui n’existe pas pour devenir titulaire d’une créance ayant cet objet. Il troque, pour ainsi dire, ses espèces contre une créance. C’est que les espèces ne produisent pas directement de fruits. Seules les créances ont cette vertu, seules elles produisent intérêts.

Le principe du dépôt en banque est le même. Lui aussi n’est qu’un paiement à l’envers. Lui aussi a pour but de fabriquer une créance avec de la monnaie.

En soi ce but n’a rien d’original : tous les contrats sont conclus pour faire naître des créances. Mais d’ordinaire, ce qui intéresse un créancier n’est pas vraiment la créance, c’est son paiement. De lui viendra sa véritable satisfaction. Au contraire, dans le dépôt de monnaie en banque, le déposant n’attend pas sa satisfaction de l’exécution par le banquier de l’obligation de restitution qui naît, car seul un fou déposerait son argent pour le plaisir qu’on le lui rende. Ce que désire le déposant est simplement l’état de créancier. Cela lui suffit. Dans l’immédiat, il est satisfait sans paiement, parce qu’il trouve dans sa créance exactement ce qu’il cherche : l’origine de cette prérogative qui va lui permettre de disposer des espèces du banquier, comme si c’était les siennes, pour régler les tiers.

9 - Cette prérogative tient à un mécanisme général du droit des obligations : toute créance de somme d’argent, pas seulement sur un banquier, est une réserve d’espèces à la disposition du créancier, car un créancier peut demander à son débiteur de porter les espèces à un tiers qu’il lui indique. Cette figure juridique, connue sous le nom d’indication de paiement, est prévue par le code civil dans ses art. 1277, al. 2, et 1937.

Elle suppose le consentement du débiteur, le créancier n’étant sûrement pas en droit de lui imposer contre son gré le surcroît de charge qu’implique le transport des fonds au tiers indiqué. Dans le cas du dépôt en banque ordinaire, le consentement du banquier est normalement acquis d’avance, par l’ouverture du compte, qui contient ce service particulier. Mais c’est dire que l’accord des volontés se situe hors du dépôt. Le dépôt a bien pour but de placer des fonds à la disposition du déposant, mais à lui seul il n’y parvient pas. Il ne fait que créer une situation : rendre le déposant créancier. Un autre contrat est nécessaire pour exploiter cette situation. Le dépôt n’est qu’une étape dans la production des effets qui en sont attendus, mais qui ne sont pas produits par lui.

Il y a d’ailleurs des dépôts qui n’ouvrent pas la possibilité de disposer des espèces du banquier en ordonnant à celui-ci de payer des tiers. C’est le cas de ce qu’on appelle le gage-espèces. Sa différence essentielle avec le dépôt en banque ordinaire est qu’il engendre une créance nue, non assortie du droit de disposer des espèces du banquier.

10 - Ce qui précède conduit à distinguer deux manières pour le déposant d’utiliser sa créance pour payer les tiers. Il peut d’abord la céder. Alors c’est une créance qui change de titulaire. Le tiers cessionnaire est investi du droit de réclamer paiement au banquier. Mais le déposant peut aussi demander au banquier de transférer des espèces à un tiers qu’il lui indique. Alors ce sont des fonds qui changent de mains. Le tiers n’est investi d’aucun droit sur le banquier dépositaire. Son rôle se borne à recevoir les fonds qui lui sont adressés.

La pratique bancaire utilise les deux procédés. Ainsi un chèque est de par la loi un mode de transfert de créance, la provision. Au contraire, le virement est un mode de transfert d’espèces, non d’une créance, puisque ce n’est pas le bénéficiaire, mais le déposant, qui donne l’ordre de payer.

11 - Ces vues divergent de celles qui sont communément admises en doctrine aujourd’hui. L’analyse habituelle part aussi de la constatation que le déposant est titulaire d’une créance, mais elle considère qu’un droit de cette nature ne répond pas aux exigences de la pratique, car les transmissions de créances sont des opérations compliquées (cf. art. 1690 c. civ.) et peu sûres (cf. opposabilité des exceptions). La pratique aurait besoin que ces créances nées de dépôts se transmettent aussi simplement et aussi sûrement que les espèces. Elle cherche donc à assimiler ces créances à des espèces. Elle découvre la solution dans une fiction, encore une : celle que les créances nées de dépôts s’incorporent dans les écritures en compte, comme elles s’incorporent dans les effets de commerce, de sorte qu’elles se transmettraient par simple jeu d’écritures. Ainsi s’expliquerait le virement.

