Au secours, je ne sais pas quoi voter au referendum ! (4)

Où le mystère du drapeau entraine notre explorateur au carmel de Lisieux
mardi 22 mars 2005.
 

Non, mais je vais vraiment finir par me prendre pour Dan Brown, moi.

Je ne pensais pas lever un tel lièvre, avec cette histoire des douze étoiles du drapeau. Et quand je pense que c’est la Croix qui a craché le morceau !

Vous avez lu la réponse de Peggy, dans l’étape précédente ? Donc, le drapeau serait le fruit d’une conspiration catholique strasbourgeoise, Dieu en contrebande et Madone subliminale, genre chrétiens des catacombes téléportés dans les années 50, avec rencontre fortuite devant le Carmel de Lisieux. Et le bleu du drapeau serait le bleu marial. Et la date du 8 décembre n’aurait pas été choisie au hasard.

Pourquoi pas ? Il est vrai que Google livre généreusement confidences, anecdotes ou détails sur Arsène Heitz. Par exemple ici. Ou encore là, pour quelques détails supplémentaires transmis par le père Caillon, apparemment sur son lit de mort de l’hopital de Cluny. Quelle histoire ! "Une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de 12 étoiles." Et tout celà issu de la contemplation d’une médaille dans une chapelle de la rue du Bac ! Savaient-ils tout celà, les randonneurs de la Croix ?

Mais alors pourquoi une entreprise autogérée, libre, certainement hors d’atteinte de la censure du Vatican, comme Wikipedia, fait-elle semblant d’ignorer la chose ? Ils n’ont pas lu Dieu.com ? Ils n’ont jamais entendu parler d’Arsène Heitz ? Incrédule, je lis et relis l’article de Wikipedia. "Le chiffre douze : dans différentes traditions, douze est un chiffre symbolique représentant la complétude et la perfection. Les douze mois, les douze signes du zodiaque, les douze heures du jour et de la nuit, ce qui signifie que l’Europe se situe dans le temps et évolue. Le bleu : la couleur bleue représente le ciel du monde occidental."

Quand je vois avec quelle rapidité, sur Internet, on se fait rectifier l’érudition dans l’heure qui suit parce qu’on s’est trompé de dix ans sur une chanson de Pierre Bachelet (hum, j’ai l’air malin, tout de même), personne n’a fait un mail au rédacteur de Wikipedia pour lui dire, eh, ton histoire de complétude et de perfection, de peuples d’Europe, de signes du Zodiaque, ce n’est pas du tout ça ! En fait, c’est une couronne de 12 étoiles sur la tête d’une femme revêtue du soleil ! Ca a même été avoué par la veuve d’Arsène Heitz ?

A moins que...

A moins que le rédacteur de Wikipedia fasse partie du grand complot vaticanesque pour que les peuples d’Europe ignorent la signification du drapeau.

D’ailleurs puisque nous sommes sur ces questions d’influence religieuse (on reviendra aux services publics plus tard. Je n’oublie pas les services publics) je vous signale un excellent article de Cuverville, sur les dangers que fait peser le Traité sur la laïcité.

Cuverville s’est penché sur le II-70 : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ».

"Ces mots, explique Cuverville, semblent légitimer des comportements ayant peu de chose à voir avec la République indivisible et laïque. Le sujet est particulièrement sensible, en ces temps de stigmatisation des signes ostentatoires portés par les épouses et filles des terroristes islamistes."

Mais selon les ouistes cités par Cuverville, ce ne serait pas inquiétant. "D’abord, disent-ils, l’article II-70 ne sort pas du chapeau. On retrouve la formulation du premier alinéa dans (...) la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Pourquoi se référer surtout à la CEDH ? Parce qu’elle a été adoptée par le Conseil de l’Europe, et que pour avoir une chance d’intégrer l’Union, il faut l’avoir ratifiée."

Mais c’est là où le nonien Cuverville réserve un coup de Jarnac aux ouistes : "Prenons-les au mot et lisons précisément son article 9, celui qui a servi de modèle au II-70 de la Constitution européenne : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Revoilà le deuxième alinéa. Le désormais fameux système du deuxième alinéa qui contredit le premier, système qui semble avoir poussé comme du chiendent dans les articles de la constitution.

Sauf que là, les conventionnels, justement, ont oublié le deuxième alinéa.

"Le deuxième alinéa est essentiel, observe Cuverville. Son but est de cadrer le premier, de restreindre son champ d’application conformément au Droit national. Mais Giscard l’a oublié en route quand il a fait son copier-coller. Ce qui change considérablement la donne. Il y a donc de quoi s’inquiéter."

Eh bien vous savez quoi ? Les ouistes, cités par le nonien Cuverville, ont une réponse à celà aussi. D’ailleurs, on dirait qu’ils ont réponse à tout. D’aileurs, dans ce débat à tiroirs, j’ai l’impression que tout le monde a toujours réponse à tout. Je ne la reproduis pas. Je vous laisse aller la lire sur le site de Cuverville.

Je commence à entrevoir une chose : ça va barder, devant la Cour européenne de Luxembourg. Inutile d’ajouter qu’à la sortie de la controverse, je n’ai personnellement pas compris si dans l’Europe des ouistes, le port du voile, autorisé ou pas.

Pendant ce temps, en surface, au 13 Heures de France 2, Olivier Duhamel (ça va bien, Olivier ? Vous revenez nous voir un jour ? Si je vous appelle Olivier, ne vous formalisez pas, c’est pour montrer à Ivanov que je ne suis pas plus familier avec les noniens qu’avec les ouistes. Ma femme me dit : "avec ton ironie à deux balles, tu as fait fuir Olivier Duhamel." Dîtes-moi que ce n’est pas vrai, Olivier !) était opposé à Philippe de Villiers. Moment de télé exceptionnel : on a failli évoquer un article de la constitution. De Villiers : "la directive Bolkestein, elle est dans l’article 144" Duhamel : "mais non". De Villiers : "je peux vous lire". Duhamel : "vous nous distrairez après avec vos trucs, mais laissez-nous terminer sur le troisième point".

Vos trucs ! Olivier, ces articles, ce sont les vôtres !

Mais de toutes manières, je crois que vous avez eu raison de refuser d’évacuer cette question en douze secondes devant Benoit Duquesne.

J’ai fait une petite recherche. Bolkestein et le III-144, on approche du noeud du problème. On y reviendra.

Allez, un petit coup de boules chinoises, pour terminer. Aujourd’hui, le II-84 : "Les enfants ont le droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être".

Mais je sens que je vais encore me faire engueuler par Burt Allibert. Burt (je peux vous appeler Burt ?) va me dire : "faites un test. Imaginez-vous lisant cet article devant des enfants qui fabriquent des chaussures de sport en Birmanie pour un dollar par semaine".

D’accord Burt, je capitule. J’ai parfois comme des envies de retraite au Carmel de Lisieux. Mais je crois qu’ils n’acceptent pas les garçons.


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