La doctrine monétaire recourt volontiers aux fictions, quoique l’utilisation de la monnaie paraisse bien naturelle à tout le monde et qu’on n’explique pas les phénomènes naturels à coup de fictions. Elles permettent évidemment à la pratique de retomber sur ses pieds, mais sans souplesse. Et l’ennui, avec elles, c’est le risque que le profane ne se laisse gagner par l’impression qu’il est en face d’un rideau de fumée derrière lequel seuls les initiés ont accès et qu’ils s’y taillent à leur aise leur petit empire dans le savoir. Mieux vaut se passer d’elles quand on le peut.

Or aucune fiction n’est nécessaire pour expliquer la simplicité du virement. C’est très naturellement qu’il est un transfert d’espèces, non de créance. Il suffit de voir qu’il est une forme d’indication de paiement. Ce n’est pas parce que les dépôts engendrent des créances que les virements sont a priori des transferts de créances. C’est au contraire ce qui leur permet d’être des transferts d’espèces, des espèces détenues par le banquier débiteur.

Cette fiction que les écritures en banque sont comme des espèces est à la rigueur acceptable quand elle ne fait que décrire la réalité, c’est-à-dire quand, derrière la créance du déposant, on trouve en effet des espèces mises à disposition par le banquier. Mais quand ce n’est pas le cas, elle fausse l’analyse. Ainsi dans le gage-espèces, on ne saurait assimiler la créance qu’il fait naître à des espèces, à moins de donner à fond dans cette fiction que toute écriture en banque est comme des espèces et tomber dans le piège qu’on s’est soi-même tendu.

4. Les avoirs en banque ou « monnaie scripturale » ne sont pas assimilables aux espèces monétaires
12 - Les économistes ont sûrement les meilleures raisons d’assimiler les avoirs en banque à des espèces et de parler de « monnaie scripturale ». Mais pour les juristes subsisteront toujours des différences irréductibles.

13 - Les avoirs en banque ne sont pas des instruments de paiement aussi complets que les espèces, parce qu’ils n’apportent pas au créancier une satisfaction égale, quelle que soit la manière dont ils sont utilisés.

Quand un créancier reçoit l’avoir de son débiteur à l’état de créance par exemple dans un chèque, il n’est pas payé, car une remise de créance ne vaut pas paiement. Seul l’encaissement de cette créance vaut paiement(4). Donc, dans cette hypothèse, l’avoir reste ce qu’il est : une créance.

Et quand le créancier reçoit l’avoir par virement, alors il reçoit bien des espèces(5) et il est payé. Mais ces espèces passent aussitôt pour lui à l’état de créance, sous forme d’avoir dans son propre compte. Or cette forme ne lui convient pas nécessairement, car une créance est une chose vulnérable. Elle se compense sans qu’on y puisse rien, elle se saisit, elle se prescrit, elle se bloque, elle est exposée au contentieux, serait-il infondé. C’est pourquoi cette forme de paiement est subordonnée en principe au bon vouloir du créancier. Hors quelques exceptions d’inspiration fiscale, on n’est pas obligé de recevoir son dû sous forme d’avoir en banque. Autrement dit, à la différence des espèces, la « monnaie scripturale » n’a pas cours légal, et c’est là un attribut monétaire fondamental qui lui manque. La monnaie ne valant que par sa capacité de réutilisation, le cours légal est la garantie juridique, pour celui qui la reçoit, qu’il pourra l’utiliser à son tour en l’imposant en paiement à ses propres créanciers. Sans cette garantie, la satisfaction du créancier prend en droit un caractère aléatoire. C’est donc seulement en fait que les avoirs en banque jouent le rôle de monnaie ; et même en fait ils n’y parviendraient pas si, derrière eux, il n’y avait les espèces(6).

14 - De manière plus générale, ce n’est pas en baptisant monnaie ce qui est un droit qu’on fera oublier au créancier qu’on ne paye pas avec un droit. Ni un droit de créance ni un droit de propriété. Aucun créancier ne sera d’accord si son débiteur lui dit : « J’ai oublié chez moi sur le manteau de la cheminée les espèces que je devais vous remettre. Elles y sont parfaitement individualisées. Je vous en transfère la propriété. Vous voilà payé ». Le droit peut préparer la satisfaction du créancier, il peut l’entourer de garantie, mais il ne peut pas la créer. Ce qu’il faut au créancier, ce n’est pas un droit à la chose ou sur la chose, mais la chose elle-même(7).

15 - Les rapports des espèces et des avoirs en banque avec le droit privé sont foncièrement différents.

Les espèces, face au droit, sont comme l’amour ou l’enfant de Bohème : la répulsion est immédiate et réciproque. Dostoïevski a dit que l’argent, c’est la liberté frappée. Donc le non-droit. Les espèces s’y réfugient d’autant mieux qu’elles ne sont pas des biens, qu’elles ne sont rien. La régularité et la moralité n’y trouvent pas toujours leur compte, mais c’est pareil pour toutes les libertés, et après tout celle-là en vaut d’autres qui sont homologuées comme publiques dans les ouvrages spécialisés(8).

Les avoirs en banque n’ont pas ce charme anarchique. Ils sont du droit, puisqu’ils sont créances. Contrairement aux espèces, qui ne sont pas faites pour être individualisées, et même faites pour ne pas l’être, les avoirs le sont nécessairement sous leur forme d’écritures. On le suit à la trace dans le dédale des comptes. On décèle leur origine et leur destination. L’oeil des autres, et leur nez, s’y insinue aisément(9). Ils sont congénitalement sujets aux contrôles étatiques. Ils obligent à rendre des comptes. Bref, la liberté de Dostoïevski se laisse mal déposer en banque(10).

Il y a là un paradoxe. Le droit ne peut pas vraiment tenir la « monnaie scripturale » pour de la monnaie, précisément parce qu’elle est du droit, seulement du droit.

Conclusion

16 - Si les analyses qui précèdent sont exactes, le dépôt de monnaie en banque est le contrat le plus simple de tout le droit des obligations. Sa seule finalité, son unique effet, est la naissance d’une créance monétaire. Cette créance permet de déplacer de la monnaie, mais elle ne se métamorphose pas elle-même en monnaie. Créance elle est, créance elle reste.

Notes

(1) Ainsi Cass. 1re civ., 7 févr. 1984, Bull. civ. I, n° 49 ; Defrénois 1984, art. 33427, note Larroumet. L’idée d’un transfert de propriété de la monnaie par le dépôt conduit aussi à analyser le gage-espèces comme une aliénation fiduciaire à titre de garantie. Cf. Cass. com., 3 juin 1997, Bull. civ. IV, n° 165 ; JCP 1997, II, n° 22891, rapp. Rémery ; D. 1998, Jur. p. 61, note François ; D. 1998, Somm. p. 104, obs. Piedelièvre.

(2) Le code civil considère manifestement les espèces comme des biens, comme des choses susceptibles de propriété. Voir notamment l’art. 1238. C’est qu’en 1804 les espèces étaient réellement des biens, car elles étaient ou représentaient une créance d’or ou d’argent. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Voilà plus de vingt ans qu’aucune monnaie n’est plus rattachée à un métal, ni directement ni indirectement. Cela a coupé les espèces du monde des biens pour les réduire au seul état d’objet d’obligation.

(3) Dans le contentieux, l’idée de propriété de la monnaie ne paraît jamais avoir servi à rien. A admettre le principe de la revendication des espèces en cas de vol (cf. Cass. req., 25 nov. 1929, DH 1930, p. 3 ; RTD civ. 1934, p. 184, obs. Solus) ? Mais, en pratique, la revendication butte contre l’impossibilité d’individualiser les espèces dans le patrimoine du voleur. De même la question du moment du transfert de propriété de la monnaie ne se pose jamais. C’est qu’on ne paye pas avec un droit de propriété. Cf. infra, n° 14.

(4) Cass. com., 23 juin 1992, Bull. civ. IV, n° 245. V. aussi l’abondante jurisprudence énonçant que la remise d’un chèque ne vaut pas paiement.

La fiction de l’incorporation de la créance dans les effets de commerce n’a donc jamais suffi pour que la remise d’un effet de commerce vaille paiement, pour que l’effet soit assimilable à de la monnaie. Comment, dès lors, dans le dépôt en banque, la fiction de l’incorporation de la créance dans les écritures pourrait-elle suffire à transformer cette créance en monnaie ? Le paiement est une épreuve de vérité. Il n’a que faire des fictions.

(5) Cf. supra, n° 10.

(6) Pour un juriste, l’euro ne sera donc pas une véritable monnaie tant qu’il sera dépourvu du cours légal et n’existera que sous forme d’avoirs.

(7) C’est une autre raison qui, en droit privé, empêchera l’euro d’être une monnaie véritable, distincte des monnaies nationales, tant qu’il n’aura pas ses propres espèces.

C’est aussi une autre raison pour laquelle l’idée de propriété de la monnaie ne sert à rien.

(8) L’art. 221 c. civ. aurait dû aller sans dire.

(9) Le secret bancaire procéda visiblement, à l’origine de sa pratique, de l’idée de rendre les comptes en banque aussi opaques que les portefeuilles et réduire ainsi, autant qu’il était possible, cet écart naturel entre les espèces et les avoirs en banque. C’est ce qui lui donnait sa particularité par rapport aux autres secrets professionnels. Mais le droit positif y a apporté tant de limites qu’il semble en avoir fait un secret professionnel comme un autre.

(10) C’est une raison de plus qui empêchera l’euro d’être une monnaie véritable tant qu’il n’existera que sous forme d’écritures dans les comptes. Allez payer un dessous-de-table en euros…




J'ai répondu ceci ce matin :

Étienne Chouard dit : Votre commentaire est en cours de modération
8 décembre 2008 à 08:00

@ nuknuk66,

merci pour cette formidable trouvaille (dont la numérotation est un peu baroque, au premier abord, cependant  ) : chaque relecture de cette riche analyse donne de nouveaux éclaircissements.

================================

Il me semble pourtant qu’il y manque un aspect essentiel de la monnaie-dette, celui de la dette sous-jacente à la monnaie fiduciaire :

Quand le Dalloz écrit (point 10, al.2) : « Au contraire, le virement est un mode de transfert d’espèces, non d’une créance », ou encore (point 11, al. 3) : « Or aucune fiction n’est nécessaire pour expliquer la simplicité du virement. C’est très naturellement qu’il est un transfert d’espèces, non de créance. », l’auteur oublie que les billets et les pièces (la monnaie fiduciaire), les espèces, sont aussi des créances, des créances contre l’État cette fois —et jamais remboursables, c’est vrai, depuis la non convertibilité en or—, mais des créances quand même.

Quand un paiement a lieu par transfert d’ESPÈCES, c’est donc, encore et toujours, un TRANSFERT DE CRÉANCE, mais une créance contre un autre débiteur qu’une banque, une créance contre l’État.

L’auteur sent bien que le débat n’est pas clos, d’ailleurs, quand il souligne la différence d’approche entre les juristes et les économistes (point 12).

Au point 14, l’auteur en vient même à confondre lui-même la monnaie fiduciaire à une chose, c’est amusant : même les plus fins analystes s’y perdent, décidément 

« 14 - De manière plus générale, ce n’est pas en baptisant monnaie ce qui est un droit qu’on fera oublier au créancier qu’on ne paye pas avec un droit. Ni un droit de créance ni un droit de propriété. Aucun créancier ne sera d’accord si son débiteur lui dit : « J’ai oublié chez moi sur le manteau de la cheminée les espèces que je devais vous remettre. Elles y sont parfaitement individualisées. Je vous en transfère la propriété. Vous voilà payé ». Le droit peut préparer la satisfaction du créancier, il peut l’entourer de garantie, mais il ne peut pas la créer. Ce qu’il faut au créancier, ce n’est pas un droit à la chose ou sur la chose, mais la chose elle-même (7). »

Sa distinction se fonde sur ce point, important mais dont il exagère la portée (point 13, al. 3), je trouve :

« (…) à la différence des espèces, LA “MONNAIE SCRIPTURALE” N’A PAS COURS LÉGAL, et c’est là un attribut monétaire fondamental qui lui manque. La monnaie ne valant que par sa capacité de réutilisation, le cours légal est la GARANTIE juridique, pour celui qui la reçoit, qu’il pourra l’utiliser à son tour en l’imposant en paiement à ses propres créanciers. Sans cette garantie, la satisfaction du créancier prend en droit un caractère aléatoire. C’est donc seulement en fait que les avoirs en banque jouent le rôle de monnaie ; et même en fait ils n’y parviendraient pas si, derrière eux, il n’y avait les espèces. »

Il me semble qu’insister sur cet aspect aléatoire de la créance contre les banques (que constitue la provision des DAV) est un peu « un juridisme » ; d’un point de vue économique, c’est quasi négligeable : la solvabilité des banques (garanties par l’État jusque dans les pires tempêtes comme on peut le constater en ce moment) est quasi parfaite.

À mon sens, LE POUVOIR D’ACHAT DES DEUX MONNAIES, FIDUCIAIRE ET SCRIPTURALE, EST LE MÊME.

Et le fait (pour revenir à notre débat, ici) que les banques privées puissent créer du pouvoir d’achat (moyennant un intérêt ruineux) n’est pas envisagé par l’auteur.

La distinction de l’auteur est donc compréhensible (passionnante même), mais discutable :

L’enjeu de cet oubli (l’oubli que les espèces sont aussi une dette, une dette contre l’État), c’est d’oublier ce fait POLITIQUE majeur que l’État est, lui aussi, tout à fait capable de créer la monnaie —précieux TITRE DE DETTE FIABLE qui facilite tant nos échanges et QU’ON PEUT CRÉER À VOLONTÉ.

On risque alors d’oublier de se battre pour que l’État conserve cette fonction régalienne, en oubliant que ce mode de création monétaire-là, L’ÉMISSION MONÉTAIRE PAR L’ÉTAT, EST INFINIMENT MOINS COÛTEUSE POUR LA COLLECTIVITÉ (pas de charge d’intérêt, et même pas forcément de charge de remboursement, pas toujours).

================================

Décidément, la pertinence de la parabole des ballons est vraiment très contestable, et la confusion règne, apparemment, en matière de création monétaire, même chez de nombreux professionnels de l’argent.

Utile débat, donc.

Comme d’habitude, de la discussion jaillit la lumière.

Ne pas avoir peur de se tromper : en réalisant qu’on se trompait, on progresse, c’est à la fois banal et positif.

Étienne.

Hors ligne

 

#517 08-12-2008 12:59:22

NingúnOtro
Membre
Message n°5515
Lieu: Motril - Espagne
Date d'inscription: 18-05-2008
Messages: 579
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Étienne a écrit:

À mon sens, LE POUVOIR D’ACHAT DES DEUX MONNAIES, FIDUCIAIRE ET SCRIPTURALE, EST LE MÊME.

Et le fait (pour revenir à notre débat, ici) que les banques privées puissent créer du pouvoir d’achat (moyennant un intérêt ruineux) n’est pas envisagé par l’auteur.

La distinction de l’auteur est donc compréhensible (passionnante même), mais discutable :

L’enjeu de cet oubli (l’oubli que les espèces sont aussi une dette, une dette contre l’État), c’est d’oublier ce fait POLITIQUE majeur que l’État est, lui aussi, tout à fait capable de créer la monnaie —précieux TITRE DE DETTE FIABLE qui facilite tant nos échanges et QU’ON PEUT CRÉER À VOLONTÉ.

On risque alors d’oublier de se battre pour que l’État conserve cette fonction régalienne, en oubliant que ce mode de création monétaire-là, L’ÉMISSION MONÉTAIRE PAR L’ÉTAT, EST INFINIMENT MOINS COÛTEUSE POUR LA COLLECTIVITÉ (pas de charge d’intérêt, et même pas forcément de charge de remboursement, pas toujours).

Le grand problème, ici, Ëtienne, est tout NU: Le fait que les banques privées puissent créer du pouvoir d’achat. Rien de plus, rien de moins.

Tu peux comparer cela exactement avec la situation des lotteries, dont l'état se garde bien de laisser le monopole (quoi que...).

Le grand problème du système neo-libéral, c'est que la compétence libre et non faussée dans le marché de la création du pouvoir d'achat est devenue sacro-sainte. Chacun essaie d'être encore plus ingénieux que son voisin, et l'ingénierie financière ne connaît comme limite que la stupidité humaine.

Subprimes, etc... toute l´économie financière est devenu un énorme schème de Ponzi http://fr.wikipedia.org/wiki/Sch%C3%A9ma_de_Ponzi

Dernière modification par NingúnOtro (08-12-2008 13:05:08)

Hors ligne

 

#518 08-12-2008 16:09:40

Zolko
Membre
Message n°5516
Date d'inscription: 17-07-2008
Messages: 545
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

NingúnOtro a écrit:

Le grand problème, ici, Étienne, est tout NU: Le fait que les banques privées puissent créer du pouvoir d’achat. Rien de plus, rien de moins.

Je n'en suis pas si sûr que cela soit le problème: en effet, si j'ai un magasin (de jouets par ex) j'ai toute légitimité à créer de la monnaie qui donnera du pouvoir d'achat dans MON magasin. Ca s'appelle des bons d'achat. Mais ce sera de la monnaie avec lequel on ne pourra rien acheter ailleurs, et que l'État ne reconnaîtra pas.

Le vrai problème à mon avis est que la monnaie créée par les banques n'est pas différentiable de celle créée par l'État: c'est de la fausse monnaie, légale. Si sur votre relevé bancaire était noté: XXX€uros + YYYßidules, les ßidules étant de la monnaie émise par la banque avec une certaine convertibilité assurée par la banque, à ses risques, il n'y aurait pas de problème. Mais les ßidules, bien qu'émises par les banques, portent le même nom et la même valeur que les €uros émis par l'État, et garantis par l'État.

Pourquoi ?

Hors ligne

 

#519 08-12-2008 18:53:16

AJH
Membre
Message n°5517
Lieu: Aix en Provence
Date d'inscription: 18-08-2006
Messages: 1559
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

@Zolko

Parce que les "bidules" sont également garantis par l'Etat à hauteur de 70000 € par personne et que de toute façon un Etat ne peut pas laisser une grande banque (et le système bancaire dans sa globalité) s'écrouler.

Sur les 9000 milliards d'euros formant ce qu'on dénomme "la monnaie" , seuls 650 milliards sont des euros "banque centrale" .. et ils n'ont absolument pas plus de valeur que les autres si le système monétaire s'effondre, simplement parce que la monnaie c'est de la confiance ...
Il n'y a rien qui puisse remplacer la "monnaie-confiance'


L'utopie, c'est ce qui n'a pas encore été essayé (T. Monod)
http://www.societal.org

Hors ligne

 

#520 08-12-2008 19:10:25

NingúnOtro
Membre
Message n°5518
Lieu: Motril - Espagne
Date d'inscription: 18-05-2008
Messages: 579
Site web

Re: 07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

Zolko, par pitié... on n'arrivera nullepart si on ne peut guère utiliser des raccourcis logiques et des simplifications...
 
Si l'état crée de la monnaie qui représente du pouvoir d'achat...
Si les banques créent des "bidules" qu'on ne peut guère différentier de la monnaie...

ALORS, les banques créent du POUVOIR D'ACHAT.

C'est si simple que cela.


Maintenant, analysons les problèmes qu'on rencontre quand les banques, des entités privés au but lucratif qui doivent rendre compte de leur rentabilité à des actionnaires privés dépourvus de buts bénéfiques pour la collectivité, compètent dans un marché libre et non-faussée pour être les plus performants dans la "création de pouvoir d'achat ex-nihilo".

Plus, analysons les implications de la compétence déloyale que constitue le fait que quelques-uns puissent le faire ex-nihilo alors que d'autres ne peuvent le faire qu'avec beaucoup de sueur...

La dévaluation de l'argent, et le fait que les quantités qu'on peut en gagner avec de la sueur dans une journée de travail ne suffisent plus à se garantir la survie pendant une journée... à BEAUCOUP À VOIR avec la compétence déloyale qu'est la création ex-nihilo.

Si on peut créer ex-nihilo 1.000.000€ aussi facilement que cela, dans un instant... tôt ou tard les banques achèteront en un instant un pain en payant ce 1.000.000€, pendant que n'importe quel mortel est assuré d'être mort long avant d'avoir pu travailler assez pour pouvoir manger.

Une fois introduits dans une telle logique, la seule solution est de décider TOUT DE SUITE que l'argent n'à plus cours légal pour personne.


Ce qu'ils sont en train de faire maintenant, les "institutions financières" et leur apprentis de sorciers, c'est de disséminer de la confusion pendant qu'ils s'appliquent à acheter, avec leur argent ex-nihilo, toutes les existences de resources MATERIELLES, celles qui retiendront de la valeur quand l'argent lui il ne vaudra plus rien. Si ils stimulent la consommation et l'investissement des états dans les grandes infrastructures, c'est parce-que en faisant cela ils éliminent une possible compétence dans la course folle pour les ACTIFS MATÉRIELS à valeur pérenne qu'ils convoitisent, eux...

Faut essayer de penser un peu... d'une façon indépendante et pas en fonction des données interessés que quelques-uns des acteurs veulent bien disséminer comme propagande pour préserver LEURS intérêts.

Hors ligne

 

Pied de page des forums

Propulsé par PunBB 1.2.12
© Copyright 2002–2005 Rickard Andersson
Traduction par punbb.fr